Mesure coercitive exercée à l'encontre de la personne suspectée, la garde à vue est entourée de nombreuses garanties. Depuis son placement en garde à vue jusqu'à son déferrement à l'issue de la garde à vue, la personne faisant l'objet d'une telle mesure est titulaire de droits fondamentaux et doit être mise en mesure de les exercer d'une manière effective.

Il convient d’opérer une distinction entre le régime du majeur (I) et celui du mineur (II).

I- Le majeur placé en garde à vue

Il faudra ici établir une démarcation entre les mesures dites de fond (A) et celles dites de formes (B).


A- Les protections de fond

Ces protections constituent des garanties prévues tout au long de la procédure tant dans la
phase de placement que de prolongation de la garde à vue.


1- La notification des droits à la personne gardée à vue

Au plus tard dans un délai de trois heures (art. 63-2 et 63-3 CPP), l’officier de police judiciaire (OPJ) ou l’agent de police judiciaire (APJ) sous son contrôle (art 63-1 CPP) doit
informer la personne faisant l’objet d’une mesure de garde à vue de ses droits.


Il doit également être remis à la personne une documentation résumant l’ensemble des
garanties qui lui sont dues (art 803-6 CPP).


La personne gardée à vue doit être informée par l’officier de police judiciaire :

  • de son placement en garde à vue ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des
  • prolongations dont celle-ci peut faire l'objet ; de la nature, de la date, et du lieu
  • présumés de l’infraction qui lui est reprochée, ainsi que des motifs justifiant la
  • mesure;
  • de son droit de faire prévenir un proche, son employeur, et les autorités consulaires
  • (art. 63-2 CPP), et le cas échéant de communiquer par voie téléphonique avec eux
  • dans les trois heures, (possibilité offerte depuis le 15 novembre 2016) ;
  • de son droit d'être examiné par un médecin (art. 63-3 CPP) ;
  • de son droit d'être assisté par un avocat (art. 63-3-1 à 64-4-1 CPP) ;
  • de son droit à un interprète ;
  • de son droit de consulter les documents mentionnés à l'article 63-4-1 (PV de
  • notification des droits, certificat médical, PV d'auditions) ;
  • de son droit de présenter des observations avant l'éventuelle prolongation de la
  • garde à vue et tendant à ce qu'il soit mis fin à cette mesure (art. 63-1 à 63-4-5
  • CPP) ;
  • de son droit lors des auditions de faire des déclarations, de répondre aux questions posées ou de se taire. Cette information intervient immédiatement, sauf circonstances insurmontables (et sauf interpellation sur la voie publique et garde à vue suivant d'autres privations de liberté), dans une langue que la personne gardée à vue comprend (un formulaire écrit est remis avant l’intervention d’un interprète).

Notons que la notification de ces droits est prescrite à peine de nullité de la
procédure de garde à vue.

Par ailleurs, aux termes du dernier alinéa de l’article préliminaire du Code de procédure pénale, nul ne peut faire l’objet d’une condamnation sur le seul fondement de sesdéclarations sans avoir été mis en mesure de s’entretenir et d’être assisté d’un avocat.

La chambre criminelle de la Cour de cassation affiche une grande fermeté quant au respect de cette règle qui s’impose à peine de nullité de la mesure de garde à vue (Cass. crim. 2 décembre 2015, n° 13-83787).


Outre les principes de légalité et de proportionnalité, la garde à vue s'exécute dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne (art. 63-5).


Quant à la Cour européenne des droits de l’Homme, il est ici utile de souligner l’édifice jurisprudentiel qu’elle construit résolument en matière d’avancées des droits des personnes placées en garde à vue. L’on mentionnera notamment : CEDH, 24 mai 2016, n°19181/09, Sîrghi c/ Roumanie; CEDH, 12 janvier 2016, n°37537/13, Borg c/ Malte ; CEDH, 15 janvier 2015, n°17735/06, Chopenko c/ Ukraine.


2- L’absence ou le retardement de la notification des droits

Cependant, la notification des droits peut, dans certains, cas être retardée, différée ou encore tout simplement faire l’objet d’une renonciation de la part de la personne gardée à vue. Dans cette dernière hypothèse, la renonciation doit être expresse et consignée dans le procès-verbal de notification des droits, la signature du gardé à vue devant être apposée devant chaque droit abdiqué.


De même, à l’initiative de l’officier de police judiciaire et sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction (art. 63-2, al. 2 CPP), il peut y avoir un diffèrement de la notification des droits dans l’intérêt de l’enquête (recueil ou conservation des preuves, prévention d'une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne).


En cas d’ébriété, la notification des droits doit intervenir à compter du dégrisement du suspect (Cass. crim., 27 octobre 2010, n° 09-88733). Dans l’hypothèse où une garde à vue serait ordonnée à la suite du dégrisement, le temps du dégrisement devra être retenu sur celui de la garde à vue. Cette solution a été entérinée par la juridiction constitutionnelle (art. L. 3341-1 du Code de la santé publique ; Cons. const., 8 juin 2012, n° 2012-253 QPC).

En dehors des cas limitativement énumérés par la loi, tout retard infondé du placement en garde à vue et de la notification des droits du suspect est susceptible de frapper de nullité la mesure de garde à vue (Cass. crim., 31 mai 2007, n°07-80928, Bull. crim., n°146).

S’agissant du droit de s’entretenir avec un avocat, celui-ci n’est mis en ½uvre qu’à la demande de la personne, en début de garde à vue et en début de prolongation de celle-ci. L'avocat est en principe désigné par le gardé à vue mais il peut lui en être désigné un d'office ; l'avocat désigné est informé de la nature et de la date présumée de l'infraction.

L'avocat peut s'entretenir confidentiellement avec son client pour une durée de trente minutes, et présenter des observations écrites, qui sont jointes au dossier (art. 63-4-3).

Le droit d'être assisté par un avocat au cours des auditions et confrontations (art. 63-4-2 à 63-4-4) bénéfice à la personne s’il est en fait la demande en début de garde à vue.

La première audition ne peut en principe débuter en l’absence de l'avocat avant l'expiration d'un délai de deux heures (excepté audition ne portant que sur des éléments d'identité, nécessités de l'enquête exigeant une audition immédiate, et report de douze heures de la présence de l'avocat sur décision écrite et motivée du procureur par exemple pour prévenir une atteinte grave et imminente à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne). Au terme de l'audition, l'avocat dispose de la possibilité de poser des questions et de présenter des observations écrites.

En tout état de cause, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations faites sans avocat (article préliminaire, III).

En cas de changement du lieu de garde à vue, ou dès lors que le gardé à vue doit être entendu ou faire l'objet d'un des actes prévus à l'article 63-1, son avocat en est informé sans délai (art. 63-4-3-1).

 

B- Les protections de forme

Le caractère écrit de la procédure pénale est l’une des principales garanties. À d’autres points de vue, l’on soulignera le caractère obligatoire de l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires en matière criminelle sauf impossibilité technique ou humaine (art. 64-1). Il s’agit de l'enregistrement des seuls interrogatoires des personnes placées en garde à vue (sauf criminalité ou délinquance organisées).

Par ailleurs, la personne gardée à vue peut solliciter la consultation de l'enregistrement au cours de l'instruction ou devant la juridiction de jugement lorsqu’elle conteste le contenu du procès-verbal d'interrogatoire.

En outre, il doit être procédé à la destruction de l'enregistrement à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'extinction de l'action publique.


Soulignons pour finir que les causes de nullité de la garde à vue sont substantielles et soumises à l'exigence d'un grief (grief parfois présumé, comme en matière de notification des droits, Cass. crim., 30 avril 1996, n° 95-82.217).

 

II- Le mineur placé en garde à vue

En application de l’ordonnance du 2 février 1945, les régimes de garde à vue sont adaptés aux mineurs. Comme le régime de garde à vue du majeur, celui du mineur bénéficie également de protections de fond (A) et de forme (B).

 

A- Les protections de fond

L'officier de police judiciaire est tenu d’informer les parents, tuteur ou service auxquels l'enfant est confié. Cette information peut être exceptionnellement différée pour une durée de douze ou vingt-quatre heures).


En principe, les mineurs de 13 ans ne peuvent être placés en garde à vue. Cependant, de manière dérogatoire, les mineurs de 10 à 13 ans peuvent l’être, pour une durée de douze heures, renouvelable une fois, sur autorisation préalable du juge, mais seulement lorsqu’ils sont poursuivis pour un délit passible d’au moins cinq ans d’emprisonnement.


S’agissant des mineurs de 13 à 16 ans, leurs mesure de garde à vue d’une durée de vingt quatre heure ne peuvent être prolongées pour des infractions punies d’une peine inférieure à cinq ans d’emprisonnement.


Comme tout mineur, le mineur âgé de seize ans bénéficie d'un examen médical systématique dès le début de la garde à vue. Pour les mineurs âgés de plus de seize ans, leurs représentants légaux sont informés de leur droit de demander un examen.


Dès le début de la garde à vue, le mineur doit être assisté par un avocat, dans les conditions
du droit commun. La demande peut être formulée par le représentant légal. Il doit être informé de ses droits, ainsi que ses représentants légaux, à peine de nullité.


B- Les protections de forme


L’obligation de procéder à l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires est prévue par l’art. 4-VI de l’ordonnance du 2 février 1945. La copie originale de cet enregistrement doit être placée sous scellés et sa copie versée au dossier. Il ne peut y être recouru qu'avant l'audience de jugement, et uniquement en cas de contestation du procès-verbal d'interrogatoire et sur décision du juge d'instruction ou du juge des enfants saisi par l'une des parties. Le défaut d'enregistrement, sauf cas de force majeure, est constitutif d’une cause de nullité d'ordre privé, dont le grief est présumé (Crim. 3 avr. 2007, n° 06-87.264).

Un proche en garde à vue ? Je me tiens à votre disposition en conseil et contentieux.



Gérard VILON GUEZO
Docteur en droit privé/sciences criminelles
Enseignant chercheur en droit pénal économique
Avocat à la Cour