Selon le Comité juridique de l'ANSA, la fusion-absorption d'une SAS dont les statuts prévoient un droit de vote double, par une SA prévoyant également ce droit, n'empêche pas le maintien du droit de vote double pour les actions de la SAS échangées.

Le droit de vote double est un mécanisme permettant de préserver l’actionnariat historique d’une société, notamment contre une OPA. La technique du droit de vote double est prévue par les articles L. 225-123 et suivants du code de commerce pour les sociétés non cotées et par l’article L. 22-10-46 du code de commerce pour les sociétés cotées. Dans les sociétés non cotées, cet avantage extra-financier de l’actionnaire n’est pas automatique, mais soumis à plusieurs conditions (clause statutaire, actions nominatives, actions libérées, détention des actions depuis deux ans). À l’inverse, dans les sociétés cotées, cette prérogative est, sous réserve de certaines exceptions, applicable de plein droit.

Le Comité juridique de l’ANSA a eu à répondre, dans le cadre de sa réunion du 7 décembre 2022, aux questions de savoir, d'une part, si l’on peut, par principe, maintenir le droit de vote double attaché aux actions d’une SAS lorsqu’elle est absorbée par une SA dont les statuts prévoient un droit de vote double. Et, d'autre part, si ce maintien du droit dépend de la durée du stage exigé dans la SAS. Cette problématique juridique découlait du cas suivant : une SAS avait émis des actions auxquelles était attaché un droit de vote double sous réserve d’une inscription de ces actions au nom du même actionnaire pendant un délai fixé par les statuts. Cette société a ensuite été absorbée par une SA dont les statuts prévoyaient également un droit de vote double pour les actions entièrement libérées et pour lesquelles il était justifié d’une inscription nominative, depuis au moins deux ans, au nom du même actionnaire.

Remarque : la fusion est une opération permettant la transmission universelle du patrimoine d’une ou plusieurs sociétés absorbées à une société absorbante existante ou spécialement créée à cet effet. La fusion-absorption (c. civ., art. 1844-4) est une branche spécifique de la famille des fusions ; elle peut se définir comme l’opération par laquelle, une ou plusieurs sociétés transmettent à une société préexistante l’ensemble de leur patrimoine. D’un point de vue juridique, l’opération nécessitera du côté de la société absorbante, une augmentation de capital par apport en nature. S’agissant de des sociétés absorbées, elles seront dissoutes sans pour autant être liquidées.

Genèse de la problématique

Si l’article L. 225-124 alinéa 2 du code de commerce, applicable aux SA, prévoit que l’opération de fusion n’a pas d’effet sur le droit de vote double, qui peut continuer à être exercé au sein d’une société bénéficiaire, sous réserve cependant qu’il soit prévu par cette dernière, il existe en revanche une incertitude s’agissant de l’application de cette règle dans le cadre d’une opération de fusion-absorption d’une SAS par une SA. En effet, l’article L. 227-1, alinéa 3, du code de commerce exclut l’application, par renvoi, de l’article L. 225-124, à la SAS. En outre, la loi Pacte du 22 mai 2019 a abrogé les dispositions de l’article L. 227-2-1 de ce code qui permettaient une application de l’article L. 225-124 aux SAS ayant recours au financement participatif.

Position de l’ANSA

Selon le Comité Juridique de l’ANSA cependant, ce type d’opération de fusion-absorption d’une SAS par une SA n’est pas, par principe, de nature à altérer le maintien du droit de vote double des actions de la SAS échangées, sous réserve cependant, de la réunion de certaines conditions. En effet, compte tenu du fait que la société absorbante est une SA, les dispositions de l’article L. 225-124 du code de commerce ont bien vocation à s’appliquer. Par conséquent, la fusion-absorption n’aura pas d’effet sur le droit de vote double, lequel sera maintenu dans la SA. Le Comité apporte cependant quelques nuances à cette position de principe. D’une part, « Le maintien du droit de vote double est permis si les conditions prévues dans la SAS pour son obtention sont équivalentes à celles prévues par les articles L. 225-123 et L. 225-124 pour les SA ». D’autre part, « cette absence d’effet ne peut se justifier que si la situation des bénéficiaires est identique dans les deux sociétés, au moins sur les dispositions essentielles (stage d’au moins deux ans, caractère collectif de l’avantage qui peut concerner tout actionnaire… ». Le Comité souligne enfin que « Cette solution confirme le caractère intercalaire de la fusion ».