Quid du vendeur qui dissimule une information déterminante au détriment de l’acheteur lors de la vente d’un véhicule d’occasion ?

La vente de véhicule d’occasion obéit aux règles de droit commun des contrats.

En effet, dans le droit commun des contrats, un contrat n’est valable que s’il est légalement formé (article 1128 Code civil).

Concrètement, le consentement des parties au contrat ne doit pas être vicié.

Ainsi, le droit prévoit que le consentement peut être vicié en cas de dol.

A cet égard, l’article 1137 du Code civil défini le dol comme « le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man½uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ».

De plus, l’article 1112-1 du Code Civil a posé le principe d’une obligation d’information précontractuelle à la charge « des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».

Cependant, la vente de véhicules d’occasion donne naissance à un important contentieux entre les vendeurs et les acheteurs déçus de leur achat et dont le consentement a été vicié

Cependant la vente de véhicules d’occasion donne naissance à un important contentieux entre les vendeurs et les acheteurs déçus de leur achat et dont le consentement a été vicié.

En pratique, les vendeurs peuvent omettre volontairement ou involontairement de communiquer des informations essentielles à l’acheteur comme des réparations intervenues sur le véhicule ou l’existence d’un accident.

Sur ce point, la cour de cassation a jugé que la réticence dolosive est le « silence délibéré » gardé par un cocontractant au préjudice de l’autre cocontractant.

Ainsi, la Haute Cour considère que : « le dol peut être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter ».

En cas de dissimulation d’informations, l’acheteur peut demander et obtenir l’annulation de la vente.

A cet égard, le 7 juin 2021, la cour d’appel de Paris a prononcé la nullité d’une vente du fait de la réticence dolosive de la part du garage Audi.

En l’espèce, il s’agissait de l’achat d’une Audi auprès de la concession Audi à Saint-Thibault-des-Vignes.

Toutefois, malgré sa qualité de professionnel reconnu en matière de vente de voitures de luxe, celui-ci a cru pouvoir cacher des informations déterminantes sur l’historique du véhicule vendu.

Rapidement après la prise de possession du véhicule, l’acheteur a découvert des problèmes techniques.

Il a ainsi vainement tenté de faire valoir auprès d’Audi son droit de rétractation légal dans le délai de 14 jours et a sollicité la nullité de la vente pour vices cachés.

Néanmoins, les juges d’appel ont relevé que :

« Après avoir réclamé l’historique du véhicule, la société X a découvert que le véhicule avait fait l’objet de plusieurs interventions mécaniques et/ou de carrosserie contrairement à ce qu’indiquait le “Plan d’entretien Audi “ qui ne faisait mention que d’une intervention.

Le 13 mars 2018, à la suite du second contrôle technique du véhicule, le procès-verbal mentionnait la détérioration du dispositif antivol de direction.

Le 03 mai 2018, l’expertise amiable, menée contradictoirement, a révélé une réfection de peinture sur les pare- chocs avant et sur le capot, une légère usure intérieure des pneus avant, une absence de verrouillage de la colonne de direction ; molette MM1 défaillante et GPS et autres inutilisables ; une absence d’avancement du siège avant droit permettant l’accès aux places arrières. L’expert a également constaté une incohérence dans le kilométrage affiché lequel devait être en réalité de 70 050.

Après essai du véhicule, l’expert a relevé une vibration dont l’origine n’a pu être déterminée au cours d’un braquage à droite. L’expert a conclu qu’au vu des anomalies constatées, la résolution de la vente était justifiée. La société Paris Est Evolution a maintenu son refus d’annuler la vente. »

Au de-là de la mauvaise foi du vendeur, les juges d’appel n’ont pas manqué de constater qu’ :

« Il ressort des pièces communiquées que la société Paris Est Evolution lui a remis un plan d’entretien Audi erroné et ne l’a pas informée des interventions sur la mécanique et la carrosserie du véhicule au moment de la vente. » 

En outre, la cour d’appel a estimé que « le fait de choisir un établissement réputé en vente de véhicule d’occasion de la marque Audi démontre qu’elle avait choisi à dessein de faire confiance en l’expertise de l’établissement pour arrêter le choix du véhicule.»

La cour d’appel a rappelé que le vendeur est tenu de la « garantie de la chose qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ou qui en diminue tellement l’usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ».

Les juges ont donc conclu que :

« en sa qualité de professionnelle, ne pouvait ignorer les anomalies repérées par l’expert amiable. Elle ne les contredit pas. Elle les minore. Or, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, en agissant de la sorte la société Paris Est Evolution n’a pas satisfait à ses obligations contractuelles. Il lui incombait de présenter loyalement à l’acquéreur l’état réel du véhicule. Elle ne pouvait notamment pas occulter les anomalies concernant le véritable kilométrage, l’accident subi par le véhicule, son immobilisation prolongée et le problème de direction, fut-il mineur. Ces éléments pouvaient légitimement échapper à l’attention de l’acquéreur profane. De plus, si la société Optique Hayon Sonsino en avait eu connaissance, elle aurait renoncé à l’acquisition de ce véhicule, au prix affiché de 34.990 euros.

Il en résulte que la société Optique Hayon Sonsino rapporte suffisamment la preuve que la société Paris Est Évolution a commis une dissimulation intentionnelle sur l’état réel du véhicule. Cette réticence dolosive a eu pour effet de vicier le consentement de la société Optique Hayon Sonsino. Le jugement déféré sera donc infirmé et il sera fait droit à la demande de nullité de la vente pour vice du consentement

Il est intéressant de souligner que le vendeur tentait de justifier sa réticence dolosive par le fait que l’acheteur est un client commerçant.

Cet argument n’a pas été opérant devant les juges car le statut de commerçant ne justifie pas la compétence en matière automobile.

Il ressort donc de cette décision que les vendeurs professionnels de véhicules d’occasion sont tenus au respect d’une obligation d’information totale et complète de l’ensemble de l’historique des opérations et interventions effectuées sur celui-ci.

Cette obligation d’information est renforcée lorsque la vente de véhicule est réalisée auprès d’un concessionnaire de la marque concerné qui dispose naturellement de la connaissance de toutes ces informations au moment de la vente.

 

Je suis à votre disposition pour toute action ou information.

Anthony Bem
Avocat à la Cour