Le 23 janvier 2019, au visa de l'article 17 de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, la chambre commerciale de la Cour de cassation a procédé à un revirement de jurisprudence prévisible relatif au régime juridique de la période d'essai stipulée par un contrat d'agence commerciale. Désormais, malgré l'essai, l'agent commercial doit être indemnisé du fait de la rupture du contrat.

Arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 23 janvier 2019, n° 15-14.212

Sur la question du régime juridique de l’essai, la différence de protection garantie à l’agent commercial face à celle offerte au travailleur salarié est considérable.


En droit commercial

L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.

Juridiquement indépendant, l'agent commercial est souvent placé dans une situation de dépendance économique à l'égard du mandant, ce qui a justifié l'instauration d'un régime protecteur en matière, notamment, de rémunération et de rupture des relations contractuelles, régime qui figure aux articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce.

Le 23 janvier 2019, au visa de l'article 17 de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, la chambre commerciale de la Cour de cassation a procédé à un revirement de jurisprudence prévisible relatif au régime juridique de la période d'essai stipulée par un contrat d'agence commerciale. Désormais, malgré l'essai, l'agent commercial doit être indemnisé du fait de la rupture du contrat.


Cette solution suscite la curiosité dans l’esprit d’un travailliste, parce qu’elle réinterroge la nature de la période d’essai.

 

En droit du travail

Selon les articles L.1221-19 et suivants du Code du travail, la période d'essai est une période prévue au début du contrat de travail pendant laquelle l'employeur et le salarié ont la possibilité de rompre le contrat de travail rapidement et sans motif. En effet, selon l’article L1221-20 du Code du travail : « La période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. »

La période d'essai, qui précède l'embauche définitive, permet donc à l'employeur de contrôler les compétences du salarié et à ce dernier de vérifier si le poste et l'entreprise correspondent bien à ses attentes. Le principal avantage pour l'employeur est qu’il n'a pas à respecter les conditions et la procédure de licenciement s'il souhaite mettre fin au contrat de travail du salarié pendant sa période d'essai.

Néanmoins, l’employeur et le salarié sont tenus de respecter un délai de prévenance selon l’article L 1221-25 du Code du travail:

- Quand la rupture est le fait du salarié, celui-ci doit respecter un délai de prévenance de 48 heures (ramené à 24 heures si son temps de présence est inférieur à huit jours).

- Quand la rupture est à l'initiative de l'employeur, le salarié doit être prévenu dans un délai égal au moins à :

  • 24 heures en cas de présence du salarié inférieure à huit jours ;
  • 48 heures pour une présence comprise entre huit jours et un mois ;
  • Deux semaines au-delà d’un mois de présence ;
  • Un mois après trois mois de présence.

 En pratique, certains employeurs ne respectent pas ces délais de prévenance (en rompant la période d'essai le dernier jour par exemple). En cas de non-respect de ce préavis, le salarié a au minimum droit à une indemnité compensatrice de préavis. Exception en cas de licenciement pour faute grave ou faute lourde, le salarié ne peut pas percevoir d'indemnité compensatrice de préavis. En revanche, l'indemnité est due en cas de faute simple.

Le calcul de cette indemnité correspond au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise.

Enfin, si le contrat de travail prévoit un délai plus long que le délai légal, c'est le délai contractuel qui prime (arrêt n° 15-12588 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 15 avril 2016, dans lequel le contrat de travail du salarié prévoyait une période d'une semaine à la place du délai légal de 48 heures).

Ce délai de prévenance peut donc être un véritable piège pour l’employeur qui ne peut donc pas rompre brutalement le contrat de travail sans respecter un délai minimum. Toute faute dans les calculs stricts des délais peut conduire à une condamnation de l’employeur au profit du salarié.

Cela offre une protection moindre au travailleur salarié face à celle de l’agent commercial.

 

 

Conclusion

D'un point de vue plus général en effet, l'agent commercial mérite une protection parce qu'il est économiquement dépendant, selon l’idée traduite par l'article 17 de la directive du 18 décembre 1986 appliquée par la Cour de cassation. Mais n'est-ce pas également le cas de tous, les travailleurs salariés (ou presque), quelles que soient d'ailleurs leurs fonctions ?


Le constat demeure : l’agent commercial est mieux protégé que le salarié contre la rupture de son contrat de travail.