De nos jours, la condition animale est un sujet qui fait de plus en plus l’actualité aussi bien sur les réseaux sociaux, que dans les médias traditionnels. Plusieurs polémiques ont éclaté autour de l'utilisation des animaux dans le monde du spectacle et de la télévision. Ces personnes se sont principalement offusquées de voir des animaux tués dans Koh-Lanta, d’autres enfermés à Fort Boyard, mais aussi de ceux présents dans des cirques ou des delphinariums.  Aujourd’hui, nombre d’associations réclament la fin de l'utilisation d’animaux dans les animations à grand public. 

Dans ce contexte, lors de la séance du 26 janvier 2021, l’Assemblée Nationale a adopté une proposition de loi portée par trois députés de la majorité visant “à renforcer la lutte contre la maltraitance animale” a été présentée dans l’hémicycle. 

Cette préoccupation n’est pas nouvelle puisqu’elle remonte à la loi Grammont de 1850, cette dernière a été votée pour punir les actes de maltraitance exercés en public sur les chevaux. Depuis, plusieurs textes juridiques ont pu être adoptés pour la protection des animaux. 

Cependant, le débat reste ouvert puisque les associations de défense des animaux estiment toujours que des progrès sont encore à faire pour défendre au mieux la cause animale.

Elles sont par exemple favorables à la suppression des chasses traditionnelles (chasse à courre, chasse à la glue, la chasse par le déterrage de blaireaux …) ou à rendre l’usage obligatoire des caméras dans les abattoirs.

Ces associations ont de plus en plus un rôle de lanceurs d’alertes pour veiller au bien-être animal et sous leur impulsion certains textes juridiques deviennent de véritables boucliers législatifs pour ces animaux.

Le régime juridique des animaux

Depuis les premières avancées législatives, beaucoup de textes sont venus enrichir le droit des animaux. Aussi bien sur les sujets de leur protection, leur régime, ou encore la pénalité des actes à leur encontre.

Le régime juridique dans le code civil

Néanmoins, le dernier changement législatif majeur en termes de protection vient du code civil. L’article 515-14 définit à présent les animaux comme :

“[...] des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens”. 

De cette évolution, il faut retenir deux choses. Tout d’abord que les animaux ne sont plus considérés comme des “biens” (Ccas. 9 déc. 2015, n°14-25.910), mais si dans le même temps ils restent toujours soumis au régime juridique des biens. 

Cette distinction a une importance car les animaux ont un titre “à part” dans le code civil, mais elle est à double tranchant. En effet, bien que le code civil déclare clairement ce nouveau régime, la jurisprudence précédent l’adoption de ce nouvel article, reste en vigueur (CE, 11 déc.2014, n°395008). 

De plus, cet article ne mentionne pas tous les animaux. 

 

En effet, dans le code, les animaux sont divisés en plusieurs catégories : 

  • Les animaux domestiques représentent ceux qui ont subi une sélection de la part de l’Homme, pour qu’ils constituent une espèce différente de la forme sauvage,
  • Les animaux sauvages qui eux n’ont subi aucune sélection de la part de l’Homme,
  • Les animaux apprivoisés, comme leur nom l’indique représentent la catégorie des animaux sauvages qui ont été apprivoisé,
  • Les animaux de compagnie qui correspondent aux animaux détenus par l’Homme pour son agrément.

Le régime juridique dans les autres codes français

Néanmoins, le code civil n’est pas le seul à prévoir un régime juridique pour les animaux : il y a également le code rural et de la pêche maritime ou encore le code de l’environnement. 

  • Le Code rural et de la pêche maritime va protéger les animaux au sein de son article L214-1 “Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce”. Cette définition est complétée par d’autres articles qui sont davantage spécifiques aux animaux sauvages.
  • Le Code de l’environnement donne lieu à plusieurs parties consacrées aux animaux, mais le code ne mentionne que les animaux sous l’aspect “d’espèces non domestiques”. 

De ses divergences de formulation entre les différents codes, nous pouvons facilement en conclure que l’article du code civil a une portée beaucoup plus restreinte en matière de protection des animaux. 

Le droit français s’organise selon l’adage latin “specialia generalibus derogant”, autrement dit “les règles spéciales dérogent aux règles générales”. Pour le régime juridique des animaux, il s’articule a minima autour d’un régime de protection limité pour l’ensemble des animaux, mais en revanche des cas spécifiques permettent une protection plus forte de certaines catégories. Ce qui est par exemple le cas des animaux domestiques.

Cette protection des droits des animaux n'apparaît donc pas, en théorie, aussi uniforme qu’elle n’y paraît. 

La mise en place d’une hiérarchie de protection pour la défense des intérêts des animaux existe également d’un point de vue pénal. 

La pénalisation des actes de maltraitance sur les animaux

Comme nous venons de le voir, le code civil a requalifié le régime juridique des animaux, mais en revanche le code pénal ne semble pas avoir atteint le même niveau de protection. 

 

En effet, lorsqu’on examine son sommaire, on constate que la question animale est assez marginale dans ce code, puisqu’elle est évoquée dans un chapitre unique nommé “des sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux”, chapitre qui se situe au sein du titre II intitulé “autres dispositions”, dans le Livre V. 

Pour approfondir dans le détail, le droit français prévoit qu’en cas d’abandon d’animaux ou de sévices graves, ces actes seront pénalement qualifiés soit de contravention dites de 4ème classe (nb : les contraventions sont classées sur une échelle de 1 à 5) soit de délit, dans une minorité des cas. Il n’existe pas par la force des choses, de crimes effectués sur les animaux. 

L’article 521-1 de ce même code incarne la complexité actuelle de la protection juridique des animaux : il dispose en effet que “Le fait, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende”. On peut donc noter que cet article n’englobe pas tous les animaux, par ailleurs il ne définit pas les termes “sévices graves” et “ acte de cruauté”. Par déduction sa mise en ½uvre est donc conditionnée par les faits et l’interprétation des juges.  

De plus, cette protection restreinte n’est pas sans exception. En effet, on peut citer notamment plusieurs exemples (non exhaustifs) :  la directive 2010/63/UE du 22 septembre 2010 permet l’expérimentation animale à des fins scientifiques (sous certaines conditions) ; l’article R. 214-70 du code rural et de la pêche maritime dispose qu’il est possible d’effectuer un abattage rituel, pour des raisons de croyances religieuses ; ou encore le Conseil constitutionnel a statué, que pour des raisons de “traditions locales ininterrompues”, les arènes pour la corrida et les gallodromes sont autorisés. 

Comment la condition animale pourrait-elle changer ?

Pour revenir à l’actualité et à cette proposition de loi que nous vous évoquions un peu plus tôt dans notre article, elle a été votée à la quasi-unanimité par les députés à l’Assemblée Nationale (79 voix pour et 2 voix contre). 

 

Cette proposition comporte quatre chapitres très disparates : le premier concerne les conditions de détention des animaux de compagnie ainsi que des équidés, le deuxième permet un renforcement des sanctions dans la lutte contre la maltraitance, à l’encontre des animaux domestiques, le troisième est sur la fin de la maltraitance d’espèces sauvages utilisés à des fins commerciales; enfin le quatrième chapitre correspond lui à la fin de l’élevage de visons d’Amérique, destinés à la production de fourrure. 

Néanmoins, à ce jour cette proposition n’a toujours pas été mise à l’ordre du jour du Sénat. 

Plusieurs parlementaires et pas loin de 43 ONG et associations viennent en appui pour que cette proposition de loi, pour qu’elle soit rapidement adoptée de manière définitive.

Pour réfléchir à ce que peut être l’avenir du droit des animaux en France, on peut observer qu’à l’échelle européenne, bien que le traité de Lisbonne ait intégré un article sur les animaux (article 13 du TFUE) qui exige des Etats membres de respecter la sensibilité reconnue des animaux, il permet néanmoins à chacun de garder leur compétence sur les autres champs de ce domaine juridique. De facto, toutes leurs dispositions législatives ou administratives restent en vigueur. 

Par conséquent, certains pays sont allés beaucoup plus loin en termes de protection juridique des animaux. Par exemple, beaucoup d’Etats de l’UE ont interdit ou émis des interdictions partielles pour les animaux dans les cirques. 

Ces derniers indiquent probablement le chemin que la France va suivre dans les années à venir.