Par cet arrêt, la Cour d'appel de REIMS est amenée à apprécier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement suite à un avis d’inaptitude.

CA REIMS, 29 septembre 2021, RG n° 21/00072  *

Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel de REIMS est amenée à apprécier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement suite à un avis d’inaptitude.

En la matière, quel que soit l’origine de l’inaptitude, les articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail font peser sur l’employeur une obligation de reclassement. Pour ce faire, l'employeur doit proposer au salarié déclaré inapte un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en ½uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Bien évidemment, en l’absence de poste disponible au moment de la période de recherche de reclassement, l’employeur n’a pas manqué à cette obligation légale (Cass. soc., 3 mars 2021, n° 19-22.091).

Pour des questions de preuve, il est préconisé de formuler toute proposition de reclassement par écrit, même si cela n’est pas obligatoire (Cass. soc., 8 juin 2017, n° 15-29.419).

Enfin, l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout poste dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de son obligation légale de recherche de reclassement (Cass. soc., 8 juin 2017, n° 16-10.791).

Au cas présent, il était question d’une salariée qui occupait un poste d'assistante juridique et responsable administrative dans une petite entreprise composée de trois salariés. Suite à deux visites médicales de reprise les 13 mars et 17 avril 2015, le médecin du travail l'a déclarée inapte à tous postes dans l'entreprise.

Son employeur l'a finalement licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Contestant son licenciement, elle a saisi les juridictions prud’homales.

La Cour d’appel de REIMS rappelle les règles précitées ainsi que le fait que la recherche de reclassement doit être réelle, sérieuse et loyale. Elle s'apprécie au regard de la taille de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient et de la position prise par le salarié déclaré inapte par le médecin du travail.

Il appartient ainsi à l'employeur qui prétend s'être trouvé dans l'impossibilité d'effectuer un tel reclassement d'en rapporter la preuve. Cette recherche de reclassement doit être mise en ‘½uvre de façon loyale et personnalisée.

En l'espèce, l'avis rendu le 17 avril 2015 par le médecin du travail est un avis d'inaptitude à tous les postes de l'entreprise. L'employeur n'appartenait pas à un groupe et n'avait donc pas à rechercher une solution de reclassement extérieur. Elle constate également que l'employeur était une toute petite structure composée de trois salariés au moment de la recherche de reclassement.

Au vu de ces éléments, les possibilités de reclassement étaient extrêmement limitées, voire inexistantes. Par ailleurs, en l’absence de Groupe et de CSE, et compte tenu de la taille de l’entreprise, ses diligences étaient également extrêmement limitées dans le cadre de ses recherches de reclassement.

Cependant, il ressortait du registre du personnel qu'un poste de secrétaire a été vacant du 1er au 14 mai 2015 inclus, soit pendant la période de recherche de reclassement. Or, ce poste n'a pas été proposé à la salariée et l'employeur n'expliquait pas en quoi un reclassement sur ce poste n'était pas envisageable. L'employeur n'avait pas interrogé la médecine du travail et ne démontrait pas que toutes les solutions ont été envisagées, notamment une transformation du poste de travail ou un aménagement du temps de travail.

Ainsi, ce n’est pas parce que l’entreprise est une toute petite structure qu’elle ne doit pas entreprendre des démarches en vue de reclasser le salarié inapte. Il se doit d’être dans une démarche pro-active, des obligations positives pesant sur lui.

Ainsi, dans l’hypothèse d’un poste disponible, l’employeur se doit de le proposer. S’il l’estime incompatible avec l’état de santé du salarié inapte, il doit en rapporter la preuve. Pour ce faire, le seul moyen est de solliciter le médecin du travail pour avoir son avis.

L’entreprise ne l’ayant pas fait dans le cas présent, et en l’absence de proposition à la salariée du poste disponible, celle-ci a manqué à son obligation légale de reclassement. Le licenciement est donc dénué de toute cause réelle et sérieuse ouvrant droit à la salariée à l’octroi de dommages et intérêt.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/


N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.