Ne constitue pas une sanction disciplinaire le changement d'affectation provisoire d'un salarié décidé dans l'attente de l'engagement d'une procédure disciplinaire dès lors qu'il a pour seul objet d'assurer la sécurité des usagers, du personnel d'exploitation et des tiers et qu'il n'emporte pas modification durable du contrat de travail (Cass. Soc. 08.10.2014 : n°13-13673).

La mutation disciplinaire

Une mutation disciplinaire consiste en un changement d’affectation ou de lieu de travail, décidé par l’employeur pour sanctionner une faute du salarié.

Si la mutation disciplinaire implique une modification du contrat de travail, le salarié est en droit de la refuser.

Dans ce cas, l’employeur peut prononcer une autre sanction à l’encontre de l’intéressé.

Il peut ainsi engager une procédure de licenciement en lieu et place de la mutation disciplinaire (Cass. Soc. 02.03.2010, n°08-44902).

Toutefois, la Cour de Cassation a eu l’occasion de nuancer, dans un arrêt de principe largement diffusé.

En effet,  la mutation consécutive à une faute du salarié ne constitue pas toujours une sanction disciplinaire.

C’est ainsi le cas lorsque le changement d’affectation est consécutif, entre autres, à la violation par le salarié d’une consigne de sécurité. Il ne s’agit pas d’une sanction disciplinaire dès lors que ce changement a pour seul objet, conformément au règlement de sécurité applicable, d’assurer la sécurité des usagers, du personnel d’exploitation et des tiers (Cass. Ass. plén. 06.01.2012, n°10-14688).

Dans cette affaire, aucune réprimande n’avait été adressée au salarié suite à la violation de la consigne de sécurité et le changement d’affectation en cause ne constituait pas une modification du contrat de travail du salarié, mais un simple changement de ses conditions de travail.

L’arrêt commenté du 8 octobre 2014 (Cass. Soc. 08.10.2014 : n°13-13673) ressemble à la décision d’Assemblée Plénière du 6 janvier 2012.

Dans cette affaire, un salarié avait été embauché en qualité de conducteur receveur pour travailler à compter de janvier 2009 sur la ligne régulière comme agent à disposition avec des horaires fixes.

Il avait procédé au débridage de l'autobus qu'il conduisait afin de pouvoir dépasser la vitesse de 50 km/h.

Après un entretien avec le responsable d’exploitation, il a été affecté à un poste de conducteur "volant", non affecté à une ligne en particulier et sans horaires fixes.

Il a quelques jours plus tard été convoqué à un entretien préalable pour le 14 octobre 2009, le conseil de discipline étant saisi.

Après cet entretien, une sanction disciplinaire consistant à l'affecter désormais au poste d'ouvrier 02 avec changement de classification, de salaire et de lieu de travail lui a été notifiée.

Le salarié a été placé en service réservé.

Le salarié ayant refusé la sanction prononcée, il a dès lors été licencié pour faute grave.

Le salarié a alors saisi la juridiction prud’homale, en contestation du licenciement prononcé.

La Cour d’appel a considéré que d’une part le retrait du salarié de son affectation à un poste d'agent à disposition, sur une ligne avec des horaires fixes répartis uniquement en semaine, affectation qui lui avait été attribuée en fonction de son ancienneté dans l'entreprise, et d’autre part son affectation sur un poste de conducteur "volant", avec des horaires variables répartis tant sur la semaine que sur la fin de semaine, décidés en raison d'un comportement considéré par l'employeur comme fautif, plusieurs jours avant l'engagement d'une procédure disciplinaire et en l'absence de toute signification du caractère provisoire de la nouvelle affectation et d'un motif de sécurité des passagers et des usagers de la route constituent une sanction disciplinaire.

Ainsi, l’employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire par sa décision d'affectation. Il ne pouvait, pour les mêmes faits, sanctionner deux fois, en application du principe non bis in idem. L’employeur ne peut sanctionner deux fois les mêmes faits qu’il juge fautifs.

La Cour de Cassation ne partage pas cet avis, et fait une application stricte de sa jurisprudence dégagée en 2012.

Pour la Haute Juridiction, ne constitue pas une sanction disciplinaire le changement d'affectation provisoire d'un salarié décidé dans l'attente de l'engagement d'une procédure disciplinaire dès lors qu'il a pour seul objet d'assurer la sécurité des usagers, du personnel d'exploitation et des tiers et qu'il n'emporte pas modification durable du contrat de travail.

La Cour de Cassation place bien au premier plan la nécessaire mesure de sécurité prise par l’employeur, dans sa décision de changement d’affectation.

Ainsi, il ne peut s’agir d’une mesure disciplinaire contre le salarié.

Par Maitre Virginie LANGLET

Avocat au Barreau de Paris

57 Bd de Picpus 75012 PARIS

Tél : 01.84.79.16.30

www.cabinet-avocats-langlet.fr

Sources :

Cass soc, 8 octobre 2014, n°13-13-673

Cass soc, Plen, 6 janvier 2012, n°10-14688

Cass soc, 2 mars 2010, n°08-44902