Dans un arrêt du 02 mars 2022 (n° 20-14.099), publié au bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation a clarifié les relations entre la résiliation judiciaire et le licenciement lorsque les faits reprochés à l’employeur par le salarié ont été régularisés postérieurement au licenciement.  

Dans cette affaire, le salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une action en résiliation judiciaire du contrat de travail, au motif notamment du non-paiement d’heures supplémentaires.

Il a été licencié pour faute grave six mois après la saisine du Conseil de prud’hommes, lequel a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, qui a fait appel de la décision.

La cour d’appel a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail et de sa demande en paiement d’heures supplémentaires.

L’arrêt retient que le manquement tenant au défaut de paiement d’heures supplémentaires doit être écarté, compte tenu notamment de la démarche de régularisation effectuée par l’employeur avant même que le conseil ne statue, de sorte qu’un éventuel contentieux résiduel sur ce point n’empêchait pas la poursuite du contrat de travail.

Le salarié a formé un pourvoi en cassation, prenant compte du fait que le non-paiement des heures supplémentaires durant quatre années constitue un manquement grave de l’employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail et que la régularisation intervenue après le prononcé du licenciement, en fin de contrat, n’a pu rendre possible la poursuite du contrat de travail.

La Cour de cassation devait donc trancher la question de savoir si la régularisation des faits litigieux (en l’espèce, le paiement des heures supplémentaires) postérieurement au licenciement était de nature à rendre injustifiée la demande préalable de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Pour répondre à cette problématique, la Cour de cassation commence par rappeler sa position de principe en cas de licenciement postérieur à la demande de résiliation judiciaire : lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, et qu’il est licencié ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée (Cass. Soc., 7 décembre 2011, n° 07-45.689 ; Cass. Soc., 10 mai 2012, n° 10-21.690).

Ce n'est que si le juge estime la demande de résiliation judiciaire injustifiée qu'il doit examiner les motifs présidant au licenciement du salarié (Cass. Soc., 16 février 2005, n° 02-46.649 ; Cass. Soc., 7 février 2007, n° 06-40.250).

La Cour de cassation apporte dans cet arrêt une précision importante : pour apprécier si les manquements de l’employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu’à la date du licenciement.

Dès lors, toute régularisation intervenue après le licenciement n’a aucun effet sur la justification de la demande de résiliation judiciaire. Autrement dit, les juges du fond n’ont pas à prendre en considération la disparition des manquements de l’employeur postérieurement au licenciement pour apprécier la justification de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

En l’occurrence, la circonstance que l’employeur ait régularisé le paiement des heures supplémentaires postérieurement à la rupture du contrat de travail n’affecte pas la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

A l’inverse, dans l’hypothèse où le contrat de travail n’est pas rompu, la régularisation par l’employeur des manquements litigieux doit en principe entraîner le rejet de la demande de résiliation judiciaire.

 

Il a ainsi été jugé que le règlement par l’employeur, en cours de procédure, de l’arriéré dû au titre des heures supplémentaires ne permet pas de justifier la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail (Cass. Soc., 28 novembre 2018, n° 17-22.724). Il en est de même en matière de défaut de fourniture du travail, manquement régularisé en cours de procédure (Cass. Soc., 29 janvier 2014, n° 12-24.951).

Le licenciement marque donc non seulement la fin du contrat de travail, mais aussi la date à partir de laquelle la régularisation des manquements par l’employeur n’aura plus aucun effet sur la justification d’une demande de résiliation judiciaire, qui, si elle est jugée bien fondée, doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, nonobstant le bien fondé du licenciement postérieur prononcé par l’employeur.

 

Jérémy DUCLOS

Avocat

Spécialiste en droit du travail