Le quitus de gestion délivré par une assemblée d’associés permet-il de libérer le gérant des éventuelles fautes commises lors de sa gestion de la société ?

Les comptes d’une entreprise sont réalisés au terme de l’exercice social aussi appelé exercice comptable.

L’exercice social permet donc de déterminer le résultat d’une entreprise sur une période donnée, en principe un an.

Ainsi, il existe une date d’ouverture et une date de clôture de l’exercice sociale à la fin de laquelle sont arrêtés les comptes l’entreprise.

 A cette fin, les associés se réunissent en assemblée générale ou extraordinaire afin de se prononcer sur les comptes, le résultat et la bonne ou la mauvaise gestion de la société par le gérant.

 Les associés approuvent en assemblée délibérante la bonne gestion de la société par le gérant en lui délivrant un « quitus de gestion ».

 Le quitus de gestion est ainsi le nom donné à la décision par laquelle les actionnaires d'une société valident la bonne gestion du mandataire social et le libère de toute action en responsabilité au titre des actes de gestion dont l'assemblée générale a eu connaissance.

A défaut, en cas d’erreur de gestion, les associés disposent contre le gérant :

d’une part, d’une action dite personnelle afin d’obtenir la réparation des préjudices personnellement subis ;

d’autre part, d’une action dite sociale afin d’obtenir la réparation des préjudices subis par la société.

Ainsi, tout associé peut également, seul ou avec d'autres associés, intenter judiciairement une action sociale en responsabilité contre le gérant pour défendre les intérêts de la société en tant que telle.

Cette action peut être exercée même si l’associé détient une faible part du capital.

Les dommages-intérêts obtenus le cas échéant dans le cadre de cette action en justice sont versés à la société et non aux associés qui ont initié l'action.

A cet égard, le 27 mai 2021, la Cour de cassation a jugé que le quitus donné par l’assemblée des associés au gérant n’a pas d’effet libératoire du gérant à l’égard des fautes qu’il a commis lors de sa gestion sociale de l’entreprise. Ainsi, si le quitus de gestion prive l’associé de son droit d’agir personnellement contre le gérant, il ne le prive pas de son droit d’engager une action sociale en responsabilité contre ce dernier si nécessaire. (Cour de cassation. troisième chambre civile, 27 mai 2021, n° 19-16.716)

En effet, l’article 1845-3 alinéa du code civil dispose qu’ « aucune décision de l'assemblée des associés ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour la faute commise dans l'accomplissement de leur mandat. »

Dès lors, l’interdiction de la renonciation à l’action sociale des associés contre le gérant est une disposition d’ordre public qui ne souffre d’aucune exception.

Aux termes de l’affaire jugée le 27 mai 2021 par la Cour de cassation, un gérant avait été condamné à verser la somme de 120.000 euros en réparation d’un préjudice financier subi par la société en raison de son erreur de gestion.

Pour se défendre, le gérant soutenait que les associés avaient eu parfaitement connaissance des faits reprochés au moment où ils lui ont donné quitus.

Néanmoins, la cour de cassation a considéré que les juges d’appel n’avaient pas à rechercher si les associés avaient été spécialement informés de la faute de gestion commise par le gérant car le quitus donné n’avait pas d’effet libératoire des fautes de gestion éventuellement commises par ce dernier dans le cadre de son mandat.

Il ressort de cette décision que le fait que les associés avaient connaissance ou avaient pu avoir connaissance des faits reprochés au gérant lors de l’assemble générale approuvant les comptes et la gestion de la société ne saurait constituer un moyen de défense valable pour le gérant fautif.

Pour conclure, il convient de garder en mémoire que la mise en jeu de la responsabilité d’un gérant de société peut toujours être mise en cause par les associés, sur le fondement de l’action sociale, afin de permettre à la société d’obtenir la réparation des préjudices subis conséquemment.

Anthony Bem
Avocat à la Cour