La Chambre sociale de la Cour de cassation a toujours apprécié strictement la notion de « difficultés économiques » constituant un motif de licenciement économique.

Par exemple, pour caractériser la réalité des difficultés financières, ne suffisent ni la réalisation d’un chiffre d’affaires (noté CA) moindre au cours de deux exercices, ni la baisse des bénéfices réalisés pendant la même période (Cass. Soc. 6 juillet 1999 n°97-41.036).

Dans le but d’objectiver l’appréciation de cette notion, le législateur a édicté la loi Travail (n°2016-1088 du 8 août 2016) qui a notamment introduit une présomption irréfragable de difficultés économiques dès lors qu’une baisse significative des commandes ou du CA est constatée, et ce, selon sa durée et en comparaison avec la même période de l’année précédente.

Des éléments sont cependant restés flous pour certains nécessitant l’intervention de la Cour de cassation pour les éclaircir. C’est notamment ce qu’elle a fait dans son arrêt du 1er juin 2022 (Cass. Soc. 1er juin 2022 n°20-19.957

En l’espèce, une salariée embauchée dans une entreprise de production textile de plus de 300 salariés a été licenciée pour motif économique en juillet 2017. Elle a évidemment contesté le bien-fondé de sa rupture.

En première instance, les juges du fond ont débouté la salariée au motif que le licenciement économique était fondé sur un motif réel et sérieux. Ils se sont appuyés sur le fait que la procédure de licenciement collectif avait été engagée au second trimestre 2017 et que l’appréciation des difficultés économiques devait se faire au regard de l’évolution d’un des indicateurs connus à ce moment là (cf. article 1233-3 du Code du travail).

La Cour d’appel, saisie par la salariée, rendra une décision identique à celle des juges du fond en se fondant, elle, sur l’exercice clos de 2016. Comparativement à l’année 2015, les chiffres de l’entreprise se sont détériorés, mais, l’appelante estime qu’entre 2016 et 2017, l’activité s’est améliorée puisque le CA du premier trimestre 2017 a augmenté de 0,50% par rapport au premier trimestre 2016. Or, la Cour d’appel a jugé cette augmentation insuffisante et ne pouvant pas signifier une amélioration des indicateurs.

La salariée se pourvoit donc en cassation et obtient gain de cause. En effet, au visa de l’article 1233-3 du Code du travail, la Cour casse l’arrêt de la Cour d’appel.

 

Moment de l’appréciation des difficultés qui constituent un motif de licenciement économique

Premièrement, il convient de rappeler que le juge doit se placer à la date de rupture de contrat pour apprécier le motif de licenciement économique de ce dernier (jurisprudence constante : Cass. Soc. 21 novembre 1990 n°87-44.940).

Cette règle, appliquée à l’appréciation des difficultés économiques, implique de déterminer la date à partir de laquelle il convient de compter à rebours les trimestres qui ont précédé pour fixer la durée de la baisse des commandes ou du CA.

 

L’appréciation de la période de la baisse de chiffre d’affaires

Tout d’abord, rappelons que la durée d’une baisse significative des commandes ou du CA s’apprécie en comparant le niveau des commandes ou du CA au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail par rapport à celui de l’année précédente à la même période.

Ainsi, la durée d’appréciation de la période de la baisse du CA est fixée à quatre trimestres consécutifs pour les entreprises de 300 salariés et plus.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation ancre fermement l’exigence de justifier quatre trimestres consécutifs de baisse précédant directement la rupture du contrat de travail. De même, il ne pourra s’agir que de la même période que l’année précédente.

En l’espèce, il s’agissait de comparer les périodes suivantes entre elles :

  • La période allant du deuxième trimestre 2016 au premier trimestre 2017
  • La période allant du deuxième trimestre 2015 au premier trimestre 2016

Note aux employeurs : il conviendra d’être très attentif au calendrier lors des projets de licenciements économiques, notamment si la société subit un redressement judiciaire au cours du trimestre précédent la notification du licenciement.