Le département de la Loire avait lancé une consultation sous forme d’accord-cadre pour la passation d’un lot ayant pour objet l'émission et la distribution de chèques emploi-service universels préfinancés pour l'allocation personnalisée d'autonomie et la prestation de compensation du handicap.

A la suite de cette consultation, le département a lancé, selon une procédure sans publicité ni mise en concurrence, la passation de lots relatif à cet accord cadre. Le département, a par la suite invité une société a présenté une offre, chose qu’elle a refusé. Cette même entreprise a par la suite saisi le tribunal administratif d’un référé précontractuel en vue de l’annulation de la passation de ces lots. Le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande et a donc annulé la procédure de passation des lots litigieux.

Le principal point juridique posé dans cet arrêt à mentionner aux tables du recueil Lebon était de savoir si ce contrat d’émission et de distribution de titres de paiement était un marché public ou une concession.

Pour mémoire :
-  l’article L.1111-1 du code de la commande publique définit un marché public comme « un contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs soumis au présent code avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie d'un prix ou de tout équivalent ». 

- l’article L.1121-1 du même code définit une concession comme étant « un contrat par lequel une ou plusieurs autorités concédantes soumises au présent code confient l'exécution de travaux ou la gestion d'un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l'exploitation de l'ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d'exploiter l'ouvrage ou le service qui fait l'objet du contrat, soit de ce droit assorti d'un prix. 
 La part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le concessionnaire ne doit pas être purement théorique ou négligeable. Le concessionnaire assume le risque d'exploitation lorsque, dans des conditions d'exploitation normales, il n'est pas assuré d'amortir les investissements ou les coûts, liés à l'exploitation de l'ouvrage ou du service, qu'il a supportés
 ».

Le Conseil d’Etat précise dans cet arrêt qu’un contrat de concession ne peut être qualifié comme tel uniquement s’il est transféré à l’opérateur économique un risque réel lié à l'exploitation de l'ouvrage ou du service et si le transfert de ce risque trouve sa contrepartie, au moins partiellement, dans le droit d'exploiter l'ouvrage ou le service. 

Le risque d'exploitation est constitué par le fait de ne pas être assuré d'amortir les investissements ou les coûts liés à l'exploitation du service (voir par exemple : CE 7 nov. 2008, n° 291794, Département de la Vendée).

Quid en l’espèce ? Le Conseil d’Etat relève ici que le département finance intégralement le coût de l’émission des titres et de leur distribution. De plus, le cocontractant bénéficie, à titre de dépôt, des fonds nécessaires pour verser leur contre-valeur aux personnes physiques ou morales auprès desquelles les titres seront utilisés. Par conséquent, le cocontractant ne peut être regardé comme supportant un risque d’exploitation : le contrat est alors un marché public.
Le tribunal n’a dès lors pas commis d’erreur en faisant application des dispositions du code de la commande publique relatives au calcul de la valeur estimée des marchés publics.

S’agissant de la valeur estimée du besoin du département, le Conseil d’Etat précise ici que « l’acheteur doit prendre en compte, outre les frais de gestion versés par le pouvoir adjudicateur, la valeur faciale des titres susceptibles d’être émis pour son exécution, somme que le pouvoir adjudicateur doit payer à son cocontractant en contrepartie des titres mis à sa disposition ». 

Il appartient donc à l’acheteur public « d’établir le montant d’un marché de titres de paiement en prenant en compte la valeur faciale totale des titres susceptibles d’être émis pour son exécution, augmentée d’une évaluation sincère des frais de gestion prévisibles ».
En l’espèce, le tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que le département n’a pas tenu compte de la valeur faciale des titres pouvant être émis. Cela a donc eu pour conséquence de sous estimer le besoin de l’acheteur public qui n’aurait pas dû faire usage  d’une procédure sans publicité ni mise en concurrence. L’annulation de la procédure de passation est donc confirmée sur ce point. 

Enfin, s’agissant de la lésion du requérant, depuis la jurisprudence SMIRGEOMES (CE, 3 octobre 2008, n° 305420), les requérants doivent dans le cadre d’un référé précontractuel démontrer un manquement  qui « eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente. ».
En l’espèce, le Conseil d’Etat considère que, malgré l’invitation formulée par le département à la société requérante de formuler une offre, l’absence des formalités de publicité et de mise en concurrence a nécessairement pu léser la société requérante.

Le pourvoi du département est rejeté.

CE, 04/03/2021, 438859 


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