En droit, en plus de la condition de fond posée par l’article 205 de l’annexe II au CGI pour la déduction de la TVA, stipulant que la taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction, l’article 271-II-1-a du CGI pose une condition de forme en indiquant que dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures. Le paragraphe 2 de l'article 271, II précise d’ailleurs que la déduction ne peut être opérée si les redevables ne sont pas en possession desdites factures ; le redevable devant être, en plus, en possession de la facture, au moment où il procède à la déduction.
L'article 242 nonies A de l'annexe II au CGI prévoit que la facture doit obligatoirement faire apparaître le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client. Lorsque ces éléments ne figurent pas sur les factures l’administration fiscale a tendance à refuser le droit à déduction.
Selon le Conseil d'État toutefois, l'absence du nom et/ou de l'adresse du client sur la facture ou leur caractère erroné n'empêchent pas celui-ci de déduire la taxe mentionnée sur cette dernière, à condition qu'il apporte la preuve par tout moyen du règlement effectif par lui-même de cette facture pour les besoins de ses propres opérations imposables (CE 26-3-2012 n° 326333, Sté Cerp Lorraine).
Selon le Conseil d’Etat toujours, la mention du nom et de l'adresse sur la facture du client constitue une simple présomption que les biens ou les services lui ont été fournis pour les besoins de ses opérations taxées.
Ainsi, si la mention du nom complet et de l'adresse du client assujetti à la TVA sur la facture établie par le fournisseur ou le prestataire permet de présumer que les biens ou les services lui ont été livrés ou rendus et de vérifier qu'ils l'ont été pour les besoins de ses opérations taxées, l'absence de mention de ces informations ou leur caractère erroné sur la facture qui lui est remise peut ne pas faire obstacle à ce que la taxe soit déductible de celle à laquelle il est soumis en raison de ses propres affaires dans le cas où il apporte la preuve par tout moyen du règlement effectif par lui-même de cette facture pour les besoins de ses propres opérations imposables.
La seule omission ou inexactitude de l'une des mentions obligatoires n'entraîne pas nécessairement la remise en cause de la validité d'une facture pour l'exercice des droits à déduction de la taxe dès lors que l'opération est justifiée dans sa réalité et qu'elle satisfait par ailleurs aux autres conditions posées pour l'exercice du droit à déduction. La facture doit permettre de justifier la naissance et l'exercice du droit à déduction par le client.
Si la mention de certaines informations peut constituer une des conditions posées pour l'application d'un régime de TVA spécifique (livraisons intracommunautaires, franchise en base…), une simple omission ou inexactitude en matière de mentions obligatoires n'a pas pour effet, dans la généralité des cas, d'entraîner une remise en cause du régime appliqué.
De son côté, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) admettait déjà que le droit à déduction de la TVA ne peut être refusé en raison de l'omission ou de l'inexactitude de certaines mentions devant obligatoirement figurer sur la facture dans la mesure où les conditions de fond relatives à l'exercice de ce droit sont satisfaites (CJUE 15-9-2016 aff. 516/14 ; CJUE 21-10-2021 aff. 80/20).
Dans une nouvelle décision (CJUE 29 septembre 2022, n° 235/21, Raiffeisen Leasing), la CJUE vient d’admettre qu’un contrat peut constituer une facture. Ainsi si un contrat contient les informations nécessaires pour écarter le risque de fraude, un contrat peut être regardé comme une facture ouvrant droit à déduction de la TVA.
Au cas particulier, la CJUE a été saisie de plusieurs questions préjudicielles pour savoir si un contrat, dont la conclusion n’a pas été suivie par l’établissement d’une facture par les parties, peut être considéré comme étant une facture, et, dans l’affirmative, quels sont les éléments que ce contrat doit obligatoirement contenir pour qu’il puisse être considéré comme étant une telle facture, en permettant de déduire la TVA correspondant à une telle opération.
Pour la CJUE, afin de pouvoir être reconnu en tant que facture, au sens de la directive TVA, un document doit, d’une part, mentionner la TVA et, d’autre part, contenir les informations liées à une facture et qui sont nécessaires pour que l’administration fiscale puisse établir si les conditions matérielles du droit à déduction de la TVA sont satisfaites. Au cas d’espèce, la Cour en a conclu qu'un contrat de cession-bail, dont la conclusion n’a pas été suivie par l’établissement d’une facture par les parties, peut être considéré comme étant une facture, dans le cas où ce contrat contient toutes les informations nécessaires pour que l’administration fiscale d’un État membre puisse établir si les conditions matérielles du droit à déduction de la TVA sont satisfaites.
CJUE 29 septembre 2022, n° 235/21, Raiffeisen Leasing.
Arnaud Soton
Avocat Fiscaliste
Professeur de droit fiscal
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