Suite à une demande d’asile l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) a décidé de refuser d’accorder la protection à un ressortissant guinéen qui craint d’être persécuté au vu de son orientation sexuelle. Nous allons voir ici quel est son histoire, et pourquoi l’Office peut certainement avoir des doutes. Pour des raisons de secret professionnel, le nom, l’âge et les dates ont été modifiées.

Histoire de Moussa, 33 ans

Moussa et sa famille étaient tous de croyance musulmane. Après avoir eu quelques doutes sur son orientation sexuelle lors de son adolescence, la prise de conscience de son orientation sexuelle s’est faite tardivement, plus encore pour sa première expérience sexuelle. Ses premières expériences intimes, toujours avec le même partenaire, se faisaient de façon très discrètes et toujours nocturnes. Après quelques années, il décide de se confier à son meilleur, et bien que celui-ci lui dise de cacher son homosexualité et vivre selon les m½urs de la société guinéenne, soit une vie sexuelle « normale » telle que son partenaire de l’époque qui était marié et avait des enfants.

Il entama plus tard une nouvelle relation, et ayant déménagé en dehors du domicile familial, passa plus de temps avec son nouvel amant tout en faisant toujours attention à leur façon de se comporter en public afin de ne pas attirer l’attention. Malheureusement, la rumeur circula vite que Moussa ne passait que du temps avec ce jeune homme, et jamais avec des femmes. 

Un soir, une dizaine de jeunes du quartier firent irruption dans son domicile alors qu’il était dévêtu et que son partenaire était sous la douche, et commencèrent à les insulter et proférer des menaces de mort. Sans plus attendre, Moussa bouscula le jeune qui se tenait devant la porte de son logement afin de s’enfuir. Prenant refuge chez son ami d’enfance pour des vêtements, il entendit plus tard que son partenaire est mort sous le coup de ses agresseurs. Ne pouvant solliciter l’aide de la police, puisque l’homosexualité est punie par le code pénal guinéen, son ami l’emmena à la gare routière d’où il put fuir au Mali.

 

L’entretien avec l'officier de protection de l'OFPRA

Déroulement de l'entretien

Comme le prévoit toute procédure de demande d’asile, Moussa a été entendu par un officier de protection de l’OFPRA. Ce dernier a pour mission de recueillir les déclarations orales du demandeur, de les confronter avec ses déclarations écrites et surtout d’entendre le vécu et la véracité des évènements décrits.

Après écoute de l’enregistrement audio de cet entretien et lecture des propos rapportés par l’office, l’avocat a remarqué que le récit de Moussa a été particulièrement dénaturé par l’office.

L’entretien a été très court et expéditif, ne permettant pas à Moussa de raconter tous les détails de son parcours. L’Office a également émis des doutes sur l’orientation sexuelle de Moussa, décrivant ses déclarations comme « vagues », stéréotypées », « des plus schématiques et peu personnalisés ». Et pourtant trouve étrange que sa relation amicale avec un ami n’a pas évoluée, ni vers une altération, ni vers une quelconque modification. Enfin, concernant l’origine de l’agression, ses déclarations ont ét jugées comme non consistantes et peu crédibles.

 

Critères de jugement

L’OFPRA n’est pas ignorant des risques encourus par les personnes homosexuelles dans certains pays d’Afrique. Il existe plusieurs exemples jurisprudentiels qui reconnaissent la nécessité d’une protection internationale à la personne persécutée, tant qu’il n’existe aucune protection possible aux personnes identifiées par les autorités de leur pays d’origine ou par leur entourage social.

Il est important que les entretiens des personnes qui se déclarent appartenir à la communauté LGBT soient menés par du personnel formé et bien informé au sujet des problèmes particuliers que rencontrent derniers. En effet le fait de s’identifier comme LGBT donne seulement une indication de son orientation sexuelle. Il est alors important de pouvoir fournir des preuves de cet orientation sexuelle car en l’absence de celle-ci on ne peut que se baser sur les déclarations du demandeur d’asile. Ainsi, l’OFPRA doit évaluer la crédibilité du récit dans les détails et les observations qui ne peuvent être relevées que par une personne ayant vécu ce qu’elle décrit.

Il reste toutefois difficile d’éviter certains stéréotypes dans l’évaluation des demandes de personnes LGBT.

 

Définition du statut de réfugié

Appartenance à un groupe social

« Les évolutions internationales et nationales du droit jurisprudentiel relatif à l’orientation sexuelle montrent clairement que les personnes LGBT peuvent être reconnues comme appartenant à « un certain groupe social », et qu’en tant que tel, elles ont droit à la protection conformément à la Convention de 1951. Ces évolutions indiquent cependant aussi que la maltraitance de personnes en raison de leur l’orientation sexuelle et de leur identité de genre continue à être vue comme une forme de persécution très personnelle ou cachée. » 

 

Des raisons de persécutions

Comme expliqué précédemment, les relations homosexuelles de mêmes sexes sont punies par le code pénal en Guinée (Loi n° 98/036 du 31 décembre 1998 portant code pénal). Toute manifestation de cette homosexualité est punie comme outrage à la pudeur.

Cette loi est clairement discriminatoire et constitue une violation du droit à la vie privée mais par voie de conséquence elle ne permet pas aux personnes LGBT de demander la protection de l’état.

 

Article 1.A.2 de la Convention de Genève sur le statut du réfugié, du 26 juillet 1951

En conclusion, il est bien établi que Moussa craignait avec raison d’être de nouveau persécuté si celui-ci devait rentrer dans son pays d’origine du fait de son appartenance à un certain groupe social.

Ayant fait appel de la décision de l’OFPRA, sa cause a été entendu par la CNDA et celle-ci a jugé qu’il pouvait se prévaloir de la qualité de réfugié.

 

Toutes les demandes d’asile ne se terminent malheureusement pas de cette façon même dans le cas où les craintes sont fondées. Parfois on ne se rend compte de la véracité des propos que lorsqu’on est mis au courant de l’exécution du demandeur qui a été renvoyé chez lui…