Des particuliers avaient donné à bail à une société des locaux au sein d’une résidence de tourisme. Suite à des loyers impayés de la part de la preneuse, les bailleurs lui ont successivement délivré plusieurs commandements de payer des loyers, visant la clause résolutoire inscrite aux baux.

La société s’était, le mois suivant, acquittée des loyers impayés mais pas des frais de poursuite visés à la clause résolutoire dans le temps imparti. Les bailleurs ont alors assignée la société preneuse en référé afin d’obtenir le paiement des frais de poursuite le 11 décembre 2018. La société s’est alors acquitté de ces frais le 14 juillet 2018.

Néanmoins, devant la cour d’appel, les bailleurs ont sollicité la condamnation de la société à leur payer à titre d'indemnité d'occupation une indemnité trimestrielle égale au loyer majorée de 50 %. La cour d’appel de Grenoble a alors fait droit à leur demande. Elle avait constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée dans les baux. De plus, elle avait ordonné l’expulsion de la société et l’avait condamné à verser à chaque bailleur une indemnité d’occupation trimestrielle égale au loyer avec majoration de 50 % et indexation selon le bail jusqu’à son départ effectif.

La société a alors contesté cette décision devant la Cour de cassation. Elle arguait notamment que l’application de la clause résolution par les bailleurs était de mauvaise foi, dans le seul but de se soustraire à son obligation de verser au preneur une indemnité d'éviction dédommageant la résiliation du bail. En effet, la société considérait que le défaut de paiement des frais de poursuite dans le délai imparti, alors que son paiement avait été effectué quelques jours plus tard et que ces sommes étaient dérisoires, caractérisait la mauvaise foi des bailleurs.

La Cour de cassation ne suit pas ici le raisonnement de la société. Elle fait une application stricte du droit en appliquant la clause résolutoire. Dans la mesure où la locataire n’avait pas payé les frais de poursuite dans le délai imparti, la clause résolutoire avait été mise en oeuvre de bonne foi par les bailleurs.

La société arguait également que l’application de la clause résolutoire portait une atteinte disproportionnée à son droit de propriété commerciale garantie par l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En effet, la mise en application de cette clause, qui ne sanctionne que le défaut de paiement des frais de poursuite dans le temps imparti, qui ne s’élevait que de 80 à 90 euros, ne pouvait être regardée que comme disproportionnée au regard de la CEDH.

La Cour de cassation rappelle ici que le droit de propriété commerciale protégé par la CEDH ne s'étend qu’au droit au renouvellement du bail commercial consacré par les articles L. 145-8 à L. 145-30 du code de commerce. Dès lors, l’acquisition de plein droit de la clause résolutoire par les bailleurs ne rentre pas dans le champ d’application de l’article 1er du protocole additionnel n°1 de la CEDH. Aucune violation ne peut être alléguée ici.

Enfin, s’agissant du paiement de l’indemnité d’occupation, la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel qui a violé l’article 809 du code civil (article 835 du code civil actuel) qui prévoit que  dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire  peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Le requérant arguait que ces dispositions ne permettaient au juge des référés de condamner une partie à verser des dommages et intérêts à son adversaire qu'à titre provisionnel et non à titre définitif.
Or, la Cour de cassation relève que l’arrêt attaqué a condamné la société requérante à verser à chaque bailleur une indemnité d'occupation trimestrielle égale au loyer avec majoration de 50 % et indexation selon le bail. La cour d’appel a donc excédé ses pouvoirs et violé le code de procédure civil. 

L’arrêt est cassé et annulé sur ce point uniquement.

Lire la décision dans son intégralité  https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043301999?init=true&page=1&query=20-13.639&searchField=ALL&tab_selection=all