Dans quelles conditions la commune peut user de son droit de préemption urbain lorsque le propriétaire d’un bien immobilier vends plusieurs lots, alors que le caractère indissociable et concomitant de la vente de chacun des lots est une condition essentielle et déterminante du consentement du vendeur ?

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Cour d’Appel de Marseille en décembre dernier et qui vient aborder la problématique du droit de préemption urbain établit par la commune.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, Madame B. avait relevé appel d’un jugement qui avait été rendu par le Tribunal Administratif de Montpellier qui avait rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 7 mars 2018, par laquelle la commune avait décidé de préempter son lot n°1 de l’immeuble cadastré section B n°66 à 67 dont elle était propriétaire.

Le droit de préemption urbain

Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article L.213-14 du Code de l’Urbanisme en cas d’acquisition d’un bien par voie de préemption ou dans les conditions définies à l’article L.211-5 du même Code de l’Urbanisme le transfert de propriété intervient à la plus tardive des dates auxquels seront intervenus le paiement et l’acte authentique ainsi le prix d’acquisition est payé ou, en cas d’obstacle au paiement, consignés dans les 4 mois qui suivent soit la décision d’acquérir le bien au prix indiqué par le vendeur ou accepté par lui, soit la décision définitive de la juridiction compétente en matière d’expropriation, soit la date de l’acte ou du jugement d’adjudication. 

En cas de non-respect du délai prévu au 2ème alinéa du présent article L.213-14 du Code de l’Urbanisme le vendeur peut aliéner librement son bien.

Le texte en question rappelant que la méconnaissance du délai de 4 mois prévu par ces dispositions pour payer ou consigner le prix d’acquisition entraine la caducité de la décision de préemption dont le titulaire des droits de préemption, en l’occurrence la commune, ne peut plus poursuivre l’exécution.

Or, dans sa décision litigieuse du 7 mars 2018, la commune avait décidé de faire usage du droit de préemption urbain en vue d’acquérir le lot n°1 de l’immeuble cadastré section B n°66 et 67 au prix de 80 000 ¤ correspondant au prix indiqué par le vendeur dans sa déclaration d’intention d’aliéner son bien.

Or, il était constant que ni le paiement, ni la consignation de cette somme n’étaient intervenus dans le délai de 4 mois à compter de cette décision, de telle sorte qu’elle était devenue caduque en vertu de l’article L.213-14 du Code de l’Urbanisme sus-évoqué.

 

La caducité de la préemption urbaine

Cependant, dès lors, d’une part que sa caducité n’entraine pas sa disparition rétroactive, d’autre part qu’elle a produit des effets faisant temporairement obstacle à la vente du bien ayant fait l’objet de la décision de préemption des conclusions aux fins d’annulation de la décision du 7 mars 2018 ne sont pas devenues sans objet, l’exception de non-lieu à statuer devant par suite être écarté.

La question se posait de savoir si oui ou non le Juge du Tribunal Administratif était bien fondé à rejeter la demande de Madame B. qui sollicitait l’annulation de la décision du 7 mars 2018 de préemption du lot en question.

 

La validité de la déclaration préalable du vendeur 

Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article L.213-2 du Code de l’Urbanisme, sa rédaction est applicable au litige, toute aliénation visée à l’article L.213-1 est subordonnée à peine de nullité à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la Mairie de la commune où se trouve situé le bien.

Cette déclaration dont le Maire transmet copie au directeur des services fiscaux comporte obligatoirement l’indication du prix et des conditions d’alinéation projetées.

Or, il ressortait des pièces du dossier que Monsieur A, alors propriétaire unique de l’immeuble cadastré section B n°66 67, a conclu le 8 novembre 2017 deux compromis de vente avec deux couples acquéreurs distincts portant l’une, sur la vente du lot n°1 et l’autre, sur la vente du lot n°2, issus de la division de cet immeuble dont la mise en copropriété était prévue par les mêmes fonds promis.

Il était précisé dans chacun de ces compromis que la vente était consentie à la condition essentielle et déterminante d’être liée à la vente concomitante de l’autre lot.

 

Une vente d’un lot déterminée par la vente de l’autre lot

L’acquéreur de chaque lot ayant convenu avec l’acquéreur de l’autre lot de procéder à la mise en copropriété de l’immeuble. 

Dès lors, les déclarations d’intention d’aliéner du lot n°1 et du lot n°2 déposées le8 janvier 2018 en Mairie accompagnées en annexe de l’état descriptif de division de la future copropriété établit le 24 novembre 2017 mentionnait expressément comme condition essentielle et déterminante du consentement du vendeur le caractère indissociable et concomitant de la vente de chacun des lots.

 

Un droit de préemption urbain de plusieurs lots indissociables

Ce qui est le plus technique et le plus intéressant dans cette jurisprudence.

C’est dans ces conditions que les déclarations d’intention d’aliéner concernant chacune un des deux lots issus de la division d’un même immeuble d’habitation précisait expressément qu’elles étaient englobées dans une même offre de vente,

De telle sorte que pour la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE ces déclarations d’intention d’aliéner devaient être regardées comme concernant une même unité foncière et appelaient donc une décision de préemption commune, 

Ainsi, pour la Cour d’Appel c’est à tort que la commune a exercé son droit de préemption uniquement sur le lot n°1 de l’immeuble en question alors qu’elle aurait dû raisonnablement procéder à une préemption sur les deux lots en question.

Tel est l’apport de cette jurisprudence.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus – Avocat à Saint Raphael, Docteur en Droit