Le rôle  de l’apporteur d’affaires est  de tout mettre en oeuvre pour instaurer des relations d’affaires entre plusieurs  personnes afin qu’elles réalisent des opérations commerciales : l’objectif est donc d’apporter de nouveaux clients à une  société dans de nombreux domaines tels que dans le bâtiment, le BTP, l’immobilier mais aussi dans le domaine des voyages.

Il s’oblige en effet à  déployer toutes les diligences nécessaires pour  présenter au partenaire un maximum de clients potentiels et pour cela, à consacrer une partie de son temps à la prospection. En échange de son activité de prospection sans exclusivité, l’apporteur d’affaires doit percevoir une commission ou une rémunération  sur tous les contrats signés dont le montant est préalablement déterminé . Contrairement au contrat d’agent commercial,  le contrat d’apporteur d’affaires n’a pas d’encadrement juridique ni de statut particulier. De même qu’il n’y a pas de lien de subordination avec le donneur d’ordre. Les comportements des parties aboutissement parfois à la  décision de  la requalification du contrat d’apporteur d’affaires en contrat de travail. 

Le contrat de travail suppose en effet  un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. L’arrêt de la  Cour d’appel d’Angers, Troisième chambre, 6 mai 2021, n° 18/00232 a rappelé cette condition du lien de subordination pour pouvoir  requalifier le contrat d’apporteur d’affaires en contrat de travail . Le contrat  d’apporteur d’affaires  peut être conclu :

  • Pour une période déterminée: il prend fin à son terme ou par commun accord. Il peut aussi faire l’objet d’une tacite reconduction sauf si l’une des parties le dénonce avec un préavis  dans le délai convenu.
  • Pour une période indéterminée: les deux parties peuvent  demander la rupture du contrat unilatéralement, en respectant les termes du contrat.

 Le donneur d’ordre peut-il  justifier la rupture du  contrat à durée déterminée qui le lie à son apporteur d’affaires ? C’est toute la question de l’arrêt de la Cour d’Appel  de ROUEN en date du 11 mars dernier.

 

I. Quels sont les faits ?

Le 12 aout 2016, la société CDV et la société BT ont conclu un contrat d’apporteur d’affaires  à durée déterminée, expirant au 30 juin 2018. Ladite société BT, en qualité d’apporteur d’affaires,  s’engageait à fournir les conseils pour permettre au donneur d’ordre, la société CDV, de conclure avec les clients démarchés. Sa  rémunération était fixée à 50 % HT de la marge perçue par la société. Après seulement 9 mois, soit le 30 mars 2017, la société CDV donneur d’ordre décidait de rompre unilatéralement le contrat, justifiant cette décision par l’insuffisance des affaires apportées. Le Tribunal de Commerce n’a pas considéré que la société CDV  ait commis une faute en rompant le contrat  d’apporteur d’affaires de manière abusive. La société BT a fait appel de cette décision.

 

II. Quelle est la solution de la Cour d’Appel

La Cour rappelle la nécessité absolue de bien rédiger le contrat, que ce soit un contrat à durée déterminée ou un contrat à durée indéterminée. Comme tout contrat, il doit être exécuté selon les obligations de chacun. Or, comme le rappellent  à juste titre les magistrats dans le cas d’espèce, le donneur d’ordre n’a jamais fixé d’objectifs contractuels avec l’apporteur d’affaires, la société BT. Dès lors, ce dernier n’était pas tenu d’un chiffre d’affaires minimum. Par conséquent, le donneur d’ordre ne pouvait justifier une rupture un unilatérale du contrat à durée déterminée. Le donneur d’ordre ne rapporte pas la preuve que sa décision de rompre unilatéralement le contrat d’apporteur d’affaires soit juridiquement fondée. Il est certain que cette rupture est abusive et  que le préjudice doit être réparé.  

 

III. Quelle est l’indemnisation pour l’apporteur d’affaires ?

Se pose dès lors la question de connaitre le montant de l’indemnisation pour l’apporteur d’affaires en cas de rupture abusive. Pour les magistrats, en raison de la rupture en mars 2017, il y a lieu de retenir que cette indemnisation doit être évaluée selon le principe de la perte de chance.

 

IV. Quelle Conclusion ?

Il n’est pas inutile de rappeler que l’apporteur d’affaires reste un intermédiaire qui se limite à présenter des clients potentiels à un fournisseur sans  jamais collecter des commandes ou rentrer dans la négociation tarifaire ou contractuelle. La société CDV ne pouvait dans le cas d’espèce  légitimement rompre le contrat à durée déterminée  qui la liait à  la société BT avant le terme du 30 juin 2018,  sans rapporter la moindre  preuve que son apporteur d’affaires n’avait pas respecté ses obligations. 

 

Cour d’appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 11 mars 2021, n° 19/01925, Société BEAUTIFUL TRAVEL c/ S.A.R.L. LA COMPAGNIE DU VOYAGE