Une proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte en cas de licenciement d’un salarié a définitivement été adoptée par le Parlement le 16 février 2022. Cette loi a été soumise au Conseil Constitutionnel par le Premier ministre le 18 février 2022.

Le texte modifie pour l’essentiel les dispositions de la Loi Sapin 2 (Loi 2016-1691 du 9 décembre 2016) en élargissant le champ des bénéficiaires du statut protecteur du lanceur d’alerte. Il simplifie les modalités d’alerte tout en renforçant la protection des personnes, notamment des salariés qui lance le signal d’alarme.

De ce fait, le texte transpose en droit français les dispositions de la directive de l’Union Européenne (n° 2019/1937 du 23 octobre 2019) relatives à la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’UE.

Le droit d’alerte est une extension de la liberté d’expression et naît historiquement du droit du travail. Il a pour but de protéger le salarié alertant sur des faits illicites.

La première convention internationale ratifiée par la France (Organisation internationale du travail en 1982) interdit le licenciement d’un salarié ayant alerté sur des faits illégaux commis par son employeur.

Le Conseil de l’Europe définit le lanceur d’alerte en 2014 comme « toute personne qui fait des signalements ou révèle des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général dans le contexte de sa relation de travail, qu’elle soit dans le secteur public ou dans le secteur privé ».

La problématique est celle de savoir qu’elles sont informations divulguées qui entrent dans le champ de la protection du salarié.

La Cour de cassation, le 19 janvier 2022 (Cass. soc., 19 janvier 2022 n° 20-10.057), s’est prononcée sur des faits datant de 2011, avant l’entrée en vigueur de dispositions législatives spécifiques, relatifs à la dénonciation de la violation d’obligations déontologiques.

La question posée à la Cour était celle de savoir si cette dénonciation pouvait justifier le licenciement du salarié ou, au contraire, permettait au salarié de bénéficier d’une protection par la reconnaissance de son statut de lanceur d’alerte.

 

Nullité du licenciement fondé sur l’alerte de manquements au Code de déontologie

Dans l’arrêt du 19 janvier 2022, un salarié expert-comptable d’une société d’expertise comptable et de commissariat aux comptes a eu connaissance de faits, dans l’exercice de ses fonctions, qui caractérisaient une violation du Code de déontologie.

A cet égard, il a notifié une lettre à son employeur l’informant d’une situation de conflit d’intérêts concernant la société entre ses missions d’expert-comptable et de commissaire aux comptes.

En effet, il a pu constater de nombreux cas d’autorévision sur plusieurs entreprises, situation pourtant prohibée par le Code de déontologie de la profession. Le salarié précisait dans sa lettre que, sans discussion, il saisirait la compagnie régionale des commissaires aux comptes.

Le salarié a finalement saisi ladite compagnie la veille de son entretien préalable au licenciement intervenu un mois et demi après la notification de la lettre. Il a ensuite été licencié pour faute grave.

Sans précédent, la Chambre sociale a fait le choix d’ériger les obligations déontologiques au rang des informations pouvant être légitimement dénoncées par le lanceur d’alerte. Ce dernier était donc protégé et ne pouvait se voir opposer un licenciement sur ce fondement.

 

Protection de la liberté d’expression

La Cour de cassation a rendu son arrêt sur le fondement de l’atteinte portée à la liberté d’expression du salarié.

De ce fait, elle considère que le licenciement d’un salarié qui relate ou témoigne de faits, de bonne foi, dont il eu connaissance et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser une violation des obligations déontologiques, est frappé de nullité.

En conséquence, la jurisprudence, en l’absence de textes, a élargi le champ de la liberté d’expression pour y ajouter la protection du salarié lanceur d’alerte contre toute sanction disciplinaire.

Cette décision s’inscrit dans le prolongement d’un arrêt rendu le 30 juin 2016 (Cass. soc., 30 juin 2016 n° 15-10.557) pour la protection des salariés lanceurs d’alerte mais il va plus loin en y ajoutant la dénonciation de faits constituant un manquement aux dispositions du Code de déontologie.

La loi du 11 octobre 2013 (n°2013-907) a créé l’article L.1132-3-3 du Code du travail homologuant la protection des salariés lanceurs d’alerte contre les mesures disciplinaires prononcées en raison de la dénonciation.