Dans l’hypothèse où des actifs propres appartenant à l’un des époux, biens immobiliers et véhicules ont été payés par des revenus communs la question se pose de savoir si le paiement d’actifs propres par des revenus communs est générateur de droit à récompense au profit de la communauté, Qu’en est-il ?

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en décembre 2021 par la  Cour de cassation  qui vient aborder la question spécifique de récompense due par un des époux à la communauté alors que les deux époux sont mariés sous le régime de la communauté légale.

Cette jurisprudence vient aborder cette question spécifique du droit à récompense au profit de la communauté à la fois lorsque l’aide personnalisée au logement sert à financer le crédit immobilier appartenant en propre à l’un des époux et lorsqu’un véhicule a été réglé avec des fonds provenant du compte de l’un des époux.

 

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, et par arrêt de la Cour d’Appel de COLMAR, le divorce des consorts I. et O., mariés sous le régime de la communauté légale, avait été prononcé.

Cependant, dans la cadre des opérations en liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux plusieurs difficultés s’étaient élevées.

En effet, la question tournait autour de deux points précis.

Premièrement, la question de l’aide personnalisée au logement et, deuxièmement, la question propre au véhicule acheté à l’aide d’un prêt par un époux. 

Dans le cadre de son pourvoi, Madame O. reprochait à la Cour d’Appel d’avoir dit que le calcul de la récompense due par Madame O. à la communauté devait inclure le montant des APL et d’avoir fixé le montant de la récompense due par cette dernière à la communauté à la somme de 49 980,00 euros.

Or, celle-ci rappelait qu’elle avait souscrit, antérieurement au mariage, deux emprunts en vue de financer la construction de son immeuble à hauteur respectivement de 420 000 Francs et 46 000 Francs.

Il n’était pas contesté que la communauté avait remboursé ces emprunts, de telle sorte qu’elle était fondée à invoquer un droit à récompense à ce titre.

Or, l’une des difficulté est que ces emprunts avaient été également remboursés au moyen de l’allocation personnalisée au logement versée directement par la CAISSE D’ALLOCATIONS FAMILIALES à l’organisme prêteur, cette allocation étant nécessairement calculée en fonction de la situation financière de son bénéficiaire et de la consistance de la famille qui devait être, dès lors, regardée comme un substitut de revenus, 

De telle sorte que le caractère commun pouvait être effectivement attaché à ce dit revenu.

 

L’APL, aide personnalisée au logement, substitut de revenu commun ?

Le versement direct de la prestation à l’organisme prêteur ne faisant pas obstacle à son entrée dans l’actif de la communauté.

Madame O. considérait pourtant qu’il n’y avait pas lieu de déduire les montants versés au titre de l’allocation personnalisée au logement du montant de la récompense due par elle à la communauté.

Madame O. soutenait que les montants versés au titre de l’aide personnalisée au logement concernant le prêt conventionnel constitué des fonds propres.

Cette dernière soutenait cette idée au motif pris que l’emprunt immobilier avait été contracté par elle seule avant le mariage, soit en 1985, qu’elle seule en avait été bénéficiaire et que les montants avaient été versés, non pas à la communauté, mais directement à l’établissement prêteur, justement par le biais de l’aide personnalisée au logement, de telle sorte que les montants en cause ne pouvaient avoir le caractère de revenus, n’étant d’ailleurs pas soumis à l’impôt sur le revenu.

Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 1404 alinéa 1 du Code Civil, forme des propres par leur nature quand même ils auraient été acquis pendant le mariage les vêtements et linges à l’usage personnel de l’un des époux, les actions en réparation d’un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles et plus généralement tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne.

Par ailleurs, en vertu des dispositions de l’article L.351-2 du Code de la Construction et de l’habitation, l’aide personnalisée au logement est accordée au titre de la résidence principale et son domaine comprend notamment les logements occupés par la propriétaire construits, acquis ou améliorés à compter du 5 janvier 1977 au moyen de forme spécifique d’aide de l’Etat ou de prêt.

L’article L.351-9 du Code de la Construction et de l’habitation prévoit clairement de l’APL est versée directement à l’établissement prêteur.

Ainsi, les ressources prise en compte dans le calcul de l’APL sont celles perçues par la personne qui demande l’API, son conjoint concubin partenaire pacsé et toutes les autres personnes vivant habituellement au foyer, c’est-à-dire celles qui résident depuis plus de 6 mois au moment de la demande ou au début de la période de versement de l’allocation.

Rappelons que l’APL a pour finalité d’alléger les frais de logements qui sont une charge du mariage qui incombent à la communauté, l’essence de cette aide étant de remédier à une insuffisance de revenus.

Dès lors, tout laisse donc à penser à juste titre que l’APL constitue un substitut de revenus et doit à l’évidence tomber sous le coup de la communauté.

 

L’APL, substitut de revenus communs

Dès lors, la Cour ne s’y trompe pas, elle rappelle très justement que la communauté s’est acquittée du remboursement d’emprunt contracté par Madame O. pour l’acquisition d’un bien propre ayant servi le logement familial.

Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle rappelle quand même les conditions dans lesquelles une personne, étant propriétaire d’un bien en propre, et qui rembourse le crédit afférent à cet achat à travers des revenus communs doit immanquablement récompense à la communauté, 

Ceci d’autant plus que Monsieur était co-emprunteur du prêt en question, 

C’est donc à bon droit que la Cour de cassation en a bien déduit que les montants versés au titre de l’allocation personnalisée au logement était donc un revenu.

En effet, la Cour de cassation a considérée que la communauté s’était bel et bien acquittée du remboursement de l’emprunt contracté par Madame O. pour l’acquisition d’un bien propre ayant servi de logement familial rappelant ainsi que l’aide personnalisée au logement accordée à l’acquéreur d’un bien affecté à sa résidence principale, selon la composition et les ressources de son foyer, constitue pour son bénéficiaire un substitut de revenus de sorte que celle-ci entre en communauté, peu important qu’elle soit versée directement à l’organisme prêteur.

Il y avait donc bien lieu de déduire que l’aide personnalisée au logement, versée directement par la Caisse d’allocations familiales à l’organisme de crédit ayant consentit le prêt, ne pourrait être soustraite à la récompense due par Madame O. à la communauté au titre de la fraction en capital des échéances dont elle s’était acquittée.

Par voie de conséquence, dans l’hypothèse où l’un des deux époux a acquis un propre un bien immobilier et que celui-ci est financé par un emprunt remboursé à travers des règlements découlant des revenus du ménage des deux époux mariés sous le régime de la communauté légale, ces remboursements sont donc générateurs d’un droit à récompense au profit de la communauté.

 

Le paiement d’un propre par des revenus communs = récompense à la communauté

De manière plus anecdotique, la question est également posée concernant le véhicule puisque Madame O. faisait également grief à la Cour d’Appel d’avoir rejeté sa demande de récompense au titre du véhicule alors qu’un véhicule acquis pendant le mariage est un acquis de communauté, de sorte que son attribution en propre à l’un des époux ouvre droit à récompense au profit de la communauté, 

Or, Madame O. faisait grief à la Cour d’avoir jugé que Monsieur ne devait pas récompense à la communauté du prix d’achat du véhicule TOYOTA, acquis en août 1997, pendant le mariage, au motif que ce véhicule n’aurait pas été payé au moyen de deniers communs mais à l’aide d’un prêt dont les échéances auraient été remboursées par lui seul.

La Cour de cassation rappelant au visa de l’article 1402 alinéa 1er du Code Civil qu’aux termes de ce texte tout bien meuble ou immeuble est réputé acquis de communauté sauf si on prouve qu’il est propre à l’un des époux en application des dispositions de la Loi.

De telle sorte que la Cour d’Appel s’est fourvoyée en rejetant la demande de récompense au profit de la communauté l’arrêt de la Cour d’Appel retenant que le véhicule n’avait pas été payé au moyen de deniers communs mais financé grâce à un prêt pour lequel pour Monsieur avait contracté une assurance et dont il avait réglé seul les échéances.

Pour autant, son pourvoi est fondé. 

En effet, il appartenait à la Cour d’Appel de rechercher la nature propre ou commune des fonds employés au paiement des échéances durant le mariage, de telle sorte que la Cour de cassation, sur cette seule problématique liée au véhicule, avait effectivement cassé et annulé cette décision.

Ainsi, force est de constater qu’un véhicule acquis pendant le mariage est un acquis de communauté, 

De sorte que son attribution en propre à l’un des époux emporte nécessairement récompense au profit de la communauté et il appartenait dès lors au Juge du fond de rechercher si les remboursements avaient été effectués avec des fonds propres ou communs, 

En effet, même si, en pratique, il est vrai que désormais chacun des époux a effectivement son propre compte bancaire et que nous sommes désormais de l’approche traditionnelle du seul compte commun aux deux époux, il n’en demeure pas moins que les revenus qui viennent alimenter ce compte personnel sont des revenus qui sont nécessairement communs.

Par voie de conséquence, si les revenus sont communs, le remboursement du crédit, fusse-t-il prélevé sur un compte personnel, mais alimenté par des revenus qui sont communs par nature, pour un couple marié sous le régime de la communauté, a vocation effectivement à être assujetti à un droit à récompense au profit de ladite communauté en cas d’affectation du véhicule à l’un des époux.

Ainsi, cette jurisprudence rappelle que dans le cadre des opérations de liquidation partage d’un couple marié sous le régime de la communauté, la distinction entre actifs propres et revenus communs impose nécessairement, en cas de remboursement d’un crédit par les deux époux au profit du bien propre de l’un des deux, un droit à récompense au profit de la communauté.

Il en est également de même concernant un véhicule même si l’un des époux aurait réglé directement le crédit par le truchement de son compte bancaire personnel dans la mesure où celui-ci est forcément alimenté par des revenus communs.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE

Avocat à Fréjus, avocat à Saint-Raphaël, Docteur en Droit