On classe souvent le régime de participation aux acquêts comme un régime séparatiste. Il est vrai que, dans le Code civil, il suit le régime de séparation de biens. Cependant, on pourrait tout aussi bine le classer comme régime communautaire.

C'est le régime légal du Danemark, de la Grèce, de l’Allemagne, de la Suisse ou encore de la Finlande. Avant la loi du 13 juillet 1965 instituant comme régime par défaut le régime de communauté réduite aux acquêts, il a été envisagé de l'instituer comme régime légal. C'est en effet un régime qui a de séduisant le fait qu'il favorise tout à la fois l'indépendance des époux (plus que le régime de la communauté légale) et leur égalité (plus que la régime de séparation de biens). Finalement, il n'a été introduit dans la loi de 1965 qu'à titre expérimental. On a en effet alors estimé que les règles du régime légal donnant une certaine autonomie aux époux dans la gestion des biens communs (Art. 1421 ) étaient suffisantes.

Pendant le mariage, le régime de participation aux acquêts présente des caractéristiques d'un régime séparatiste.

Au moment de la liquidation, il présente celles d'un régime communautaire.

Il est donc adapté pour les époux dont l'un exerce une activité professionnelle créant un risque financier mais qui souhaitent quand même s'enrichir de manière équilibrée.

Durant le mariage, « ce régime fonctionne comme si les deux époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens » (Code civil, art. 1569) : il existe donc deux masses de biens propres et les deux masses de dettes corrélatives. Ainsi :

  • Les dettes de chaque époux n'engagent que ses biens personnels. Les exceptions sont les mêmes qu’en matière de séparation de biens : les dettes ménagères, l’IR, l’ISF et la taxe d’habitation du foyer familial.
  • Les pouvoirs sur les deux patrimoines sont totalement séparés. Chaque époux en conserve « l’administration, la jouissance et la libre disposition » (Code civil, art. 1569), avec les mêmes nuances que dans le régime de séparation de biens (cf. section suivante).

Le régime matrimonial de participation aux acquêts prend toute son originalité au moment où il prend fin. D’ailleurs, les articles 1570 à 1581 y sont consacrés.

A la liquidation du régime matrimonial, chacun des époux participe à l’enrichissement de l’autre. Chacun bénéficie d’une « créance de participation » qui correspond à la moitié de l’enrichissement de son conjoint.

Il faut mesurer l’enrichissement net de chaque époux. On le fait en faisant la différence entre le patrimoine final et le patrimoine originaire (« final » et « originaire » sont les termes employés dans le Code civil), en tenant compte de l’actif et du passif de chaque masse.

 

Quelques détails

 Le patrimoine originaire

 

  • Code civil, art. 1570 : Le patrimoine originaire est composé des biens qui seraient qualifiés de propre dans le régime légal, c'est-à-dire ceux dont il est propriétaire par nature, ceux dont il est propriétaire avant le mariage et ceux acquis pendant le mariage par voie de succession ou donation. Il faut être vigilant a bien établir la liste des biens possédés avant le mariage. Les lacunes dans l’établissement de cette au moment de la signature du contrat de mariage sont très souvent sources de grandes difficultés au moment de la liquidation. En effet, en cas de liste absente ou incomplète, on apporte la preuve de sa propriété dans les conditions de l’article 1402 du Code civil, c'est-à-dire qu’il est présumé être un acquêt sauf preuve contraire.
  • Code civil, art. 1571 : Concernant la consistance des biens, on se place au jour du mariage ou de l’acquisition. Concernant la valeur des biens, on retient celle au jour de la liquidation. S’ils ont été vendus, on retient le prix de la vente. S’ils ont été remplacés, on retient la valeur du bien de remplacement.

 Le patrimoine final

  • Code civil, art. 1572 : Le patrimoine final se compose de l’ensemble des biens dont l’époux est propriétaire au jour de la dissolution.
  • Code civil, art. 1573 : On y ajoute les acquêts dont l’époux a disposé entre vif sans le consentement de son conjoint et ceux qu’il aurait vendus frauduleusement. Ceci est fait pour éviter qu’un époux soit tenté de vider son patrimoine dans le but de préjudicier à l’autre époux.
  • Code civil, art. 1574 : Concernant la consistance des biens, on se place au jour de la dissolution. Concernant la valeur des biens, on retient celle au jour de la liquidation. En effet, la date de la liquidation sera souvent bien postérieure à celle de la dissolution (qui va être par exemple la date des effets du divorce ou celle du décès de l’époux).

Enrichissement

  • Code civil, art. 1575 : On soustrait le patrimoine originaire du patrimoine final. Si le résultat est négatif, l’époux supporte seul le déficit. Si le résultat est positif, le solde obtenu représente l’enrichissement (les « acquêts nets » dit le texte). On fait la différence entre les deux enrichissements et l’époux le moins riche a une créance dite de participation correspondant à la moitié de cette différence sur l’époux le plus riche.

 

 
 

 Par exemple, si :

  • Au moment du mariage, l’époux A est riche de 100 000 euros et que l’époux B est riche de 200 000 euros ;
  • Au moment de la liquidation, par exemple en raison d’un divorce, l’époux A est riche de 400 000 euros et que l’époux B est riche de 300 000 euros ;

Cela signifie que l’époux A s’est enrichi de 300 000 euros pendant la durée du mariage, alors que l’époux B ne s’est enrichi que de 100 000 euros. Pour que l’objectif d’égalité d’enrichissement soit atteint, il faut donc que chacun des deux époux se soit enrichi de (300 000 + 100 000)/2 = 200 000 euros.

En conséquence, l’époux B a une créance de participation de 100 000 euros sur l’époux A. Autrement dit, à l’issue des opérations de liquidation du régime matrimonial, l’époux A devra verser 100 000 euros à l’époux B.

Attention : il est possible d’aménager ce régime matrimonial par contrat de mariage. Celui-ci peut par exemple stipuler que les biens professionnels seront exclus du calcul de la créance de participation. Dans ce cas, si un époux s’est enrichi en créant une société commerciale dont les parts ont, au moment de la liquidation, une valeur importante, il n’en sera pas tenu compte au moment de la liquidation pour le calcul d’une éventuelle créance de participation. Ainsi, un tel aménagement conventionnel du régime de participation aux acquêts peut vider celui-ci d’une bonne partie de son objectif initial d’égalité.

 

Marc-Olivier HUCHET

Docteur en droit

Maître de conférences à l’Université de Caen Normandie

Avocat au Barreau de Rennes