L’agent immobilier est-il tenu de vérifier la solvabilité de l’acquéreur qu’il présente aux vendeurs et doit-il au besoin conseiller à ce dernier de prendre des garanties ou de les mettre en garde contre le risque d’insolvabilité de l’acquéreur ? Quelles sont les obligations de conseil et de mise en garde qui pèse sur l’agent immobilier lorsqu’il prête son concours à la rédaction du compromis de vente ?

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en décembre dernier et qui vient aborder la question de la responsabilité de l’agent immobilier lorsque celui-ci a vocation à s’intéresser à la solvabilité de l’acquéreur qu’il présente à son vendeur.

Étant précisé que dans pareil cas, l’agent immobilier ne manque pas « d’ingéniosité » pour tenter d’échapper à sa responsabilité et soutenir qu’il ne saurait y avoir de responsabilité au motif pris que l’agent ne dispose pas de plus de moyens qu’un simple particulier pour contrôler la solvabilité réelle de l’acquéreur qu’il a présenté au vendeur,

Pour autant, l’agent immobilier doit-il procéder aux vérifications de solvabilité de l’acquéreur ? doit-il conseiller à son client vendeur de prendre de garanties ou de se prémunir contre le risque d’insolvabilité de l’acquéreur.

 

Quels sont les faits

Le 30 août 2014, les consorts M., les vendeurs, ont confié à la société S., l’agent immobilier, le mandat de vendre un bien de 160 000 ¤ moyennant une rémunération de 10 000 ¤.

Ce qui n’est pas rien, 

Et peut amener l’agent immobilier à quelques vérifications de rigueur…… sic, 

Le 22 septembre 2014, ils ont alors signé par l’intermédiaire dudit agent immobilier une promesse synallagmatique de vente avec Monsieur J., l’acquéreur, lequel a déclaré ne pas avoir à recourir à un emprunt pour acquérir le bien.

Par suite, et le 16 décembre 2014, date prévue pour la réitération de la vente par acte authentique, l’acquéreur ne s’est pas présenté, ni le lendemain, alors que le compromis de vente prévoyait une clause pénale de 17 000 ¤ outre les honoraires de 10 000 ¤ à l’agent immobilier.

L’engagement n’ayant pas été exécuté, les vendeurs n’ont pas eu d’autre choix que d’assigner l’acquéreur mais aussi l’agent immobilier en indemnisation.

 

Quelle responsabilité pour l’agent immobilier ? 

Comme de rien, dans le cadre de la procédure judiciaire, l’agent immobilier entend décharger sa responsabilité mais s’exonérer de sa responsabilité en considérant que ce dernier, en qualité d’agent immobilier, avait pour mission de mettre en contact vendeur et acquéreur potentiel, ce que dernier a fait en un temps réduit puisque le compromis de vente a été signé le 22 septembre 2014 alors que le mandat de vente n’avait été donné que le 30 août précédent.

Dès lors, il ne saurait être fait grief à ce dernier qui a obtenu l’accord des volontés entre les parties de n’avoir pas attiré l’attention sur l’âge de l’acquéreur (25 ans), sa situation de célibat, sa profession de cariste magasinier et sur le fait que celui-ci a déclaré ne pas avoir recours à un emprunt pour acquérir le bien immobilier.

L’agent immobilier s’exonérant encore de sa responsabilité en rappelant que ces éléments n’ont jamais été dissimulés aux vendeurs, qu’ils sont toujours demeurés libres de ne pas contracter s’ils estimaient que les garanties offertes n’étaient pas suffisantes.

L’agent immobilier considérant que les vendeurs étaient évidemment au courant de ces éléments qui figuraient sur l’acte préparatoire et qu’ils ont accepté et dès lors en connaissance de cause.

L’agent immobilier se retranchant enfin derrière le fait également que ce dernier ne disposait pas de plus de moyens qu’un simple particulier pour contrôler la solvabilité réelle de l’acquéreur, lequel avait déclaré ne pas avoir recours à un emprunt bancaire.

Situation rare, il est vrai, mais pouvant être justifiée par l’existence d’un prêt familial, d’un patrimoine acquis précédemment ou reçu par héritage.

De telle sorte que pour l’agence immobilière sa responsabilité professionnelle n’était nullement établie et qu’il n’y avait donc absolument pas lieu à les condamner au paiement de dommages et intérêts et que leur préjudice certain causé aux vendeurs dans l’attitude irresponsable de l’acquéreur.

Dernier argument encore de l’agence immobilière était de rappeler que le préjudice causé aux vendeurs par l’attitude irresponsable de l’acquéreur était entièrement réparé par la clause pénale rappelée dans l’acte, soit la somme de 17 000 ¤.

Pour autant, la position des vendeurs est toute autre, et force est de constater que l’agent immobilier engage sa responsabilité.

 

L’obligation de vérifier la solvabilité de l’acquéreur

En effet, il y a lieu de considérer comme une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l’égard de son client, l’agent immobilier qui prête son concours à la rédaction d’un compromis de vente, après avoir été mandaté par le vendeur, sans vérifier la solvabilité de l’acquéreur qui lui a été présenté.

Dès lors, c’est à bon droit que les vendeurs font grief à l’arrêt de la Cour d’Appel d’avoir considéré qu’il ne saurait être fait grief à l’agent immobilier de n’avoir pas attiré l’attention des vendeurs sur l’âge de l’acquéreur, sa situation de célibat et sa profession de cariste magasinier, ni sur le fait que celui-ci avait déclaré ne pas avoir recours à un emprunt pour acquérir le bien immobilier.

La cassation s’impose. 

 

Quelles obligations accessoires pour l’agent immobilier ? 

Dès lors, la mission de l’agent immobilier n’est pas limitative.

Il convient de s’interroger sur le fait de savoir si oui ou non le travail de l’agence immobilière consistait à une simple mise en relation, entre vendeurs et acheteur, ou est-ce qu’en sa qualité de professionnel immobilier il appartenait à l’agent immobilier qui prêtait son concours à la rédaction du compromis de vente de vérifier lui-même la solvabilité de l’acquéreur afin de conseiller au mieux ses clients ?

 

L’agent immobilier et l’obligation de conseil et de mise en garde

Il convenait effectivement de ne pas exclure l’obligation de conseil qui pèse sur l’agent immobilier, dans la mesure où il appartient à l’agent immobilier, en qualité de professionnel de l’immobilier, qui prête son concours à la rédaction du compromis de vente de faire peser sur ses épaules l’obligation de conseiller ses clients.

Et dès lors, de s’assurer de la solvabilité de l’acquéreur qu’il leur avait présenté ou à tout le moins de les alerter sur les risques encourus s’il ne pouvait vérifier la réalité des déclarations de l’acquéreur, ce qui est quand même important.

La Cour de cassation rejoint cette analyse. 

En effet, la Haute juridiction considère que l’agence immobilière engage sa responsabilité au titre des obligations de conseil et de mise en garde.

Ainsi, la Cour d’Appel aurait dû retenir que l’agent immobilier, qui n’a pas justifié avoir conseillé aux vendeurs de prendre des garanties ou de les avoir mis en garde contre le risque d’insolvabilité de l’acquéreur, engage clairement sa responsabilité.

Dès lors, c’est à tort que pour rejeter la demande dirigée contre l’agent immobilier, la Cour d’Appel a retenu que si l’acquéreur âgé de 25 ans, célibataire, cariste magasinier a déclaré ne pas avoir recours à un emprunt pour acquérir le bien, ces éléments figurant à la promesse de vente n’ont jamais été dissimulés aux vendeurs qui les ont acceptés et sont toujours demeurés libres de ne pas contracter s’ils estimaient que les garanties offertes n’étaient pas suffisantes et que l’agent immobilier ne dispose pas de plus de moyens qu’un simple particulier pour contrôler la solvabilité réelle de l’acquéreur.

 

L’obligation de vérification de solvabilité de l’acquéreur

Cette jurisprudence est salutaire puisqu’elle rappelle les conditions dans lesquelles l’agent immobilier, professionnel immobilier, a l’obligation d’accompagner ses clients vendeurs dans le cadre de la rédaction du compromis de vente dans lequel il apporte son concours.

Dès lors, son travail ne consiste pas en une simple mise en relation entre vendeurs et acheteur mais il doit également conseiller utilement ses clients et, par la même, s’assurer de la solvabilité de l’acquéreur qu’il aura présenté et, à défaut, il doit à tout le moins les alerter sur les risques encourus s’ils ne pouvaient vérifier la réalité des déclarations de l’acquéreur.

Dès lors, il pèse bien sur les épaules de l’agent immobilier une responsabilité claire au titre des obligations de conseil et de mise en garde quant à l’obligation de vérifier la solvabilité de l’acquéreur.

C’est donc à bon droit que la Cour de Cassation rappelle, au visa de l’article 1147 du Code Civil, que l’agent immobilier est tenu de vérifier la solvabilité de l’acquéreur qu’il présente aux vendeurs et doit, au besoin, conseiller à ce dernier de prendre des garanties ou de le mettre en garde quant au risque d’insolvabilité de l’acquéreur.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE

Avocat, Docteur en DroiT