Le contrat de travail doit réunir trois éléments : une prestation de travail, une rémunération et un lien de subordination. Le lien de subordination est l’élément essentiel de la relation de travail entre un employeur et un salarié. 

Il signifie que l’employeur est doté d’un pouvoir de direction, ainsi il a le pouvoir d’édicter des règles, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner la mauvaise exécution, le cas échéant. Néanmoins, ce pouvoir n’est pas absolu, l’employeur doit satisfaire un certain nombre de règles et notamment les droits et libertés fondamentaux irriguant le droit du travail. Le droit au respect de la vie privée du salarié est donc fondamental. De ce fait, la mise en place d’un système de vidéosurveillance au travail est encadrée.

C’est dans ce cadre qu’est intervenue la décision de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 23 juin 2021 (Soc. 23 juin 2021, n°19-13.856). En effet, la Cour a considéré que les enregistrements obtenus par l’employeur par le biais d’une vidéosurveillance au travail ne peuvent être opposables au salarié dès lors que le dispositif est attentatoire à la vie privée du salarié et disproportionné au but recherché de sécurité des biens et des personnes.

 

Vidéosurveillance au travail : Respect de la vie privée du salarié

Le salarié, même au temps et lieu du travail, a le droit au respect de l’intimité de sa vie privée (Cass. soc., 02 octobre 2001, n°99-42.942).

Par conséquent, l’employeur a interdiction de s’immiscer dans la vie affective, conjugale ou familiale du salarié ou d’intervenir dans ses choix de vie. Il ne peut pas non plus divulguer des informations relatives à la vie privée du salarié.

Néanmoins, le pouvoir de direction de l’employeur lui permet de prendre diverses mesures attentoires à la vie privée de ses salariés, si celles-ci sont considérées légitimes et proportionnées (Cass. soc., 13 janvier 2009).

Par exemple, la géolocalisation d’un salarié itinérant afin de contrôler la durée de travail n’est licite que si ce dernier ne dispose pas d’une liberté d’organiser son travail et si l’employeur n’a pas d’autre moyen d’effectuer ce contrôle (Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-18.036)

La mise en balance du droit au respect de la vie privée et des intérêts légitimes de l’employeur donne lieu à un important contentieux et notamment l’enjeu principal est celui de la licéité du mode de preuve tiré d’un dispositif contesté pour violation de la vie privée du salarié.

L’arrêt de la chambre sociale du 23 juin 2021 permet d’éclaircir les conditions de validité du contrôle du salarié par l’utilisation d’un système de vidéosurveillance.

 

Vidéosurveillance au travail : L’interdiction de surveillance constante

L’arrêt commenté du 23 juin 2021 se fonde sur l’article L. 1121-1 du Code du travail : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »

La chambre sociale considère que la surveillance constante par caméra d’un salarié, qui plus est seul sur lieu de travail (en l’espèce dans la cuisine du restaurant), est « attentatoire à la vie personnelle du salarié et disproportionnée » et que de ce fait, était inopposable au salarié.

Ce qui signifie que l’employeur ayant licencié son salarié pour faute grave aux motifs d’une réitération de manquements aux règles d’hygiène et de sécurité, démontrée à partir d’un dispositif de vidéosurveillance au travail qui fonctionnait en permanence, ne peut faire valoir ce mode de preuve et en conséquence ne peut justifier le licenciement pour faute grave.

Par ailleurs, le Ministère du Travail a indiqué très tôt que la vidéosurveillance au travail ne pouvait avoir pour seul but le contrôle de l’activité professionnelle du salarié, au risque d’être jugé contraire à la liberté individuelle des personnes.

Le but premier du dispositif de vidéosurveillance doit être celui de la protection des salariés, c’est dans ce sens que la Loi LOPPSI (L. n° 2011-267, 14 mars 2014) a modifié la terminologie pour préférer celle de « vidéoprotection ».

La CNIL, quant à elle, a considéré que « le placement sous surveillance continue des postes de travail des salariés n’est possible que s’il est justifié par une situation particulière ou un risque particulier auxquels sont exposées les personnes objets de la surveillance » (délib. CNIL, 17 juillet 2017, n°2014-307).

Cependant, un dispositif de vidéosurveillance illicite a déjà pu être retenu comme moyen de preuve par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) parce qu’il existait « des soupçons légitimes d’irrégularités graves et des pertes constatées par l’employeur » (CEDH 17 octobre 2019, n°1874/13 et 8567/13, Lopez Ribalda et a. c. Espagne).

En conséquence, la tendance actuelle est à la protection du salarié soumis à un tel dispositif de vidéosurveillance mais la légitimité, justifiée par un critère de gravité, et la proportionnalité de sa mise en ½uvre peuvent permettent à l’employeur de faire valoir ce moyen de preuve.