Qu'est-ce que l'habilitation familiale ?

L’habilitation familiale est une disposition entrée en vigueur le 1er Janvier 2016 et actualisée le 23 mars 2019.

Elle reprend le principe de l'habilitation entre époux mais elle l'étend à l'ensemble des membres d'une même famille pour un parent diminué par la maladie, le handicap ou le vieillissement (le conjoint en bonne santé pouvant également être habilité pour son conjoint diminué). L'intervention du juge des tutelles est limitée à certaines autorisations.

L'habilitation familiale permet de représenter ou d'assister la personne protégée, soit pour certains actes (habilitation limitée), soit pour l'ensemble des actes patrimoniaux et personnels (habilitation générale).

L'habilitation familiale peut donc constituer une alternative intéressante à une mesure de tutelle ou de curatelle à condition que les membres de la famille soient d’accord sur son principe ainsi que sur la désignation de la personne qui sera habilitée au sein de la famille. Elle suppose aussi que la personne à protéger y soit consentante si elle peut exprimer un avis (sous réserve de la décision du tribunal judiciaire ou du tribunal de proximité).

Le juge des tutelles est compétent pour instruire la demande. S'il y donne suite, il fixe l'étendue et la nature de l'habilitation familiale ainsi que sa durée (au maximum, dix ans renouvelables). Il nomme la personne habilitée, voire plusieurs.

L'habilitation familiale ne nécessite pas de rendre de compte au juge (sauf à devoir le saisir en cas de projet de donation, d'éventuels conflits d'intérêts ou de disposition à prendre sur le logement de la personne protégée). Seuls quelques actes sont strictement interdits (cf. notre paragraphe sur les effets de l'habilitation familiale). Cependant, ce cadre souple impose à la personne habilitée de gérer son mandat dans le strict intérêt de la personne protégée (elle doit pouvoir mettre à disposition du juge des tutelles tout justificatif, notamment en cas de litiges ou de dysfonctionnements).

Important : depuis le 23 mars 2019, l'habilitation familiale peut également concerner une personne qui relèverait d'un régime de curatelle, c'est à dire une personne dont les facultés mentales sont moyennement altérées. Auparavant, seules les personnes relevant d'une mesure de tutelle pouvaient être placés sous habilitation familiale. Il faut donc distinguer à présent "l'habilitation familiale en assistance " et "l'habilitation familiale en représentation ".

2. Conditions de validité portant sur le donateur

Être capable juridiquement. Le donateur doit avoir la capacité de faire des donations. Le mineur non émancipé ne peut faire de donation (Articles 903 et 904 du Code civil). Le majeur sous tutelle doit avoir l’autorisation du Juge ou du Conseil de famille et être assisté ou représenté par son tuteur (Article 476 du Code civil). Le majeur sous curatelle peut faire des donations avec l’assistance de son curateur (Article 470 du Code civil).

Être sain d’esprit, sous peine de nullité relative de la donation (Article 901 du Code civil). La preuve de l’insanité d’esprit incombe au demandeur en nullité (voir : Cour d’appel de Paris – Pôle 03 ch. 01 – 2 mars 2016 / n° 15/05335) et peut être rapportée par tous moyens. Cette interprétation relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

À la différence des actes à titre onéreux, l’action en nullité peut être intentée après le décès du donateur, par ses héritiers. Il n’est pas nécessaire que l’acte porte en lui-même la preuve du trouble mental, ni que le donateur ait été placé sous sauvegarde de justice au moment de l’acte.

L’action est soumise au délai de prescription quinquennal - Article 2224 du Code civil) qui court, à l’égard de l’héritier, à compter du décès du disposant, l’exception étant perpétuelle en l’absence d’exécution de l’acte.

Le consentement doit être libre et éclairé (article 901 du Code civil). L’erreur, le dol et la violence entraînent la nullité relative de la donation, y compris si l’erreur porte sur la personne du gratifié ou si elle porte sur la cause de la donation.

Le délai de prescription quinquennal court du jour où la violence a cessé ou du jour où le dol ou l’erreur ont été découverts (articles 2224 et 1144 du Code civil), l’exception étant perpétuelle.

La cause de la donation, entendue comme le « motif impulsif et déterminant de l’appauvrissement volontaire du donateur, doit exister et être licite et morale sous peine de nullité de l’acte » (Donation, Fiches d’orientation – Dalloz, juin 2020 – Cour d’appel de Lyon – ch. civile 01 B – 13 mars 2018 / n° 17/00898)

2. Sur l'habilitation familiale

L’habilitation familiale est une mesure qui permet au juge des tutelles d'habiliter un proche d'une personne, qui est hors d'état de manifester sa volonté, à la représenter, l'assister ou passer des actes en son nom.

L'article 494-1 du Code civil dispose :
« Lorsqu'une personne est dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté, le juge des tutelles peut habiliter une ou plusieurs personnes choisies parmi ses ascendants ou descendants, frères et sœurs ou, à moins que la communauté de vie ait cessé entre eux, le conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité ou le concubin à la représenter, à l'assister dans les conditions prévues à l'article 467 ou à passer un ou des actes en son nom dans les conditions et selon les modalités prévues à la présente section et à celles du titre XIII du livre III qui ne lui sont pas contraires, afin d'assurer la sauvegarde de ses intérêts. »

La personne pouvant être habilitée doit être un proche au sens du 2° du I de l'article 1er de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015. Ainsi, le dispositif d'habilitation par justice bénéficie aux ascendants, descendants, frères et sœurs, partenaire d'un pacte civil de solidarité ou concubin, et, depuis le 20 novembre 2016, au conjoint.

Les missions découlant de l'habilitation sont exercées à titre gratuit (C. civ., art. 494-1, dern. al.).

L'habilitation familiale ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par les stipulations du mandat de protection future conclu par l'intéressé ou par l'application des règles du droit commun de la représentation (C. civ., art. 494-2). Entre époux, l’habilitation familiale ne peut, en outre, être mise en œuvre que si les règles des régimes matrimoniaux (C. civ., art. 217, 219, 1426 et 1429) ne suffisent pas.

La demande est faite par la personne pouvant être habilitée ou, à sa demande, par le procureur de la République (C. civ., art. 494-3). Elle peut l'être également, depuis le 25 mars 2019, par la personne qu'il y a lieu de protéger. Elle est réalisée selon les règles du code de procédure civile relatives aux demandes de mesures et dans le respect des dispositions des articles 429 et 431 du code civil.

L’article 415 du Code civil précise que :
« Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l'intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique. »

3. Sur la donation en cas d'habilitation familiale

L'article 494-6, alinéa 4, du Code civil dispose :
« La personne habilitée ne peut accomplir en représentation un acte de disposition à titre gratuit qu'avec l'autorisation du juge des tutelles. »

L'article 494-6, alinéa 4, du code civil est à rapprocher de l'article 476, alinéa 1er, du même code, aux termes duquel la personne en tutelle peut, avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, être assistée ou au besoin représentée par le tuteur pour faire des donations et qui constitue une exception au principe posé à l'article 509 de ce code, selon lequel le tuteur ne peut, même avec une autorisation, accomplir des actes qui emportent une aliénation gratuite des biens ou des droits de la personne protégée.

Dans le but de mieux respecter la volonté de la personne placée sous un système de protection nécessitant en principe sa représentation, le législateur contemporain lui a ainsi reconnu une certaine liberté de disposer à titre gratuit de ses biens entre vifs, comme elle dispose d'une certaine liberté de disposer de ses biens à cause de mort. Il l'a cependant placée sous le contrôle du juge ou du conseil de famille, qui doit autoriser la libéralité.

Mais, à la différence de l'article 476, alinéa 2, qui prévoit que la personne en tutelle ne peut faire que seule son testament, le tuteur ne pouvant ni l'assister ni la représenter, et qui requiert donc que la personne soit capable d'exprimer librement sa volonté au moment de sa réalisation, l'article 494-6, alinéa 4, comme l'article 476, alinéa 1er, n'exclut pas le cas où la personne protégée représentée est hors d'état de manifester sa volonté.

De plus, interdire toute donation dans cette hypothèse aboutirait à geler le patrimoine de la personne jusqu'à son décès et pourrait, en constituant un frein aux solidarités familiales, s'avérer contraire à ses intérêts.

A l'inverse, permettre son autorisation sans restriction reviendrait à nier le caractère personnel de la donation.

Dans cette hypothèse, il incombe par conséquent au juge des contentieux de la protection, de s'assurer, d'abord, au vu de l'ensemble des circonstances, passées comme présentes, entourant un tel acte, que, dans son objet comme dans sa destination, la donation correspond à ce qu'aurait voulu la personne protégée si elle avait été capable d'y consentir elle-même, ensuite, que cette libéralité est conforme à ses intérêts personnels et patrimoniaux, en particulier que sont préservés les moyens lui permettant de maintenir son niveau de vie et de faire face aux conséquences de sa vulnérabilité.

On retrouve ici le double objet de la protection recherchée, celle de la volonté de la personne protégée d’une part, celle de ses intérêts personnels et patrimoniaux, d’autre part.

  • Protection de la volonté de la personne protégée.
    Rechercher la volonté de la personne inapte à l’exprimer repose sur une analyse globale supposant de tenir compte de l’ensemble des circonstances, antérieures et concomitantes à la donation, établissant que la personne aurait voulu y consentir. Même contextuelle, cette analyse paraît difficile à opérer. Il s’agirait en vérité d’une intention libérale supposée à partir de « l’objet » de la donation (nature du bien ou du droit, son assiette, son montant, etc.) et de sa « destination », qui peut tout autant viser le bénéficiaire de la libéralité que les motifs poursuivis par sa conclusion. Cette proposition est conforme au faisceau d’indices concordants pour établir, de manière générale, l’intention libérale d’un donateur.
  • Protection des intérêts de la personne protégée.
    Cette seconde étape paraît plus facilement applicable : il convient d’abord de rechercher, négativement, si l’appauvrissement causé par la donation laissera un patrimoine suffisant pour subvenir aux besoins du majeur protégé (absence de contrariété à ses intérêts patrimoniaux) et positivement, si cet acte peut lui permettre, par l’intermédiaire de son représentant, d’anticiper et d’optimiser la transmission de son patrimoine (conformité à ses intérêts personnels/familiaux).

En définitive, la Cour de cassation offre une solution assurant un équilibre conforme à la politique générale poursuivie en matière de protection des personnes vulnérables, à la fois libérale et protectrice.

Sources :

  1. https://www.adultes-vulnerables.fr/fiche-questionnement-tutelle/faire-face-dispositions-legales/lhabilitation-familiale
  2. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 18 janvier 2012, 10-27.325, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  3. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 4 novembre 2010, 09-68.276, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  4. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 25 octobre 2017, 16-24.766, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  5. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 octobre 2019, 18-22.769, Inédit - Légifrance (legifrance.gouv.fr)