Un mandat de vente confié à un agent immobilier mais signé par l’un de ses intermédiaires qui n’est pas titulaire de la carte professionnelle est-il valable ? Quelle sanction en cas de manquements aux règles impératives en la matière ? 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en novembre 2020 et qui vient aborder la question spécifique de l’hypothèse où le mandat de vente d’un agent immobilier a été signé, non pas par le titulaire de la carte professionnelle, mais bel et bien par l’un de ses intermédiaires qui n’est pas d’ailleurs clairement précisé dans ce mandat.

En effet, la jurisprudence rappelle à travers cette jurisprudence de principe qu’il résulte des articles 4-1 de la loi N°70-9 du 02 janvier 1970 et 9-7 du décret N°72-678 du 20 juillet 1972, disposition d’ordre public, qu’à défaut de mention dans le mandat du nom et de la qualité de la personne habilité par un titulaire de la carte professionnelle à négocier s’entremettre ou s’engager pour le compte de ce dernier, cette convention est nulle.

 

Validité du mandat de l’agent immobilier

La question qui se pose par la suite de ce principe est de savoir qu’elle serait la sanction la plus adaptée en cas de manquement ?

Cette jurisprudence y répond en précisant que si l’annulation du mandat de vente prive l’agent immobilier, et l’intermédiaire, de la rémunération prévue au mandat qui constitue une créance entrant dans l’application de l’article premier du premier protocole additionnel de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, cette mesure est proportionnelle à l’objectif poursuivi par la disposition de la loi du 02 janvier 1970 et du décret du 20 juillet 1972 d’organiser l’accès à la profession de l’agent immobilier, d’assurer la compétence et la moralité des agents immobilier et de protéger le mandant qui doit pouvoir s’assurer que la personne à qui il confie le mandat est habilité par l’agent immobilier, est titulaire de l’attestation légale et dispose des pouvoirs nécessaires.

 

Quels sont les faits ? 

Dans cette affaire une SCI de promotion immobilière avait confié à la société C transactions par intermédiaire de Monsieur T, agent commercial, habilité par cette dernière, un mandat non exclusif pour la commercialisation d’un programme de vente en l’état futur d’achèvement de 24 lots d’un programme immobilier.

Le 21 octobre 2014, la société C transaction a mis en demeure la SCI de lui verser la somme de 206 480.00 euros au titre de sa commission, ce qui n’est pas rien, puis l’a assigné en paiement, Monsieur T, l’agent commercial, habilité par cette dernière, était intervenu volontairement à l’instance, celui-ci étant intéressé de premier chef pour sa propre rémunération. 

 

Nullité du mandat de vente ? 

L’intermédiaire en question faisait grief à l’Arrêt de la Cour d’Appel d’avoir prononcé la nullité du mandat de vente et par la même d’avoir supprimé toute forme de rémunération alors que le nécessaire avait été fait et soutenait que le titulaire d’une carte professionnelle d’agent immobilier peut habiliter une personne à négocier, s’entremettre ou s’engager pour son compte.

La personne ainsi habilitée devant justifier de la qualité de l’étendue de ses pouvoirs par la protection de l’attestation visée par l’article 9 du décret N°72-678 du 20 juillet 1972.

Ainsi, en vertu de ses dispositions les noms et qualités du titulaire de l’attestation doivent être mentionnés sur le mandat de vente qu’il conclut avec un tiers, au nom et pour le compte du titulaire de la carte professionnelle, en l’occurrence la société C transactions, cette mention n’était pas prescrite à peine de nullité dudit mandat.

 

Annulation du mandat de vente, quelle sanction ? 

Dans le cadre de son pourvoi, l’agent commercial considère encore que l’annulation du contrat de mandat d’un agent immobilier à raison de l’omission sur l’acte de la mention du nom et de la qualité de la personne habilité qu’il a négocié, constitue une sanction disproportionnée.

Ce dernier considérait d’ailleurs que cette sanction qui consistait à annuler toute forme de rémunération au motif pris qu’il était loisible de reprocher à l’agent immobilier l’omission sur l’acte de la mention du nom et de la qualité de la personne habilitée qui a négocié la vente, constituait une sanction disproportionnée de telle sorte que l’annulation dudit mandat et la rémunération qui allait de pair étaient clairement disproportionnées. 

 

La nullité de rémunération de l’agent immobilier

Pour autant, la question pouvait se poser de savoir si le recours à un intermédiaire avait vocation à vicier le mandat de l’agent immobilier ?

D’autant que cela est très courant, bon nombre d’agences immobilières font intervenir plusieurs commerciaux au sein d’une agence immobilière au sein duquel seul un des membres est titulaire de la carte d’agent immobilier, 

Il convient effectivement de rappeler que le titulaire d’une carte professionnelle d’agent immobilier peut habiliter une personne physique tel qu’un agent commercial à conclure un mandat en son nom et pour son compte, cette personne devant alors justifier de sa qualité et de l’étendue de ses pouvoirs par la production d’une attestation délivrée par l’agent immobilier en question, ainsi si le mandat conclu par cette personne physique doit mentionner le nom et la qualité de cette dernière, cette mention est alors requise sous peine de nullité comme le précise justement cette jurisprudence.

Certes, la Cour de cassation est sévère sur la question.

Mais elle rappelle, en tant que de besoin, que l’annulation de dispositions qui sont d’ordre public emporte la nullité du mandat en question.

 

L’absence du nom et de la qualité de l’agent commercial 

En effet, la Cour de cassation soutient que selon l’article 4-1 de la loi N°70-9 du 02 janvier 1970, toute personne habilitée par un titulaire de la carte professionnelle à négocier s’entremettre ou s’engager pour le compte de ce dernier, justifie de sa qualité de l’étendue de ses pouvoirs dans les conditions fixées par décret en conseil d’état, l’article 9 dernier du décret N°72-678 du 20 juillet 1972, de telle sorte que les noms et qualités du titulaire de l’attestation doivent être mentionnés dans les conditions visées à l’article 6 de la loi précitée lorsqu’il intervient dans leurs conclusions ainsi que sur les reçus de versement ou de remises lorsqu’il en délivre.

A défaut, il résulte pour la Haute juridiction de ces dispositions d’ordre public qu’à défaut de mention dans le mandat du nom et de la qualité de la personne habilitée par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s’entremettre ou s’engager pour le compte de ce dernier, cette convention est nulle. 

Qui dit nullité de la convention dit par la même, et par voie de conséquence, comme corollaire immédiat la nullité des honoraires qui vont de pair.

Selon la haute juridiction, la Cour d’Appel a fait l’exact d’application de ces textes en annulant le mandat de vente du 20 mars 2013 après avoir constaté que la carte professionnelle d’agent immobilier était détenue par la société C transactions et que si Monsieur T était le signataire de ce mandat, celui-ci ne faisait pas mention de son nom et de sa qualité. 

Cette sanction pouvait interpeller au niveau des dispositions conventionnelles, 

Pour autant, la Cour de cassation rappelle que si l’annulation du mandat de vente prive l’agent immobilier et l’intermédiaire de la rémunération prévue au mandat, qui constitue une créance entrant en champ de l’application de l’article premier du premier protocole additionnel de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, cette mesure demeure proportionnelle objectif poursuivi par la disposition de la loi du 02 janvier 1970 et du décret du 20 juillet 1972 d’organiser l’accès à la profession d’agent immobilier, d’assurer la compétence et la moralité des agents immobilier et de protéger le mandant qui doit pouvoir s’assurer que la personne à qui il confie le mandat est habilitée par l’agent immobilier et titulaire de l’attestation légale et dispose des pouvoirs nécessaires et cette jurisprudence s’impose même lorsque le mandant demeure une SCCV (Société Civile de Construction), même si le promoteur immobilier à même d’appréhender à sa juste mesure, 

Ce qui peut interpeller par ailleurs.  

Cette jurisprudence est intéressante à plus d’un titre. 

Ainsi, il convient de rappeler que l’agent immobilier est tenu à un certain nombre d’obligations d’ordre public.

Si, en pratique, force est de constater que les agents immobiliers ont pour habitude d’avoir leurs propres agents commerciaux qui, ne sont pas, eux, titulaires de la carte comme la carte d’agents immobilier, il n’en demeure pas moins que les mandats qui doivent être signés doivent être parfaitement rédigés et viser expressément les noms et qualités du titulaire de l’attestation, les noms et qualités de la personne qui s’engage. 

Ainsi, les noms et qualités du titulaire de l’attestation doivent être mentionnés sur le mandat de vente conclu avec un tiers au nom et pour le compte du titulaire de la carte professionnelle, au risque de perdre sa rémunération. 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE

Avocat à Fréjus, avocat à Saint-Raphaël, Docteur en Droit