Acheter un cheval est une décision très importante qui peut prendre du temps avant de se concrétiser. Les chevaux sont des animaux, des biens meubles dotés de sensibilité dont l’état de santé peut se révéler sujet à contentieux en matière de vente.

L’importance d’une visite vétérinaire avant la conclusion d’un contrat de vente est essentielle, sans cesse rappelée, et cette visite doit déboucher sur la remise d’un rapport sans lequel l’acquéreur peut se voir privé de recours.

Les actions dont dispose l’acquéreur à l’encontre de son vendeur peuvent être diverses. C’est ce que rappelle le récent arrêt de la Cour d’appel de Paris qui a débouté l’acheteur en considération des stipulations du contrat conclu avec le vendeur.

Madame F. (particulier) a vendu une jument de « loisirs » à Madame G., laquelle avait demandé à son vétérinaire d’expertiser la jument.

Dans le contrat de vente, il était prévu que l’acheteur déclarait « connaitre toutes les qualités substantielles de l’animal  et renoncer à tout recours contre le vendeur au titre de la garantie tacite conventionnelle » en conséquence, les risques concernant l’animal étaient à la charge de l’acheteur dès la signature du  contrat.

Peu de temps après la vente, Madame G., qui pratiquait le CSO avec sa jument, a constaté que l'animal boitait. Elle a fait intervenir un maréchal-ferrant puis son vétérinaire.

Un autre vétérinaire a ensuite diagnostiqué une maladie « naviculaire » et s’est montré réservé pour la poursuite de l’activité de la jument.

Madame G. a demandé en justice la résolution de la vente pour vices cachés et s’est vue déboutée en première instance après expertise. Madame F. n’avait eu connaissance d’aucune lésion sur cette jument, celle-ci n'ayant présenté aucune boiterie avant la vente.

C’est dans ce contexte que la Cour d’appel a eu à connaitre de cette affaire et l’a jugée de manière très pédagogique (1).

La vente, comme l'échange d'animaux domestiques, donne lieu à un régime spécifique prévu par le code rural dont les conditions sont distinctes de celles du droit commun (délai de prescription, vices rédhibitoires)

Il est permis aux parties de déroger à ce régime par stipulations contractuelles comme tel a été le cas en l’espèce. Les juges sont alors tenus d’appliquer d’office le contrat, (2) qui tient lieu de loi aux parties.

C’est donc à juste titre que la Cour d’appel a écarté le régime du code rural au profit du contrat.

Il était inutile à l’acheteur de solliciter l’application du code de la consommation pour bénéficier de la garantie légale de conformité puisque les dispositions ce code ne peuvent s’appliquer qu’entre un professionnel et un particulier et non entre deux particuliers, quand bien même l'ordonnance du 17 février 2005 a modifié la garantie de conformité prévue aux articles L. 211-1 et suivants du code de la consommation et s'applique désormais à la vente des animaux domestiques  (à l'exception de la présomption d'existence des défauts de conformité lors de la délivrance du bien lorsqu'ils apparaissent dans les six mois de la délivrance vingt-quatre mois à compter du 18 mars 2016).

Restaient donc le contrat et le droit commun de la vente.

Le contrat contenait une clause exonératoire de responsabilité et à juste titre, la Cour d’appel a rappelé que les clauses exonératoires ou limitatives de garantie ont de la valeur dès lors que le vendeur est de bonne foi, c’est-à-dire qu’il ignorait le vice de la chose, ce qui était le cas en l’espèce.

Il était donc inutile, pour l’acheteur d’invoquer les vices cachés pour obtenir la résolution de la vente, sauf à démontrer que le contrat était nul, que son consentement avait été surpris par dol ou arraché par violence.

Le vendeur particulier n’est pas présumé connaitre les vices cachés du bien vendu d’une part et d’autre part, le vendeur professionnel est tenu de garantir les vices cachés sauf clause contraire prévue au contrat, ce qui était le cas en l’espèce.

Il appartient à l’acquéreur de se montrer très vigilant lors de chacune des phases de la vente. Chaque clause revêt toute son importance et la qualité des parties peut s’avérer également déterminante par la suite.

Sans même avoir eu besoin d’analyser le fond du dossier ni la question de savoir à quel moment la boiterie s’est déclenchée, la Cour d’appel a pu débouter l’acquéreur en application du contrat. Si les preuves d’une boiterie présentée avant la vente avaient été rapportées, l’acquéreur aurait pu essayer de remettre en cause la validité de la clause d’exclusion qui aurait pu vider le contrat de son objet (livraison d’un cheval conforme à sa destination : être monté) puisque « la clause limitative de responsabilité du contrat () devait être réputée non écrite » (3).

De la même manière, si l’acquéreur avait pu prouver que le critère essentiel pour lui était la pratique du CSO et non pas les loisirs, il aurait pu se fonder sur l’erreur ou le dol pour obtenir la nullité du contrat comme est souvent le cas. (4) « Nullité de la vente d’un poney de sport sur le fondement de l’erreur, dans la mesure où le critère reconnu comme essentiel par les parties était la taille » et (5) « nullité sur le fondement de l’erreur, la vente d’un étalon qui ne disposait pas de l’approbation pour produire dans sa race. Ce critère retenu comme substantiel résulte de la facture mentionnant la qualité de reproducteur, la race du cheval, et d’étalon ».

Donc, il est important de veiller à disposer avant la vente, d’un rapport d’un vétérinaire de confiance.

La liberté contractuelle demeure, fort heureusement, au c½ur des préoccupations des magistrats mais pour combien de temps ?

 

Par Caroline Goldberg

Avocat au Barreau de Paris

 

Références

(1) Cour d’appel Paris, Pole 5, Chambre 5, 26 Janvier 2017, N° 14/17581

(2) Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 29 janvier 2002, 00-13.666

(3) Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 22 octobre 1996, 93-18.632

(4)  Cour d’appel de Caen 2 décembre 2014

(5) Cour d’appel de Grenoble 24 février 2015