Quels étaient les faits et la procédure ?
Les requérants sont parents de trois enfants, dont le cadet, souffre d'un retard global d'acquisition et de troubles du comportement générant une inadaptation sociale.
Depuis 2021, ces troubles se caractérisent par des actes répétés de violence à l'égard notamment de sa mère, de son frère et de sa sœur, qui ont conduit à plusieurs reprises à son hospitalisation pour des séjours en soins psychiatriques.
Par décision du 21 février 2023, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la Gironde a autorisé sa prise en charge dans le cadre d'un accueil permanent en internat par un institut médico-éducatif (IME), en proposant deux instituts spécialisés, situés l’un à Pessac et l’autre à Bordeaux.
La CDAPH l'a également orienté vers une unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS) et lui a accordé l'aide humaine individuelle aux élèves handicapés ainsi qu'un accompagnement par un service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD).
Le premier établissement indiqué par la CDAPH a émis un avis réservé quant à la prise en charge de leur fils au motif que « les besoins de l'enfant ne correspondent pas au plateau technique de l'IME », tandis que le second a proposé une inscription sur liste d'attente.
Les parents ont alors présenté d’autres demandes d’inscription auprès d’instituts médico-éducatifs plus éloignés, mais ils se sont heurtés à des refus au motif que l'enfant ne résidait pas dans leur secteur.
Dans ce contexte, les parents ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux :
- à titre principal, d'enjoindre à l'ARS de Nouvelle-Aquitaine et au département de la Gironde d'affecter, au moins provisoirement, leur enfant dans un institut médico-éducatif avec un accueil permanent en internat,
- et à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'académie de Bordeaux d'affecter, au moins provisoirement, l'enfant en classe d'unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS), avec une aide personnalisée sur la base de vingt heures par semaine.
Atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales
Par une ordonnance du 10 août 2023, la juge des référés de ce tribunal a considéré qu'une carence caractérisée dans l'accomplissement des obligations mises à la charge de l'Etat, constitutive d'une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales, résultait de ce que l'ARS de Nouvelle-Aquitaine, qui exerce la tutelle sur les établissements médico-éducatifs, s'était abstenue :
- d'une part, de rappeler aux instituts ayant refusé d'accueillir l’enfant pour des raisons de sectorisation géographique que l'accueil permanent décidé par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées peut être sollicité et accordé sur tout établissement du territoire national et pas seulement à proximité du domicile des parents,
- d'autre part, d'intervenir au niveau régional alors qu'aucune solution à la situation individuelle critique d'une personne handicapée n'avait pu être trouvée au niveau départemental.
Il a, en conséquence, « enjoint au directeur de l'ARS de Nouvelle-Aquitaine de s'assurer, sans délai, de l'existence de places disponibles au sein des instituts médico-éducatifs ayant refusé d'accueillir l’enfant pour une raison de sectorisation géographique, puis de proposer, dans les huit jours à compter de la notification de son ordonnance, une solution d'accueil permanent en internat pour l’enfant au niveau régional si aucune solution ne permet de respecter la décision de placement de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées au niveau départemental ».
Le ministre de la santé et de la prévention a formé un appel de cette décision en tant seulement qu'elle a enjoint au directeur de l'agence régionale de santé de la région de Nouvelle-Aquitaine de proposer une telle solution d'accueil pour cet enfant au niveau régional.
Or, souligne le Conseil d’État, ce n’est pas ce qu'exige le tribunal administratif.
En effet, les mesures prononcées « se bornent à imposer à l'ARS de Nouvelle-Aquitaine [...] d'accomplir toutes diligences pour permettre à brève échéance la mise en œuvre de la décision de placement de la [CDAPH] en recherchant une place disponible pour un accueil permanent en internat de [l'enfant] dans un institut médico-éducatif situé soit au sein du département de la Gironde, soit, à défaut, dans un autre département de la région ».
La Haute juridiction confirme ainsi l'injonction faite à l'ARS de tout mettre en œuvre pour trouver une solution d'accueil pérenne de l'intéressé en IME, au besoin au niveau régional.
Cette décision fait écho à la recommandation adoptée par le Comité des Européen des Droits Sociaux (CEDS) le 6 septembre 2023 (Recommandation CM/RecChS(2023)4) reprochant à la France plusieurs non-conformités à la Charte sociale européenne et qualifiant de "problème majeur" : le manquement des autorités à adopter des mesures efficaces dans un délai raisonnable pour remédier aux problèmes persistants liés à l'inclusion des enfants et des adolescents handicapés dans les écoles ordinaires.
Claudia CANINI
Avocat - Droits des majeurs protégés
merci très clair