Cet article ou cas pratique à vocation à expliquer comment le droit français protège le droit des héritiers réservataires à certaines conditions, même si la loi étrangère a vocation a s'appliquer dans une succession internationale.

Protection de la réserve héréditaire dans les successions internationales

En France, les héritiers sont protégés par la réserve héréditaire laquelle signifie qu’une partie du patrimoine de leur parent leur reviendra de droit !

Pourtant dans les faits :

Certains d’entre eux n’ont pas eu grâce aux yeux du défunt , le benjamin est préféré à l’aîné , la cadette a décidé d’exercer un métier ou d’épouser un mari  différent de celui auquel ses auteurs avaient aspiré pour elle…

Bernadette ressemble trop à sa mère dont le père a divorcé, ou au facteur que sais-je encore !

Plus sérieusement, l’article 913 du Code civil, relatif au taux de la quotité disponible, nous précise que si le défunt a un enfant , il peut transmettre la moitié de son patrimoine à la personne de son choix .

Son fils ou sa fille unique qui pensait être seul(e) à recevoir le gâteau , devra partager car notre de cujus a rédigé un testament  de son vivant, au profit d’un tiers (succession testamentaire).

En présence de deux enfants, le parent léguera un tiers de son patrimoine à qui bon lui semble.

Si d’aventure, il a donné naissance au moins à 3 enfants, seul le quart de son patrimoine pourra revenir à un étranger (sa concubine, sa voisine, une association) ou accroîtra la part d’un de ses enfants : son préféré.

Tous les pays ne connaissent pas l’institution de la réserve héréditaire ; les pays Anglo saxons (Angleterre , Etats Unis) etc.

Dans ces pays, tous les biens appartenant au défunt peuvent revenir en toute légalité, à des étrangers.

Pourquoi : la loi française n’a pas vocation à s’appliquer dans tous les Etats.

Si notre célèbre chanteur Johnny Hallyday, de nationalité française s’est domicilié au Etats Unis avant de décéder, ce n’est pas un hasard !

Prenons un exemple concret :

Tom, veuf depuis plus de 8 ans, sujet de sa majesté Charles III, est reparti vivre à Londres au décès de sa femme.  

De son union avec feu Marguerite, il a eu quatre filles, toutes majeures, de nationalité française et résidentes françaises.  Il a refait sa vie avec sa voisine de palier, devenue sa compagne. Aussi décida-t-il de son vivant, d’instituer Amber, légataire universelle.

Qui va hériter ? Les enfants français protégés par la réserve héréditaire ou  Amber, la compagne britannique vivant en Angleterre ? Rappelons que le droit anglais méconnaît l’institution de la réserve héréditaire.

Si le droit anglais s’applique, les enfants seront déshérités !

Le patrimoine  de Tom comprend :

  • Un appartement à Londres estimé à 1.400 000 ¤ au décès ;
  • une villa à Saint Tropez, estimée à 1.500 000 ¤ au décès ;
  • des comptes en banque en Angleterre pour un montant de 80 000 ¤ ;
  • des comptes en banque en France pour 25 000 ¤.

La succession de Tom est régie en principe par le droit anglais, loi de la résidence habituelle du défunt, pour l'ensemble des biens, en application du règlement européen précité.

Néanmoins, les règles de conflit anglaises désignent pour les immeubles la loi du lieu de situation. Loi française pour la villa tropézienne.

Ouf, les enfants n’ont pas tout perdu …

Attention si Tom avait eu quelques connaissances du Droit, il aurait pu désigner la loi anglaise pour le règlement de sa succession dans son testament.

En application de l'article 22 du règlement européen, la totalité de sa succession eut été soumise à la loi anglaise.

Concrètement il reste aux enfants leurs yeux pour pleurer.

Le droit anglais ne connait pas la réserve héréditaire, la succession de Tom est soumise à la loi anglaise, laquelle permet à la compagne d’hériter de la totalité du patrimoine.

Désormais il existe un CORRECTIF à cette injustice :  l’alinéa second de l’article 913 du code civil français

L’article 24 de la loi n° 2021-1109 confortant le respect des principes de la République publiée le 25 août 2021 prévoit un prélèvement compensatoire dans le cadre des successions internationales, lorsque la loi applicable à la succession exclut la réserve héréditaire

Le but est de permettre à un enfant d’hériter, quand une loi étrangère est applicable à la succession de son parent laquelle, méconnait l’existence de la réserve héréditaire.

Le législateur français à crée l’institution du prélèvement compensatoire

 

Grâce à ce mécanisme, récemment en vigueur, des enfants lésés par la loi étrangère applicable nés depuis le 1 er novembre 2021, vont pouvoir malgré tout hériter donc  recevoir la contrevaleur de leur réserve individuelle !

Comment : grâce aux biens situés en France (une des conditions)

Le montant du prélèvement doit correspondre à la réserve du descendant calculée comme si la succession était en totalité régie par la loi française.

 

Trois conditions doivent être réunis pour faire jouer le mécanisme du prélèvement compensatoire, elles sont précisées dans le nouvel alinéa de l’article 913 du Code Civil 

Il précise  : « Lorsque le défunt ou au moins l'un de ses enfants est, au moment du décès, ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou y réside habituellement et lorsque la loi étrangère applicable à la succession ne permet aucun mécanisme réservataire protecteur des enfants, chaque enfant ou ses héritiers ou ses ayants cause peuvent effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens existants situés en France au jour du décès, de façon à être rétablis dans les droits réservataires que leur octroie la loi française, dans la limite de ceux-ci ».

1/ L'existence de biens situés en France est nécessaire pour l'exercice de ce droit

2/ Il faut un lien de rattachement avec un État membre de l'Union européenne.

La loi exige en effet que soit le défunt, soit au moins l'un des enfants, soit ressortissant ou résident habituel d'un État membre au moment du décès.

3/ Les droits accordés aux descendants par la loi étrangère applicable à la succession : le droit de prélèvement compensatoire s'applique aux successions internationales régies par le règlement européen n° 650/2012 et qui sont soumises à une loi étrangère ne permettant « aucun mécanisme réservataire protecteur des enfants ».

Les pays de Common Law ne connaissent pas la réserve fort heureusement beaucoup d’entre eux appliquent le mécanisme du renvoi,  à la loi du lieu de situation des biens immobiliers. Mais pas tous !

Nous ne pouvons, partisans de la réserve héréditaire, que nous féliciter de cette création législative française.

Cette dernière pourra aussi s’appliquer à toutes les femmes victimes de la Charia si elles remplissent les trois conditions précitées.

 Elles pourront ainsi hériter comme leurs frères !


Me VIRGINIE  GOMEZ