Le premier principe à intégrer est que la fixation des quotités de propriété dans l'acte sera définitive. Les quotités d'acquisition indiquées dans l'acte déterminent le droit de propriété de chaque indivisaire. Ainsi, si un couple acquiert un bien immobilier à concurrence de 70% pour l'un et 30% pour l'autre, ils en seront propriétaires dans ces mêmes proportions et c'est cette proportion qui sera publiée.

En l'absence d'indication dans l'acte, le couple est réputé acquérir pour moitié indivise chacun. Ces quotités sont définitives c'est-à-dire qu'elles ne pourront être modifiées au gré de l'évolution du financement de l'opération. Seule une nouvelle mutation permettra de les modifier et non un simple acte rectificatif. Il est essentiel de souligner que l'acte rectificatif ne doit être pratiqué que pour corriger une véritable erreur matérielle, et de préférence dans les délais les plus brefs après l'acte d'achat.

Il sera alors recommandé d'indiquer dans l'avant-contrat que : " Les proportions d'acquisition de Mr Y et Mme X seront fixées dans l'acte authentique définitif ".

Le deuxième principe qui doit nous guider est qu'il faut favoriser la concordance des quotités d'acquisition et des quotités de financement. Lors de l'acquisition le notaire doit expliquer aux acquéreurs que la concordance entre les quotes-parts indivises d'acquisition indiquées dans l'acte et le financement réel de l'opération permet d'éviter des conflits ultérieurs et de simplifier les comptes lors de la revente. Il doit donc inciter les acquéreurs à réfléchir à la contribution de chacun dans le budget global de l'opération. Ce budget comprend : le prix d'acquisition + la commission de l'agence + les frais d'acte et les droits d'enregistrement + les frais de prise de garantie.

A cette base, il faut également ajouter le coût de la construction le cas échéant envisagée par les acquéreurs. En effet, le bien construit est le bien que le couple entend acquérir. A défaut, le principe de l'accession veut que les quotités d'acquisition du terrain s'appliqueront également aux constructions. D'où l'intérêt de les intégrer si le financement de cette construction est pris en charge dans des proportions différentes de celles de l'acquisition du terrain.

Aussi, je pose à mes clients les questions suivantes :

- quel est le montant de l'apport personnel de chacun ?

- dans quelle proportion comptez-vous rembourser l'emprunt souscrit en commun ?

Bien entendu, sur le plan de l'obligation à la dette, les emprunteurs sont solidaires du remboursement de l'emprunt envers la banque. Sur le plan de la contribution à la dette, ils peuvent envisager un remboursement dans des proportions différentes, notamment en fonction de leurs revenus.

Il est conseillé qu'une disproportion dans le remboursement soit prise en compte dans le calcul des quotités d'acquisition. Si les acquéreurs souhaitent une solution différente il convient de les informer des conséquences de leurs choix.

Que va-t-il se passer lors de la revente du bien ?

Nous partons du postulat que le financement du bien est intervenu conformément aux prévisions de l'acte d'achat, en concordance des quotités d'acquisition et de financement.

 

Comment se répartit alors le prix de vente ?

Si la vente a lieu alors que le prêt est totalement remboursé (ou, plus rarement, en l'absence de prêt), le prix est alors réparti en fonction des quotes-parts d'acquisition mentionnées dans le titre de propriété. Celui qui a acquis 48% du bien percevra 48% du prix. Mais la vente a le plus souvent lieu alors que le prêt n'est pas totalement remboursé. Il est alors de bonne pratique de prévoir dans l'acte la manière de réévaluer les droits de chacun.

Le prix de vente sera réparti en fonction des proportions d'acquisition indiquées dans le titre de propriété et, sur la quote-part revenant à chacun des vendeurs, il sera retenu les sommes dont chacun est redevable :

- au titre de l'emprunt (en capital, intérêts, indemnités, accessoires, frais de mainlevées) : à hauteur de la quote-part prévue pour le remboursement,

- au titre de toutes les charges afférentes à la propriété du bien (charges de copropriété, impôts?) : à hauteur des proportions d'acquisition.

Que faire lorsque tout ne s'est pas passé comme prévu ?

Il est très fréquent qu'au moment de la liquidation du régime matrimonial ou de l'indivision, les clients informent le notaire que la contribution financière réelle de chacun a été différente de celle prévue au moment de l'acquisition et qui a servi à la fixation des quotités d'acquisition.

Il s'agit alors de qualifier au moment de la liquidation des flux financiers qui ont lieu pendant l'indivision, ce qui est un exercice toujours délicat.

Prenons la situation classique d'un époux séparé de biens, d'un partenaire pacsé ou d'un concubin qui invoque un financement de sa part pour le compte de son coacquéreur et qui en apporte la preuve.

Ce financement peut revêtir plusieurs qualifications :

- il peut s'agir d'un prêt ou d'une donation, précision étant faite que pour les époux séparés de biens la donation est révocable si elle est antérieure au 1er janvier 2005,

- ou encore d'une donation rémunératoire s'il existe une " surcontribution " aux charges du mariage par l'activité au foyer ou une collaboration gratuite à l'activité professionnelle de l'autre,

- ou enfin une contribution aux charges du mariage.

Tout est une question de preuves apportées par chacun des intéressés.

 

Faisons tout d'abord quelques observations sur la qualification de prêt.

S'il s'agit d'un couple marié sous le régime de la séparation des biens, l'article 1543 du code civil renvoie aux articles 1479 alinéa 2 et 1469 alinéa 3 du code civil : les créances entre époux afférentes à des dépenses d'acquisition, de conservation ou d'améliorations des biens ne peuvent par principe être inférieures au profit subsistant.

Mais lorsque des époux séparés de biens ont eu recours à un emprunt pour acquérir un bien indivis et que l'un d'eux rembourse les échéances du prêt au-delà de sa part contributive, il a été jugé que l'article 815-13 du code civil est applicable, c'est-à-dire que la sur-contribution doit s'analyser en des dépenses nécessaires à la conservation du bien. Dans ce cas, il doit en être tenu compte " selon l'équité ".

S'agissant des partenaires pacsés, l'article 515-7 du code civil renvoie à l'article 1469 dans son ensemble. Les créances entre partenaires se calculent donc comme les récompenses.

Pour les concubins, le droit commun s'applique. Il faut distinguer selon que l'un des concubins a avancé l'apport personnel de l'autre lors de l'acquisition ou a remboursé seul le prêt. Dans le premier cas, si l'existence d'un prêt est démontrée, le principe du nominalisme monétaire s'applique. Dans le second, il sera fait application de l'article 815-13 du code civil. Une observation maintenant sur la qualification de donation

Cette qualification entraine la fiscalité applicable en la matière. Mais attention : les droits de donation sont dus lorsque la donation est révélée à l'administration fiscale, c'est-à-dire au moment où le couple décide dans l'acte de liquidation de qualifier le flux financier de donation.

Rappelons que la donation rémunératoire n'est pas fiscalement traitée comme une donation.

Un dernier mot sur la question de l'assurance du prêt. Elle a été réglée par un arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 2010. Deux concubins ont souscrits solidairement un emprunt en garantie duquel l'un d'eux a adhéré à une assurance-perte d'emploi pour la totalité du prêt. Le risque couvert se réalise ; l'assureur rembourse les échéances à la banque prêteuse. Lors de la vente, l'indivisaire assuré demande l'inscription sur son compte d'indivision des sommes réglées par l'assureur à la banque. La Cour de cassation décide que le versement effectué par l'assureur doit être inscrit au compte de l'indivisaire assuré sauf convention contraire.

 

Dernier principe à retenir : il faut anticiper le défaut de concordance

Les époux peuvent souhaiter au moment de leur acquisition être propriétaire chacun pour moitié alors qu'ils savent que le financement ne sera pas réalisé dans cette proportion et, ceci, pour des raisons qui leur appartiennent. Je conseille à mes clients d'anticiper les conséquences de cette situation. De la même manière, si l'un des indivisaires compte rembourser le prêt bancaire intégralement mais avec une volonté de restitution, il faut constater dans l'acte la créance et en déterminer les charges et les conditions de remboursement : la durée (avec la possibilité d'indiquer que la date d'exigibilité s'entendra de la vente du bien, du divorce, de la résiliation unilatérale du pacs ou de la rupture du concubinage), le taux éventuel, l'indexation et les modalités de remboursement.

Il est aussi fréquent que les clients ont souhaité au moment de l'acquisition rembourser le prêt bancaire dans les proportions indiquées dans l'acte mais finalement n'ont pas respecté ces proportions, l'un d'eux ayant connu par exemple une amélioration de sa situation financière. La seule solution qui s'offre pour anticiper cette situation est d'indiquer dans l'acte qu'en cas de flux financiers pendant l'indivision différents de ceux prévus initialement celui qui aura contribué plus que sa part soit en demandera le remboursement à l'autre soit renonce d'ores et déjà à en demander le remboursement. Selon la solution retenue, j'informe les parties que dans le premier cas, l'opération pourra être qualifiée le moment venu de remboursement de prêt et, dans le second cas de donation ou de contribution aux charges du mariage selon les justifications qui pourront être apportées à cette époque.