Le règlement intérieur de l’entreprise peut, sous certaines conditions, comporter des dispositions qui visant à limiter ou interdire totalement la consommation d’alcool (CE. 08.07.2019: n°420434).
La consommation d’alcool dans l’entreprise : une tolérance limitée
Le Code du travail interdit d’introduire ou de laisser distribuer dans l’établissement, pour être consommées par le personnel, toutes boissons alcoolisées autres que le vin, la bière, le cidre et le poiré (C. trav. art. R. 4228-20).
Il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse (C. trav. art. R.4228-21).
De même que les distributeurs de boissons installés dans les locaux de l’entreprise ne peuvent distribuer que des boissons non alcoolisées (C. santé pub. art. L.3322-8).
La « tolérance zéro alcool » est possible dans l’entreprise sous conditions
En application de l’article L.1321-3 du Code du travail, l’employeur ne peut apporter des restrictions aux droits des salariés, sauf si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.
Ainsi par principe et sauf rares exceptions, l’employeur ne peut pas inscrire dans le règlement intérieur une clause interdisant de façon générale et absolue l’introduction et la consommation de toute boisson alcoolisée dans l’entreprise (CE 12.11.2012 n°349365 : RJS 2/13 n°118).
Mais certaines limites peuvent être imposées pour des impératifs de sécurité. En effet, lorsque la consommation des boissons alcoolisées est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des salariés, l’employeur doit prévoir dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service, les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d’accident.
Ces mesures, qui peuvent prendre la forme d’une limitation, mais également d’une interdiction de la consommation de toute boisson alcoolisée.
Attention, ces mesures doivent, en tout état de cause, être strictement proportionnées au but recherché (C. trav. art. L. 4121-1 et R. 4228-20).
En effet, lorsqu’une disposition du règlement intérieur comporte une telle restriction allant jusqu’à interdire toute consommation d’alcool dans l’entreprise, l’employeur doit la justifier et définir les salariés concernés.
C’est l’apport de l’arrêt du Conseil d’Etat du 8 juillet 2019 (CE. 08.07.2019 : n°420434).
En l’espèce, une société spécialisée dans la fabrication d’équipements pour automobile, avait modifié son règlement intérieur.
La nouvelle version comprenait une «annexe au règlement intérieur concernant les contrôles d’état d’ébriété» dont il résulte que les salariés occupant des «postes de sûreté et de sécurité ou à risque», tels que définis par cette annexe, sont soumis à une «tolérance zéro alcool».
Comme l’autorise l’article L.1322-1 du Code du travail, l’inspecteur du travail avait exigé le retrait de cette disposition.
Saisis, les juges du fond ont rejeté le recours exercé par l’employeur contre cette décision. A tort. Le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel rendu dans cette affaire.
En la matière, le Conseil d’Etat apporte les précisions suivantes : il est nécessaire d’identifier les salariés concernés par l’interdiction de consommation d’alcool par référence au type de poste qu’ils occupent.
En l’espèce, la liste des postes concernés figurait à l’annexe du règlement intérieur, visait les conducteurs d’engins de certains types, utilisateurs de plates-formes élévatrices, électriciens ou mécaniciens.
La liste était suffisante pour le Conseil d’Etat. La justification n’a pas à figurer dans le règlement intérieur lui-même.
Donc, nul besoin pour l’employeur d’y détailler les risques encourus, ni même de faire référence au document unique d’évaluation des risques (DUER).
Dès lors que ce document unique d’évaluation des risques existe dans l’entreprise et identifie précisément ces risques, l’employeur peut s’en prévaloir devant le juge pour établir le caractère proportionné de la restriction ou de l’interdiction.
Maitre Virginie LANGLET
Avocat au Barreau de Paris
Sources :
Conseil d’Etat, arrêt du 8 juillet 2019 : RG n°420434
Conseil d’Etat, arrêt du 12 novembre 2012 : RG n°349365 : RJS 2/13 n°118
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