La question de la révocation d'un testament pour cause de trahison en droit français est un sujet complexe et intéressant à explorer. Le droit français offre des dispositions précises en matière de testaments et de successions, mais la révocation d'un testament pour cause de trahison n'est pas explicitement prévue par les normes juridiques.

Le testament est un acte juridique par lequel une personne, appelée testateur, exprime ses volontés quant à la destination de ses biens après son décès. En France, pour qu'un testament soit valide, il doit respecter certaines formalités légales et être rédigé en conformité avec la loi. Pour révoquer un testament en droit français, il existe des motifs spécifiques prévus par la loi.

Ces motifs peuvent inclure des vices de forme, tels que des irrégularités dans la rédaction ou la signature du testament, ou encore des vices de consentement, tels que la contrainte ou la manipulation exercée sur le testateur au moment de la rédaction du testament.

Cependant, la trahison en tant que telle n'est pas considérée comme une cause directe de révocation d'un testament en droit français. La loi ne prévoit pas spécifiquement la trahison comme motif d'annulation d'un testament.

Il est important de souligner que chaque situation est unique et peut être soumise à une interprétation juridique spécifique. Si vous êtes confronté à une situation où vous pensez qu'un testament devrait être révoqué en raison de la trahison d'un bénéficiaire, il est recommandé de consulter un avocat spécialisé en droit des successions. Un avocat pourra examiner les faits de votre affaire et vous conseiller sur les mesures appropriées à prendre en fonction des lois et des précédents juridiques existants.

I. Comment annuler un testament ?

Le testateur est toujours libre de révoquer son testament, sans avoir à fournir quelque motif que ce soit. La révocabilité est d’ordre public. Le testateur ne peut donc pas y renoncer par avance. Il s’agit en outre d’un droit discrétionnaire, insusceptible d’abus.

La révocation du testament est expresse lorsqu’elle est manifestée explicitement et en tant que telle par un acte juridique du testateur.

Elle doit être faite (Code civil, article 1035) :

  • soit par une disposition expresse d’un nouveau testament (le nouveau testament ne prenant pas nécessairement la même forme que celui qu’il révoque) ;
  • soit par un acte notarié ordinaire portant déclaration de changement de volonté. L’acte doit alors être reçu par deux notaires (ou par un seul notaire assisté de deux témoins).

La révocation tacite d’un testament ne peut résulter que de trois causes :

  • la rédaction d’un nouveau testament dont les dispositions sont incompatibles avec les premières (par exemple, un bien initialement légué à X est légué à Y par le nouveau testament) ;
  • l’aliénation volontaire du bien légué, qui emporte présomption simple de révocation (Code civil, article 1038) ;
  • la destruction volontaire du testament par le testateur, hypothèse qui concerne en pratique le testament olographe.

Ces causes sont limitatives, jugeant que la révocation tacite ne peut résulter de l’incompatibilité du testament avec une donation postérieure).

II.  L’état mental du testateur

Aux termes de l’article 901 du Code civil, pour faire un testament, il faut être sain d’esprit. En conséquence, un individu doit jouir de la plénitude de ses facultés intellectuelles, pour être capable de tester valablement. Il s’agit, en cette matière, d’une condition essentielle.

Aux termes de l’article 902 du Code civil, toutes personnes peuvent disposer et recevoir soit par donation entre vifs, soit par testament, excepté celles que la loi en déclare incapables.

Toutefois, il peut arriver qu’un testament soit annulé dans le cas où le testateur n’est pas sain d’esprit ou si son consentement a été vicié, comme le dispose l’article 901 du Code civil.

L’insanité d’esprit se définit comme « toutes les variétés d’affections mentales par l’effet desquelles l’intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée. »

L’insanité d'esprit ne doit pas être confondue avec l'altération des facultés mentales, cause d'ouverture d'une mesure de protection, même si, dans certaines circonstances, les deux notions peuvent se recouper.

L'insanité d'esprit peut se définir comme une affection mentale qui obnubile l'intelligence du disposant ou qui porte atteinte à sa faculté de discernement. Elle emporte l'incapacité pour le disposant de manifester une volonté lucide.

Cette dernière doit être établie au moment de la rédaction de l’acte pour constituer un motif d’annulation des libéralités. Elle sera souverainement appréciée par les juges du fond.

La nullité du testament fondée sur l’insanité d’esprit de son auteur est relative et ne peut être demandée que par les successeurs universels légaux ou testamentaires et non par un légataire particulier.

La preuve de l'insanité d'esprit est établie lorsque l'auteur du testament était dans un état habituel de démence avant et après la passation de l'acte litigieux, à charge pour les bénéficiaires du testament d'établir que l'auteur de l'acte a agi dans un intervalle de lucidité au moment de la rédaction du testament (arrêt du 4 février 1941).

Concernant les actes passés avant une mise sous tutelle, la Cour de cassation prévoit une présomption d’insanité d’esprit si le testament a été réalisé alors que la personne se trouvait déjà dans les conditions justifiant la mise sous tutelle.

Elle a réaffirmé cette position dans un arrêt du 6 janvier 2010 rendu en sa première chambre civile.

III. Le régime de protection : une preuve de l'insanité d'esprit ?

Plus récemment, la Cour d’appel de Montpellier dans un arrêt du 8 octobre 2020 (pourvoi n° 16/02793) a également fait application de cette jurisprudence en estimant que la cause médicale ayant conduit à un placement sous tutelle, était existante au moment de la conclusion de l’acte.

Ainsi dans cet arrêt du 11 avril 2023, une femme décède, laissant, à défaut de conjoint survivant ou d’héritier réservataire, ses frères et sœurs, vivants ou représentés. Prolixe, elle a, de son vivant, rédigé quatre testaments : dans les deux premiers, elle institue un de ses frères légataire universel ; dans le troisième, elle révoque les précédents tout en réitérant le legs universel au profit de son frère ; enfin, dans son quatrième, elle annule son deuxième testament : « Je soussignée (…) annule mon testament daté du 16 février 2008 (…) Motif : Hospitalisée au printemps 2010, puis en convalescence (…) mon frère s’est contenté de faire appel à un juge des tutelles pour faire adopter à mon endroit un mandat de protection future me privant, depuis, de toute liberté élémentaire, sans même en aviser un conseil de famille, trahissant de cette façon la confiance que je lui accordais précédemment. (…) »

Le frère déchu conteste la validité de ce dernier testament pour insanité d’esprit, sans succès auprès du tribunal judiciaire, qui décide que ce dernier testament a non seulement révoqué expressément le deuxième, mais est également incompatible avec la partie du troisième en ce qu’il a réitéré la désignation du frère en qualité de légataire universel (C. civ. art. 1036).

La cour d’appel confirme (11 avril 2023 Cour d'appel de Versailles RG n° 21/03587.  Elle relève que le dernier testament n’a pas été dénaturé par le tribunal, la testatrice y exposant clairement son motif pour révoquer son deuxième testament, à savoir la trahison de son frère ; laisse voir que la testatrice ne souhaitait plus que son frère soit son légataire universel du fait de l’intervention de celui-ci pour la placer sous un régime de protection.
Le troisième testament, qui contient comme disposition principale l’institution de ce frère en tant que légataire universel, est donc indiscutablement incompatible avec les dernières volontés de la défunte.

 

Sources :

  1. Cour-d'appel_n°2103587_11_04_2023.pdf
  2. Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 20 septembre 2006, 04-20.614, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  3. Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 17 février 2004, 01-15.223, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  4. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 10 mai 2007, 05-14.366, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  5. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 juin 2018, 17-14.461 17-14.554, Inédit - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  6. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 29 mai 2019, 18-16.233 18-16.339 18-17.344, Inédit - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  7. Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 30 novembre 2004, 02-20.883, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  8. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 8 juillet 2015, 14-18.875, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  9. Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 25 mai 1987, 85-18.684, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  10. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 février 2010, 08-21.927, Inédit - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  11. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 24 mai 2007, 06-16.957, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  12. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 janvier 2010, 08-14.002, Inédit - Légifrance (legifrance.gouv.fr)