Dans un arrêt du 8 avril 2021 (n° 19-22.097), la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur le sort réservé à la clause de non-concurrence qui fixait comme périmètre géographique le niveau mondial.

En fait, l’employeur a mis en demeure son ancienne salariée de respecter la clause de non-concurrence stipulée à son contrat de travail qui, pour délimiter son périmètre géographique, se référait au niveau mondial. Il a ensuite saisi la juridiction prud’homale en référé, qui lui a donné raison.

L’ordonnance de référé, qui a ordonné à la salariée de cesser toute activité de concurrence professionnelle, a été confirmée par la juridiction d’appel. Elle s’est pourvue en cassation en soutenant le caractère illicite de la clause de non-concurrence.

La Cour de cassation devait donc se positionner sur le point de savoir si la clause de non-concurrence qui stipule comme périmètre géographique le niveau mondial est licite.

Pour répondre à cette problématique, la Cour de cassation rappelle les conditions de validité de la clause de non-concurrence qu’elle a pu édictées par le passé et ce à plusieurs reprises (Cass. Soc., 10 juillet 2020, n° 00-45.135 ; Cass. Soc., 26 janvier 2005, n° 02-45.193) :

« Une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ».

En l’espèce, le critère de la limitation dans l’espace posait une difficulté dans la mesure où la clause de non-concurrence s’étendait au monde entier, circonstance qui n’a étonnamment pas inquiété la cour d’appel selon laquelle cette clause ne rendait pas en soi impossible par la salariée l’exercice d’une activité professionnelle.

La Cour de cassation relève donc à juste titre que la référence de la clause « au niveau mondial » revient à considérer que la clause n’est pas délimitée dans l’espace puisqu’elle couvre, dans un tel cas, l’ensemble des territoires sur lesquels le salarié peut exercer une activité professionnelle et il est bien difficile dans ces conditions de comprendre comment la salariée aurait pu exercer une activité professionnelle.

Le visa de l’article L. 1121-1 du code du travail retenu par la Cour de cassation est classique lorsqu’il est question de la validité d’une clause de non-concurrence : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Celui du principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle l’est tout autant, bien que relativement récent (cf. la thèse de Florence Fouvet, « le principe de libre exercice d’une activité professionnelle », LGDJ, 2018).

La Cour de cassation effectue ainsi un contrôle de proportionnalité entre les impératifs de l’entreprise et la liberté du salarié d’exercer une activité professionnelle, ce qui l’amène à censurer une clause de non-concurrence qui ne comporte aucune limitation dans l’espace (Cass. Soc., 30 octobre 1991, n° 87-44.600 ; Cass. Soc., 11 mai 1994, n° 90-40.312), ou à en restreindre l’étendue en cas de limitations excessives (Cass. Soc., 18 septembre 2002, n° 00-42.904).

Par un contrôle de la réalité de la concurrence, le juge peut en effet réduire le champ d’application de la clause de non-concurrence qui avait pour étendue l’ensemble du territoire national aux seuls départements dans lesquels le salarié avait effectivement exercé ses fonctions (Cass. Soc., 25 mars 1998, n° 95-41.543).

Jérémy DUCLOS

Avocat à la Cour

Spécialiste en droit du travail