Par cet arrêt, la Cour d'appel de PARIS fait une subtile distinction entre une clause de mobilité et une clause de déplacement.

 

CA PARIS, 15 septembre 2021, RG n° 18/04120  *

Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel de PARIS fait une subtile distinction entre une clause de mobilité et une clause de déplacement.


Il était question d’une salariée occupant, au dernier état de la relation contractuelle, un poste de consultant nécessitant des déplacements quotidiens dans les locaux des clients de son employeur. Plus particulièrement, la clause relative à son lieu de travail était rédigée de la manière suivante :

« Le lieu de travail se situe selon les périodes dans l'un quelconque des établissements de la Société ou de ses filiales, ou dans les locaux de ses clients, situés en région parisienne, en province ou à l'étranger, dans les conditions précisées aux articles 4 et 5 ».

Pendant plus de 14 ans, les déplacements de la salariée étaient localisés dans la région parisienne, secteur de son domicile personnel. En septembre 2014, il lui a été notifié  la réalisation d’une mission à BLOIS que la salariée a refusé. Le 2 octobre 2014, son employeur lui a notifié une seconde mission située cette fois-ci à TOURS qu’elle a, de nouveau, refusé.

Le 8 octobre suivant, elle a été convoquée à un entretien préalable puis, finalement, licenciée pour cause réelle et sérieuse au motif de son refus de deux missions à BLOIS et TOURS, malgré la clause de déplacement insérée à son contrat de travail.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, la salariée invoque la nullité de la clause précitée en l’assimilant à une clause de mobilité et à son imprécision quant à son secteur géographique d’application.

Comme nous le relevions dans un précédent article, la jurisprudence exige que toute clause de mobilité doit préciser son champ d’application géographique (Cass. soc., 22 mai 2019, n° 18-15.752).

Pour autant, il ne faut pas confondre clause de mobilité et un poste itinérant impliquant des déplacements au quotidien.

En effet, dans le cas de la première hypothèse, le salarié bénéficie d’un lieu de travail fixe dans un endroit déterminé. La clause de mobilité permettra à l’employeur de modifier ce lieu de travail habituel dans une secteur géographique prédéfini par la clause et ce, sans l’accord du salarié.

En revanche, la seconde hypothèse concerne un salarié qui ne bénéficie pas de lieu de travail fixe, la mobilité géographique étant inhérente à son poste de travail.

Sans faire clairement cette distinction, la Cour de cassation a déjà fait écho à ce type de situation. Ainsi, dans le cas où les déplacements réguliers s’inscrivent dans le cadre habituel de l’activité du salarié, ce dernier ne peut pas refuser pas lesdits déplacements en invoquant l’absence de clause de mobilité (Cass. soc., 22 janvier 2003, n° 00-42.637 Cass. soc., 11 juillet 2012, n° 10-30.219).

Dans le cadre des salariés protégés, le Conseil d’Etat juge également que pour des fonctions impliquant par elles-mêmes une mobilité, un changement du lieu de travail n’emporte pas modification du contrat de travail (CE, 29 juin 2020, n° 428694).

La Cour d’appel de PARIS pose, quant à elle, clairement cette distinction : la clause de déplacement, qui stipule un lieu de travail non fixe, est distincte d'une clause de mobilité qui modifie un lieu fixe de travail.

Ainsi, selon elle, la clause reproduite ci-dessus ne constitue pas une clause de mobilité mais une simple clause de déplacement qui ne nécessite pas l’indication précise de son champ d’application géographique.

En revanche, dans le cadre de sa mise en ½uvre, l’employeur ne doit pas faire preuve de mauvaise foi.

Ainsi, en s’inspirant de la jurisprudence prévue en matière de clause de mobilité, la Cour d’appel de PARIS juge que la mise en ½uvre d'une clause de déplacement ne peut porter atteinte au droit du salarié à une vie personnelle et familiale que si cette atteinte est justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (Cass. soc., 16 novembre 2016, n° 15-23.375).

Or, en l’espèce, les juges du fond relèvent :

  • La salariée avait pendant quatorze ans effectué toutes ses missions en région parisienne et qu'elle avait une enfant de six ans de sorte que des missions à 200 kilomètres de Paris modifiaient son organisation personnelle.
  • La réaction précipitée de l’employeur qui a convoqué la salariée en l’espace de moins d’un mois après l'avoir informé de ses missions éloignées de son domicile personnel.
  • L’absence de tout antécédent disciplinaire en 14 ans d’ancienneté.

Au vu de ces éléments, la Cour relève la mauvaise foi de l’employeur dans la mise en ½uvre de la clause de déplacement, de telle sorte que le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

 


N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.