Les créances salariales nées de la requalification du contrat de travail d'un salarié intervenue parallèlement au transfert d'entreprise sont à la charge exclusive du nouvel employeur.
Soc. 27 mai 2020, F-P+B, n° 19-12.471
S'inspirant d'une disposition du droit allemand en vigueur en Alsace-Moselle, la loi du 19 juillet 1928 a introduit en droit français le maintien obligatoire du contrat de travail avec le nouvel employeur en cas de transfert d'entreprise. Dans le souci de protéger les salariés contre les aléas de la vie de leur entreprise, les contrats de travail conclus avec le cédant sont de plein droit transmis au repreneur, ce qui constitue une exception de taille au principe de l'effet relatif des conventions (C. civ., art. 1199) et assure la stabilité de l'emploi par-delà les cessions d'entreprise. Ce principe, qui a désormais son siège à l'article L. 1224-1 du présent code, a été assorti de corollaires notamment sous l'influence notable du droit européen.
Près d'un demi-siècle après l'intervention du législateur français, ce souci d'éviter que les salariés ne perdent leur emploi chaque fois que leur entreprise est l'objet d'un transfert a trouvé un écho en droit européen. Les autorités européennes ont adopté en 1977 une directive (Dir. no 77/187/CEE du 14 févr. 1977, modifiée pour la première fois par la Dir. no 98/50/CE du 29 juin 1998, codifiée par la Dir. no 2001/23/CE du 12 mars 2001) dont l'objectif est également de «protéger les travailleurs en cas de changement de chef d'entreprise en particulier pour assurer le maintien de leurs droits».
La subordination du droit interne au droit européen résultant de l'article 55 de la Constitution a non seulement obligé le législateur à transposer ces directives et ainsi à compléter le traitement légal de la situation des salariés d'une entreprise objet d'un transfert, mais a aussi contraint les juges à interpréter ces textes «à la lumière» des directives, telles qu'éclairées par la jurisprudence de la CJUE, particulièrement prolixe en la matière.
C'est ainsi sous l'impulsion du droit européen que la loi no 83-528 du 20 juin 1983 a instauré une solidarité entre employeurs successifs afin de préserver la situation financière des salariés transférés.
Quant aux conditions du transfert des contrats, elles ont donné lieu à de nombreuses joutes interprétatives entre juges français et européens, la Cour de cassation se rangeant toujours, par nécessité, aux interprétations de la CJUE, à l'exception notable de la jurisprudence relative aux «secteurs dits de main-d'½uvre» (V. note 40 ss. art. L. 1224-1). C'est ainsi que la Cour de cassation a été contrainte de modifier sa jurisprudence pour admettre l'application de la règle aux transferts d'entreprise du secteur privé vers le secteur public (V. note 28 s. ss. art. L. 1224-1) avant que le législateur ne se saisisse de cette question d'abord dans la loi no 2005-843 du 26 juillet 2005 puis dans celle du 3 août 2009 (L. no 2009-972) qui a également encadré la situation inverse (transfert du secteur public vers le secteur privé). Il en va de même s'agissant de l'abandon de l'éphémère exigence d'un lien de droit entre employeurs successifs pour l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail.
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