Un supermarché et son gérant ont été cités devant le tribunal de police pour y répondre du chef de mise en place illégale du travail de nuit dans une entreprise. L’enquête a en effet permis d’établir que des salariés avaient été employés pendant plusieurs mois après 21h. Le premier juge ayant déclaré les faits établis, prononcé des amendes et alloué des sommes aux parties civiles, les prévenus et le ministère public ont interjeté appel de sa décision.
La cour d'appel de Paris a infirmé le jugement et relaxé les prévenus le 11 avril 2018. Pour ce faire, les juges du fond ont d'abord énoncé que le travail de nuit était autorisé dans les conditions énoncées aux articles L. 3122-1 et L. 3122-15 du code du travail. Ils ont ajouté que l’article 5-12 de la convention collective nationale applicable à la société envisageait le travail de nuit comme étant celui qui se déroule entre 21h et 7h du matin. Selon les juges, l’utilité sociale d’un commerce alimentaire ouvrant après 21h dans une grande métropole répond à un besoin profond des consommateurs, et l'accord de branche étendu du 12 juillet 2001 l’autorise expressément en prévoyant des compensations et des garanties liées au volontariat des salariés concernés. Enfin, les juges du fond ont précisé que depuis l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, il était conféré à un tel accord collectif une présomption de légalité que les parties civiles n’ont pas renversé en l’espèce.
La Cour de cassation casse l'arrêt le 7 janvier 2020. Elle rappelle qu’il résulte de l’article L. 3122-1 du code du travail qu’il ne peut être recouru au travail de nuit que de façon exceptionnelle et en considération de la situation propre à chaque établissement, et seulement lorsqu’il est justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou de services d’utilité sociale. Elle précise que l’existence d’une convention collective, dût-elle être présumée valide, ne suffit pas à établir que ces conditions sont réunies. Rappelant les termes de l'article 593 du code de procédure pénale, la Haute juridiction judiciaire considère que la cour d'appel a statué par des motifs ne répondant pas aux exigences des dispositions d’ordre public de l’article L. 3122-1 du code du travail, alors qu’il lui appartenait de mieux contrôler si ces exigences étaient remplies dans le cas de l’établissement en cause, fût-ce en écartant les clauses d’une convention ou accord collectif non conformes.
- Cour de cassation, chambre criminelle, 7 janvier 2020 (pourvoi n° 18-83.074 - ECLI:FR:CCASS:2020:CR02666), syndicat Sud commerces et service Ile-de-France, syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels Ile-de-France (SECI) et a. c/ société Monop’ - cassation de cour d’appel de Paris, 11 avril 2018 (renvoi devant la cour d’appel de Paris, autrement composée) - https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/2666_7_...
- Code du travail, article L. 3122-1 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI0000330...
- Code du travail, article L. 3122-15 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI0000356...
- Convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, article 5.12 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichIDCC.do;jsessionid=9A11FEFE9E0760F196E51...
- Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail - https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000035607388&f...
- Code de procédure pénale, article 593 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI0000065...
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