Le régime matrimonial peut, sous certaines conditions, être modifié partiellement ou changé complètement pendant le mariage.
Les motivations sont souvent des raisons de protection :
- On peut vouloir protéger son bien professionnel en passant d’un régime communautaire à un régime de séparation de biens. En cas de divorce, le bien professionnel ne pourra pas être appréhendé par l’autre époux.
- On peut vouloir protéger sa famille en cas d’activité professionnelle risquée, là aussi en passant d’un régime communautaire à un régime de séparation de biens. En cas de faillite professionnelle, les biens propres de l’autre époux ne serviront pas à payer les créanciers. En pratique, cette protection n’est pas absolue. Avant de prêter à un entrepreneur, les banques demandent des garanties, par exemple un cautionnement de l’époux séparé de bien. C’est alors de manière volontaire et en toute connaissance de cause que ce dernier aura mis en jeu ses biens propres.
- Les couples plus âgés peuvent vouloir protéger le conjoint survivant. Ils passeront alors d’un régime de communauté légale ou de séparation de biens vers un régime de communauté universelle avec une clause d’attribution intégrale au conjoint survivant. On est alors sûr que les biens sont transmis au conjoint survivant.
Plus le temps passe, plus les règles contrôlant le changement de régime matrimonial sont allégées. Avec la loi du 23 juin 2006, l’homologation judiciaire par le tribunal de grande instance du lieu de résidence de la famille n’était plus nécessaire que dans un cas : lorsque les époux ou l’un d’entre eux ont des enfants mineurs. Avec la loi du 23 janvier 2019, la procédure est encore simplifiée. L’homologation judiciaire n’est plus systématique en présence d’enfant mineur et on peut changer de régime matrimonial à n’importe quel moment, alors qu’il fallait auparavant être marié depuis au moins deux ans.
Cela étant, pour changer de régime matrimonial, certaines conditions demeurent :
- Les époux doivent être d’accord sur le principe du changement et sur son contenu. Les conditions classique de validité des conventions s’appliquent (capacité et intégrité du consentement). Pour s’en assurer, le recours au notaire est obligatoire.
- La convention de modification doit liquider le régime matrimonial précédent (si nécessaire). C’est une nouveauté de la loi du 23 juin 2006. Avant, ce n’était pas une obligation, ce qui pouvait poser des problèmes quand une communauté n’était pas liquidée préalablement au passage en séparation de biens.
- Il faut respecter des règles de publicité préalable.
- Les éventuels enfants majeurs, ou le représentant de l’enfant mineur sous tutelle ou majeur protégé, doivent être informés du projet des parents (1). Une fois informés, ils peuvent, soit accepter le changement, soit s’y opposer dans les trois mois. S’ils s’y opposent, l’homologation judiciaire est obligatoire (2).
- Dans un souci de protection des créanciers, les tiers doivent être informés du projet par la diffusion d’une annonce dans un journal d’annonces légales. Ces tiers disposent alors eux aussi d’un délai de trois mois pour faire savoir leur éventuelle opposition. Dans ce cas, il faut aussi passer par la procédure d’homologation judiciaire (2).
- Lorsqu’au moins l’un des époux a des enfants mineurs sous le régime de l’administration légale (c'est-à-dire sans régime de protection particulier), le notaire a la possibilité de saisir le Tribunal d’une demande d’autorisation du changement de régime matrimonial. Il le fera lorsqu’il estime que le changement envisagé par les parents n’est peut-être pas dans l’intérêt des enfants. Comme indiqué précédemment, avant la loi du 23 mars 2019, dès lors qu’il y avait des enfants mineurs, l’homologation par le Tribunal était obligatoire.
Une fois le régime matrimonial modifié (par le notaire ou par jugement), le nouveau régime matrimonial prend effet trois mois après que la mention de la modification ait été portée à l’état civil des époux. En cas de jugement, on devra aussi faire publier un extrait de celui-ci dans un journal d’annonces légales. Même s’il n’y a pas de jugement, il faut aussi parfois publier le changement de régime à la Publicité foncière (lorsque le changement de régime a entraîné une modification de la propriété sur un bien immobilier) ou au registre du commerce et des sociétés (lorsque l’un des époux est commerçant).
Surtout, il faut respecter des conditions de fond :
- La modification du régime matrimonial doit être conforme à l’intérêt de la famille. Lorsque l’homologation par le tribunal n’est pas nécessaire, c’est au notaire d’apprécier cet intérêt. Il en va de son devoir de conseil donc de sa responsabilité si le conseil a été mauvais. Cette notion d’intérêt de la famille est relativement limitée, ce qui explique qu’il est rare les tribunaux refusent d’homologuer un changement de régime matrimonial. L’intérêt fiscal peut être suffisant (avant la loi du 21 août 2007 exonérant l’époux survivant de droits de succession, il était courant de passer au régime de communauté universelle avec une clause d’attribution au conjoint survivant, ceci pour éviter l’imposition). Dans tous les cas, cet intérêt est à géométrie variable. Parfois, les juges vont faire prévaloir l’intérêt des époux sur celui des enfants. Parfois, ils vont faire prévaloir l’intérêt des enfants sur celui des époux ou encore l’intérêt de certains enfants sur d’autres. Il est en effet parfois délicat de protéger les intérêts du groupe dans son ensemble. En effet, le passage vers un régime qui attribuera les biens au conjoint survivant préjudiciera généralement aux enfants qui hériteront plus tard.
- Ce changement ne doit pas être frauduleux au regard du droit des tiers. Il peut en effet avoir pour but de faire échapper certains biens au gage des créanciers d’un des époux.
Évidemment, la décision de changer de régime matrimonial n’est pas à prendre à la légère. Elle dépend de la composition de la famille, éventuellement recomposée, de l’activité professionnelle des époux et de la consistance de leurs patrimoines respectifs. Il faut donc choisir avec soin le professionnel qui vous accompagnera dans cette démarche.
Par Marc-Olivier Huchet
Maître de conférences
Avocat au Barreau de Rennes
Commenter cet article
Pour commenter cet actualité, veuillez vous connecter.
Les informations recueillies sur ce formulaire sont destinées à Juritravail aux fins de traitement de votre demande et la réception d'information juridique par email. Elles font l’objet d’un traitement informatique destiné au service marketing de Juritravail.
Pour connaître et exercer vos droits, notamment de retrait de consentement à l'utilisation de vos Données, veuillez consulter notre Charte de protection des Données Personnelles et nous contacter à l'adresse suivante : [email protected].