Consécutivement à la crise sanitaire liée à l’épidémie du covid-19, le Gouvernement a créé un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de cette crise (Ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020). Le Gouvernement a modifié à plusieurs reprises les conditions pour bénéficier du fonds de solidarité.

En particulier, il a été évoqué dernièrement par le ministre de l’Économie le refus du bénéfice de ce fonds pour les restaurateurs qui ne respecteraient pas les mesures de fermeture administrative de leurs établissements. Comment alors contester le refus opposé à une demande de bénéfice du fonds de solidarité ?

Quelles sont les conditions pour bénéficier du fonds de solidarité ?

Initialement, le décret n°2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité prévoyait que pouvaient bénéficier de ce fonds les personnes physiques et les personnes morales exerçant une activité économique remplissant un certain nombre de conditions comme avoir débuté son activité avant le 1er février 2020, ne pas avoir déposé de déclaration de cessation de paiement au 1er mars 2020 ; avoir un effectif inférieur ou égal à dix salariés ; ou encore avoir un chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à un million d'euros.

 

Ce décret a depuis lors été modifié à pas moins de 14 reprises, le dispositif s’adaptant à l’évolution de la situation sanitaire et économique et aux mesures administratives (fermeture administrative des restaurants notamment) et économiques (plan de relance) prises par le Gouvernement.

 

Les conditions – actualisées avec le décret n°2021-129 du 8 février 2021 – pour bénéficier du fonds de solidarité sont notamment les suivantes ne pas se trouver en liquidation judiciaire au 1er mars 2020 ; ou encore pour les associations, être assujetties aux impôts commerciaux ou emploient au moins un salarié.

 

Qui est en charge d’instruire et d’accorder les aides telles que le fonds de solidarité ?

Le décret n°2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité modifié, prévoit que le directeur général des finances publiques (DGFIP) est chargé de la gestion du fonds, de l’ordonnancement des aides financières et de la définition des modalités de contrôle de l’exactitude des déclarations des demandeurs.

 

C’est pour cette raison que c’est la DGFIP – via généralement le portail dédié sur impots.gouv.fr – qui informe le demandeur du rejet de sa demande et l’invite à présenter des observations.

 

Le même décret prévoit quant à lui que l’administration fiscale est chargée du suivi du dispositif.

 

C’est donc, en métropole, le directeur général des finances publiques qui prend la décision de verser les fonds et son administration qui instruit les dossiers.

 

Quelle est la nature de ces aides ?

 L’article 3 du décret du 30 mars 2020 dispose que les aides accordées par le fonds de solidarité prennent la forme de subventions.

 

Il précise également, par dérogation au droit commun (décret du 6 juin 2001), que les subventions feront l’objet d’une convention uniquement lorsque leur montant dépasse 200.000 euros (au lieu en principe de 23.000 euros).

 

Par un avis du 29 mai 2019, le Conseil d’État a rappelé que la décision d’attribuer une subvention est un acte administratif unilatérale, individuelle et créateur de droit.

 

La décision d’attribuer, ou non, l’aide prévue par le décret constitue donc un acte unilatéral individuelle.

 

Dans ces conditions, la décision de ne pas attribuer le fonds de solidarité ou encore la décision de retirer le bénéfice du fonds de solidarité est une décision qui peut être contestée.  

 

Quel est le juge compétent pour contester le refus ou le retrait du bénéfice du fonds de solidarité ? 

Par un arrêt du 24 novembre 1965, le Conseil d’État a rappelé la compétence du juge administratif en matière de subventions délivrées par l’État.

 

Le juge compétent concernant les aides accordées par l’État et les régions au titre du décret est donc le juge administratif.

 

Quelle procédure suivre pour contester le refus ou le retrait du bénéfice du fonds de solidarité ? Dans quel délai ?

La procédure amiable

Communément, on observe dans la pratique que la DGFIP indique dans ses décisions de rejet du bénéfice du fonds de solidarité que le demandeur dispose d’un délai de 15 jours pour présenter ses éventuelles observations.

 

L’article L.211-2 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) prévoit que les personnes physiques et morales doivent être informées des motifs des décisions administratives qui les concernent, notamment lorsque cette décision refuse un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir.

 

De plus, l’article L.121-1 du CRPA prévoit également une procédure contradictoire préalable obligatoire pour les décisions mentionnées à l’article L.211-2, ainsi que les décisions prises en considération de la personne.

 

Aussi il apparaît que le délai de 15 jours indiqué par la DGFIP consiste en la mise en ½uvre d’une procédure contradictoire. Cette procédure devant inclure la possibilité pour la personne intéressée de présenter des observations écrites avant que la décision n’intervienne.

 

La procédure contentieuse

Au-delà de cette procédure contradictoire, il faut être particulièrement attentif aux délais de recours à l’encontre de la décision de retrait ou de refus de bénéfice du fonds de solidarité.

 

Rappelons que le Conseil d’État, dans son avis du 29 mai 2019, a également précisé la nature des recours pouvant être menés contre la décision d’attribuer, ou non, une subvention. Le recours visant à l’annulation de la décision devra prendre la forme d’un recours pour excès de pouvoir y compris lorsque la subvention fait l’objet d’une convention.

 

Concrètement, la personne qui se voit retirer ou refuser le bénéfice du fonds de solidarité pourra contester cette décision soit auprès de l’administration, dans un délai de 2 mois suivant la décision ; soit directement devant le juge administratif, là-encore dans un délai de 2 mois suivant cette décision.

 

Il est également possible d’effectuer un recours indemnitaire afin d’obtenir la réparation des préjudices causés par le refus d’attribution de la subvention, celui-ci devra faire l’objet d’un recours en plein contentieux.

 

Quels arguments invoquer ?

Tout d’abord, la décision pourrait être contestée sur la forme.

 

En effet, généralement le message généralement reçu de la DGFIP ne respecte pas le formalisme d’une décision unilatérale individuelle, notamment elle ne comporte pas d’indication des voies et délais de recours. Or, la simple indication d’un délai pour présenter des observations ne parait pas correspondre à une indication des voies et délais de recours notamment en ce qu’elle ne précise pas les recours contentieux possibles et le juge compétent pour le recevoir.

 

De plus, en principe, la décision devrait également être motivé comme le prévoit l’article L.211-2 du CRPA, c’est-à-dire énoncer des considérations de droit et de fait qui justifieraient la décision prise.

 

Ces éléments de forme pourraient donc être opposés.

 

De plus, la décision pourrait être contestée sur le fond, dès lors que le demandeur remplissait effectivement les conditions pour bénéficier du fonds de solidarité ; l’Administration a donc porté une appréciation erronée de sa situation.

Par exemple, l’Administration a considéré que l’entreprise ne relevait pas des secteurs (S1, S2…) concernés alors qu’elle exerce bien son activité dans un de ces secteurs. Il en va de même s’agissant des codes NAF ou des codes INSEE erronées.

De la même façon, il ne peut pas être opposé au demandeur le fait qu’il ne remplirait pas une condition qui n’en est pas une…

Attention, désormais consécutivement aux annonces médiatiques du Gouvernement, l’octroi du fonds de solidarité est conditionné au respect des mesures de fermetures administratives par un restaurant.

 

Cependant, retirer définitivement le bénéfice du fonds de solidarité à un restaurant parce qu’il n’a pas respecté ces mesures, apparaît contestable.

Le Cabinet Novlaw Avocats a d’ailleurs obtenu plusieurs décisions en ce sens, le juge considérant que refuser définitivement le fonds de solidarité au motif qu’un établissement, fermé seulement un mois, constituait notamment un détournement de pouvoir, dans la mesure où l’administration sanctionnait alors une seconde fois cet établissement (Retrouvez notre analyse sur notre site : https://novlaw.fr/refus-du-fonds-de-solidarite-et-fermeture-administrative/). Une telle mesure s’avère également disproportionnée.