Il faut dire que la confiance en la compagnie d'assurance (en charge de l'indemnisation des accidents corporels) apparaît aller de soi pour l'immense majorité des assurés. Et cela est encore plus vrai lorsque les victimes n'ont aucune part de responsabilité dans leur accident et dans les dommages qu'elles ont à subir. L'assureur est donc spontanément perçu comme un défenseur. Il est en fait rémunéré pour l'être. Mais la réalité est plus complexe. La compagnie d'assurance est une entreprise intégrée au marché. Ses intérêts économiques sont prégnants. La tentation d'indemniser les victimes a minima est omniprésente, logique et inévitable. Ainsi, quels que soient l'ampleur de l'accident et des dommages, la première offre d'indemnisation transmise à la victime est systématiquement sous-estimée. Il convient donc de ma repousser, dans tous les cas.
Il importe ici de rappeler que les victimes ont des droits et l'assurance des devoirs. Rappeler qu'il est toujours hasardeux de s'en remettre aveuglément aux décisions de l'assurance. Des outils, des acteurs compétents, des lois, des stratégies de défense existent pour optimiser l'indemnisation. Utilisés à bon escient, ils permettent une négociation équilibrée avec la compagnie d'assurance, et, en dernière analyse, la réparation intégrale des préjudices corporels des victimes d'accidents non responsables.
L'accident de la route non responsable selon la loi Badinter
L'accident de la voie publique (AVP) correspond à tout accident de la route ayant entraîné des dommages, qu'ils soient matériels et/ou physiques. Cependant, tous les accidents de la voie publique ne relèvent pas de la très protectrice loi Badinter de juillet 1985 encadrant la réparation des victimes d'accidents de la circulation.
Cette loi, déterminante pour le sort des victimes d'accidents de la voie publique, s'est donnée pour objectif de faciliter, de sécuriser et d'accélérer l'indemnisation des dommages corporels. En cela, elle visait à mettre un terme à un ensemble de pratiques arbitraires, aux disparités de traitement entre victimes d'un même pays, aux interprétations aléatoires en matière de réparation. Ainsi, par exemple, un conducteur fautif invoquant un aléa, un cas de force majeure ou encore un événement imprévisible pouvait, avant 1985, facilement se dédouaner de ses responsabilités. Cela revenait à priver la victime de ses droits à indemnisation de ses différents préjudices subis. Robert Badinter voulut remettre la victime au centre du jeu en lui octroyant un droit inconditionnel à réparation dès lors que son accident est caractérisé comme non responsable, et ce que l'auteur de l'accident soit ou non identifié, assuré ou non, fautif ou innocent.
Restait alors à définir les conditions d'application des dispositions de la loi. Un accident pour bénéficier de la nouvelle loi devait répondre aux 3 critères suivants :
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Ne pas présenter de caractère intentionnel, ce qui élimine toute tentative de suicide ou d'homicide volontaire.
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Survenir sur une voie publique ou privée de circulation.
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Que soit impliqué dans l'accident au moins un véhicule terrestre à moteur (VTM) : auto, moto, camion, 2 roues motorisé, quad, ou autre véhicule motorisé, à l'exception du train, du tramway (quand il ne partage pas sa voie de circulation avec les autres véhicules), du métro...
Dans l'hypothèse où l'accident répond à ces 3 conditions impératives, le principe de la réparation intégrale de l'ensemble des préjudices s'applique inconditionnellement et irréductiblement à la victime ayant subi des dommages corporels. L'ensemble des préjudices corporels et psychologiques doivent alors être indemnisés. Cela vaut aussi bien dans les cas où l'auteur responsable de l'accident est assuré que lorsqu'il n'est pas identifié ou n'est pas assuré. Dans ce dernier cas, c'est un fonds de garantie (FGAO) qui se substituera à la compagnie d'assurance.
La loi Badinter est une avancée majeure pour toute victime d'accident non responsable dans la mesure où elle octroie un certain nombre de droits à la victime en encadrant la procédure d'indemnisation, et en limitant le libre arbitre trop souvent constaté auparavant de l'assurance en matière de réparation.
Les bénéfices introduits par la loi Badinter en direction des victimes d'accidents
Ils peuvent se récapituler en 6 obligations qu'il importe à l'assurance de respecter sous peine de sanctions :
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Devoir d'information : Il appartient à l'assureur d'informer la victime de l'ensemble de ses droits. En particulier, du droit qu'a chaque victime d'accident de la route d'être défendue par un médecin de victimes à l'occasion de l'expertise et par un avocat dans toutes les phases de négociation.
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Organisation d'une expertise médicale : Celle-ci devant intervenir au moment de la consolidation et être prise en charge par l'assurance, soit pour l'obtention de provisions, soit pour la liquidation des préjudices.
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Réparation intégrale de tous les préjudices : La victime mais également son entourage doivent voir leurs préjudices économiques et non économiques indemnisés, qu'il soient temporaires ou permanents.
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Une réparation des préjudices se doit d'être entièrement individualisée : Il ne saurait donc question d'indemnisation forfaitaire, ni de barème qui fasse autorité. Chaque accident et chaque accidenté étant uniques, il en sera de même de leur indemnisation.
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Recours possible par la victime à un médecin-conseil - lié ou non à la compagnie d'assurance - et à la charge de l'assureur : ce médecin « de recours » prépare la victime à l'examen médical et l'y accompagne pour apporter la contradiction à l'expert de l'assurance (une bonne expertise est toujours contradictoire).
Les accidents de la circulation relevant du droit commun
Lorsqu'un cycliste en blesse un autre, ou, autre exemple, qu'une trottinette non motorisée renverse un piéton, les conditions d'application de la loi Badinter ne sont pas satisfaites : Il n'y a pas d'implication d'un véhicule terrestre à moteur. De ce fait, pour la réparation des dommages c'est le droit commun qui s'applique par le biais de la responsabilité civile du responsable de l'accident.
Comment cela se passe-t-il ? La victime doit prendre attache avec la compagnie d'assurance responsabilité civile de l'auteur pour l'informer de son accident. Son indemnisation au titre de la réparation de ses préjudices corporels sera sensiblement moins sécurisée que ne le serait un accident relevant de la loi Badinter. En effet :
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L'assurance responsabilité civile du responsable de l'accident n'a pas d'obligation d'information à l'endroit de la victime.
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L'expertise demeure à la charge de la compagnie d'assurance mais les frais de médecin-conseil - si la victime décide d'y recourir - ne seront pas pris en charge par l'assurance.
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Les délais légaux d'indemnisation prévus par la loi Badinter ne s'appliquent pas.
En d'autres termes, en matière de réparation des préjudices, la victime est moins protégée, il lui faudra être davantage à la man½uvre, faire preuve de la plus grande vigilance, faire valoir ses droits à indemnisation de chaque préjudice répertorié dans la nomenclature Dintilhac par le recours recommandé à un avocat et à un médecin-conseil.
Quand les assurances n'assurent pas...
L'expérience de l'avocat en droit du dommage corporel vis-à-vis des compagnies d'assurances atteste que la loi Badinter n'est pas, à elle seule, capable de garantir le bon respect des droits des victimes et l'obtention d'une juste indemnisation. Le constat est sans appel : Du côté des assurances en effet, la mauvaise volonté et les négligences sont pour ainsi dire la règle. Tout semble être fait - ou plus souvent encore ne pas être fait - pour transformer l'indemnisation en parcours du combattant. Tout semble concourir au découragement espéré de la victime plus susceptible ainsi d'accepter des conditions désavantageuses pour elle, notamment en matière d'offre d'indemnisation. Voici quelques exemples de manquements couramment observés chez les assureurs.
- De graves défauts d'information :
Alors que c'est leur devoir, les compagnies d'assurance négligent souvent d'informer les victimes d'accident de leur droit à être défendues par un avocat de leur choix et par un médecin de recours (de préférence non lié à la compagnie d'assurance) dont le rôle est de veiller à une prise en compte exhaustive de l'ensemble des préjudices corporels tels qu'ils sont classifiés dans la nomenclature Dintilhac. Il n'est pas rare que la victime soit informée à tort qu'elle aura à subvenir aux honoraires de son médecin de victime alors que la compagnie d'assurance est légalement tenue de rembourser les frais inhérents à l'assistance du médecin de recours.
Comment réagir ? : Il importe de comprendre que ce défaut d'information est susceptible de faire annuler la transaction, même longtemps après...
Le concours d'un avocat en droit du dommage corporel permet déjà à la victime de déjouer les pièges de la désinformation si souvent pratiquée. Il lui appartient de faire respecter l'ensemble des droits de son client.
- Des expertises médicales brouillonnes et contestables :
De façon générale, l'assureur omet - volontairement ou non - d'informer l'expert missionné pour l'examen médical de la victime de la présence de son avocat et de son médecin de victimes. Cela ne manque jamais de perturber les conditions de l'expertise en créant des tensions inutiles entre ces différents professionnels dont la mission est pourtant de collaborer et d'être au service de la victime. Il est très rare par ailleurs que la compagnie d'assurance transmette comme c'est son devoir le rapport d'expertise au médecin de recours (ni davantage à la victime elle-même) pour qu'il soit validé. Cette omission intentionnelle vise à réduire les probabilités d'objection de la part de la victime ou de ses défenseurs. Il arrive même que l'assurance invoque de façon aberrante le secret médical pour expliquer ce manquement grave...
Comment réagir ? : Même solution. Le recours à un avocat et à un médecin de victimes pugnaces et rigoureux, parfaitement avisés des droits des victimes et ne négligeant aucun détail de la procédure.
- Une consolidation prématurée :
La décision d'une consolidation avant l'heure est de nature à limiter, de la part de l'assurance, la prise en compte dans ses calculs d'un certain nombre de préjudices tardifs. Cela peut être le cas des préjudices professionnels (inaptitude avec perte d'emploi, perte de gains professionnels...), des frais de logement et des frais de véhicule adaptés, de différents frais de santé tardifs…etc... Les intérêts financiers de la compagnie d'assurance prévalent ici encore sur l'intérêt des victimes.
Comment réagir ? : Le médecin-conseil indépendant de la compagnie d'assurance au service de la victime est apte à statuer sur la date effective de consolidation. L'avocat en droit du dommage corporel quant à lui sera notamment attentif à ce que l'expert ne conteste pas un éventuel avis d'inaptitude rendue par la médecine du travail.
- Une sous-estimation voire non prise en compte de certains préjudices :
En pratique, on observe que plus les préjudices sont importants et nombreux, plus la compagnie d'assurance sera tentée de les sous-estimer de sorte à les indemniser a minima. Rappelons qu'il existe une trentaine de préjudices environ répertoriés dans la classification Dintilhac : préjudices patrimoniaux, préjudices non patrimoniaux, préjudices temporaires, préjudices permanents, préjudices pour la victime directe, préjudices pour les victimes par ricochet (les proches).
Un certain nombre d'entre-eux font l'objet d'une minoration automatique du fait de leur poids économique. C'est presque toujours le cas des frais pour la tierce personne venant assister la victime au quotidien. Le préjudice professionnel et pertes de gains professionnels sont, eux aussi, couramment très sous-estimées quand ils ne sont pas purement et simplement écartés dans un souci d'économie pour l'assureur...
Comment réagir ? : Tout d'abord, il convient de refuser d'emblée la première proposition d'indemnisation de la compagnie d'assurance dans la mesure où elle est systématiquement inférieure à ce qu'elle devrait être. Il s'agit d'entrer en négociation. Vérifier que tous les préjudices classifiés dans la nomenclature Dintilhac soient correctement pris en compte dans le calcul de l'indemnisation. Le médecin de victimes et l'avocat en droit du dommage corporel auront à c½ur de vérifier que toutes les cotations liées aux différents postes de préjudices soient parfaitement argumentées par l'expert. Soulignons d'ailleurs que le rapport d'expertise peut toujours être contesté, tant par l'avocat que par le médecin de victime. Cela fait partie de leur mission.
En toute hypothèse, si la négociation avec la compagnie d'assurance ne débouche sur aucun accord, il demeure possible de se tourner vers la justice et de solliciter une expertise judiciaire. L'expert judiciaire sera alors chargé de se prononcer sur les points d'expertise qui font l'objet de désaccord.
- Une mauvaise volonté globale de la compagnie d'assurance :
Elle se manifeste de multiples façons : inertie générale, délais de réponses interminables, correspondances fastidieuses, interlocuteurs injoignables, contretemps systématiques, cafouillages, confusions dans le traitement des informations, mauvaise volonté à tous les étages… L'ensemble de ces errements concourt à un objectif implicite et inavouable : l'usure ! Décourager la victime et, idéalement, la faire renoncer à ses prétentions. Le processus d'indemnisation des victimes est un véritable parcours du combattant et ce n'est pas toujours innocemment que les procédures sont rendues fastidieuses…
Comment réagir ? : Ne jamais baisser les bras. Identifier le plus tôt possible le gestionnaire du dossier d'indemnisation. Ensuite, le harceler ! Par courrier, par téléphone, par mail. Jusqu'à obtenir des réponses. L'avocat est rompu aux pratiques délétères des compagnies d'assurance. L'avocat missionné par son client prend le relais dans toutes les communications avec l'assureur. C'est donc pour la victime un gain de confort matériel et psychologique considérable.
Rester dans tous les cas vigilant vis-à-vis de la compagnie d'assurance
En conclusion : Malgré la loi Badinter et une législation française particulièrement protectrice à l'endroit des victimes, les compagnies d'assurance conservent la main sur l'indemnisation des accidentés ainsi qu'une certaine tendance à prioriser leurs propres intérêts économiques, cela au détriment des victimes d'accidents de la route. La réparation intégrale des préjudices, pourtant prévue par la loi Badinter demeure davantage un idéal qu'une réalité observée.
Retenons encore que le parcours de l'indemnisation demeure un exercice long et aventureux face auquel il est toujours préférable de s'entourer de spécialistes capables d'encadrer et de contester les décisions la compagnie d'assurance : l'avocat, le médecin de victimes (à condition qu'il soit indépendant de la compagnie d'assurance). Ces professionnels de la réparation des préjudices corporels sont conscients des pièges tendus par l'assureur. Connaissant parfaitement les droits des victimes, ils sont réellement en mesure de les déjouer. Leur technicité se révèle d'autant plus essentielle qu'il incombe dans le droit français aux victimes de rapporter la preuve de leurs préjudices.
Quels que soient l'importance de l'accident et des dommages qui en résultent, l'intervention du médecin-conseil et de l'avocat en droit du dommage corporel, même si elle implique un coût, demeure systématiquement rentable. Le rapport coût / bénéfice est toujours profitable. Même en cas de blessures légères. Il n'est pas rare que cela triple les montants initialement proposés en guise de dommages et intérêts. En outre, cela constitue pour les victimes choquées et leur entourage un gain de confort immédiat au plan moral et psychologique. De la façon dont ils vont sécuriser et optimiser tout le processus d'indemnisation dépendra la qualité de vie immédiate et future de la victime et de sa famille.
conforme à mes attentes