La clause tontinière permet au concubin de récupérer les parts d'indivision de son partenaire décédé.
La rédaction de la clause d’accroissement ou le pacte tontinier
Dans le cas d'un achat en tontine immobilière, le conjoint survivant est considéré comme ayant toujours été l'unique propriétaire du bien, ne nécessitant donc pas de racheter la part de son conjoint décédé. Ce dispositif a pour effet que les héritiers du conjoint décédé ne pourront revendiquer aucun droit car le conjoint survivant conservera seul le logement.
Il est important de prévoir l'insertion d'une clause tontinière lors de la conclusion de l'acte de vente. Les points critiques à prendre en compte devraient se concentrer sur les tenants et aboutissants de l'accord plutôt que sur sa rédaction. Si le résultat de la tontine semble anticipé pour l'une des parties qui la signent, l'efficacité de cette clause pourrait être sujette à remise en cause.
Les précautions à prendre avant la conclusion du pacte tontinier
L'achat en tontine représente un avantage significatif pour un couple harmonieux. Cependant, dans le cas d'un désaccord, d'une procédure de divorce ou de séparation, cette clause peut engendrer des conséquences complexes.
En effet, même en cas de séparation, le tribunal n'a pas la compétence pour statuer sur une tontine. Contrairement à une acquisition en indivision, où le juge pourrait ordonner le partage ou la vente du bien, dans le cas d'une tontine immobilière, seules les deux parties engagées dans le contrat ont la possibilité, d'un commun accord, de revenir sur le pacte, de le révoquer ou de le modifier. Toutes les décisions doivent être prises à l'unanimité. En l'absence de cet accord, il ne restera plus qu'à attendre le décès de l'une des parties pour que la tontine produise ses effets.
En cas de pacte tontinier, obtenir une hypothèque sur le logement devient quasiment impossible.
Dans ce type de pacte, le véritable propriétaire n'est déterminé qu'au décès de l'un des partenaires. Par conséquent, les banques rencontrent des difficultés pour accorder un crédit en prenant en garantie un bien dont la propriété est incertaine.
Le dénouement du pacte tontinier
Les biens acquis en tontine sont considérés comme n'ayant jamais appartenu au défunt. La tontine est donc qualifiée d'acte à titre onéreux, écartant la notion de libéralité. Par conséquent, les héritiers ne peuvent contester le bien en réduisant leur part successorale, étant donné que le bien acquis en tontine n'est pas transmis par voie successorale et demeure définitivement dans le patrimoine du survivant.
De même, le pacte tontinier peut contrarier l'application d'un régime matrimonial en empêchant l'intégration du bien acquis par l'un des époux dans la communauté.
Par ailleurs, la tontine rend le bien insaisissable par les créanciers des acquéreurs de leur vivant. Étant donné que la condition suspensive de survie n'est pas réalisée, le bien ne fait pas partie du patrimoine de l'un d'eux et reste insaisissable.
Aucune formalité n'est requise auprès du registre foncier lors du premier décès. Il n'est donc pas obligatoire pour le notaire chargé de la succession du premier défunt d'établir un certificat de propriété. Afin de prévenir tout risque de refus, il suffit de mentionner le premier décès et de fournir un extrait d'acte de décès, aussi simplement que lors de la vente de la nue-propriété après la fin d'un usufruit réservé.
Une autre particularité de la tontine est l'absence de création d'une indivision. La Cour de cassation, en faisant référence à une "indivision en jouissance", établit le seul rapprochement entre le pacte tontinier et les articles 815 et suivants du Code civil (1).
Le sort du bien en tontine doit être décidé conjointement, sans toutefois permettre au signataire le plus affaibli de demander un partage. Cette situation peut sembler similaire à une indivision à deux qui exige également l'unanimité, mais la tontine a l'inconvénient supplémentaire de ne pas autoriser un recours au tribunal en cas de désaccord.
Les conséquences fiscales du pacte tontinier
L'administration fiscale considère la tontine comme une donation entre concubins et l'impose en conséquence, à hauteur de 60 % de droits de mutation. Cependant, une exonération de ces droits est prévue si la valeur du bien est inférieure à 76 000 euros et si ce logement était effectivement la résidence principale commune des deux acquéreurs.
Pour éviter les droits de succession, une alternative consiste à intégrer une clause tontinière dans les statuts d'une société civile immobilière (SCI) détenant le bien en question. Dans ce cas, le conjoint survivant devra uniquement payer des droits d'enregistrement équivalant à 5,09 % au décès du premier conjoint. Cependant, cette procédure délicate devrait être confiée à un notaire.
Par ailleurs, souscrire un contrat d'assurance vie pourrait être une solution pour aider le survivant à couvrir le paiement des droits.
La remise en cause judiciaire du pacte tontinier par les autres héritiers
En principe, sauf en cas de rédaction erronée, une tontine ne peut pas être annulée par une décision de justice. Les parties ne peuvent pas provoquer unilatéralement le partage du ou des biens immobiliers alors que tel pourrait être le cas avec une indivision.
Cependant, la jurisprudence a admis la remise en cause du pacte tontinier en cas d’absence d’aléa lors de sa conclusion. (Cour de cassation, 12 janvier 2022, Pourvoi n° 20-12.232). Dans une affaire, un couple avait acheté un appartement et conclu un pacte tontinier, déclenchant des complications lors du partage de la succession après le décès de l'un des époux. Les enfants du défunt, issus d'une union précédente, ont argumenté que l'acquisition de l'appartement constituait une donation déguisée. Ce bien avait été acheté deux mois avant le décès de l'époux, qui était gravement malade et dont le pronostic vital à court terme était engagé.
Le principe fondamental de cette clause réside dans son caractère aléatoire, dépendant de l'ordre des décès des acheteurs. En outre, le rapport successoral vise à intégrer les dons dans le patrimoine successoral global. Ce rapport est utilisé pour déterminer la masse partageable due par l'héritier aux autres cohéritiers conformément à l’article 843 du Code civil (3).
Les juges ont requalifié le pacte tontinier en donation déguisée en faveur de l'épouse, assujettie au rapport successoral. Comme toute libéralité, cette donation était présumée être une avance sur la part successorale. La Cour de cassation a rappelé que les dons reçus par le conjoint survivant sont déduits de ses droits dans la succession selon l’article 758-6 du Code civil (4). Le pacte tontinier, considéré comme une donation déguisée, est donc inclus dans le rapport successoral et pris en compte lors du partage.
Sources :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070721/LEGISCTA000006136538
https://www.courdecassation.fr/decision/61de7d4cfc57de8d136e066c
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006432755
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006431280
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