Lorsque la purge du droit de préemption urbain a donné lieu à l’exercice de la prérogative, la décision de préemption qui paralyse la vente initiale peut être attaquée devant le Juge administratif. Dans l’hypothèse où une situation d’urgence exige que ce Juge statue à bref délai, une requête en référé suspension peut assortir le recours dirigé contre la décision de préemption. Par exemple, cela permettra au propriétaire devant aliéner dans les meilleurs délais son bien immobilier d'obtenir une ordonnance en quelques semaines ou encore à l’acquéreur évincé de pouvoir être rapidement fixé sur la légalité de la décision de préemption qui bloque l’opération de vente projetée, voire au propriétaire et à l'acquéreur évincé d'agir conjointement.

Le juge des référés peut ainsi suspendre les effets de la décision de préemption qui présente selon lui des irrégularités, de sorte que le titulaire du droit de préemption ne peut prendre possession du bien préempté. Mais le conseil d'État a été plus loin en considérant que les parties à la promesses de vente peuvent réitérer par acte authentique l'opération souhaitée, sauf si  le Juge des référés a expressément exclu cette faculté.

Spécifiquement, le Conseil d’Etat a jugé que :

« Considérant que, lorsque le juge des référés prend, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, une mesure de suspension de l'exécution d'une décision de préemption, cette mesure a pour conséquence, selon les cas, non seulement de faire obstacle à la prise de possession et au transfert de propriété du bien préempté au bénéfice de la collectivité publique titulaire du droit de préemption mais également de permettre aux signataires de la promesse de vente, s'ils le veulent, de mener la vente à son terme, sauf si le juge, faisant usage du pouvoir que lui donnent les dispositions précitées de ne suspendre que certains des effets de l'acte de préemption ; décide de limiter la suspension à la première des deux catégories d'effets susmentionnées ».

Il s’en suit que lorsque le Juge des référés ne limite pas dans son ordonnance les mesures d'application de son ordonnance, les parties à l'avant peuvent conclure la cession.

Toutefois, dans un arrêt rendu le 4 avril 2018, le Conseil d'État a indiqué que le Juge des référés doit apprécier l’intérêt qui, selon l'autorité administrative, s’attache à la préservation du bien préempté au regard de l’intérêt corrélatif du propriétaire et/ou de l’acquéreur évincé d’obtenir la poursuite de l’opération.

Plus particulièrement, le Conseil d’État a tranché comme suit :

« Dans ces conditions, il y a lieu, compte tenu, d'une part, de la suspension de l'exécution des décisions de préemption en ce qu'elles permettent le transfert de propriété des biens à la métropole de Lyon et, d'autre part, des inconvénients qui s'attacheraient à un retour provisoire des biens à leurs propriétaires initiaux, de prévoir que, jusqu'à ce qu'il soit statué sur les requêtes en annulation, la société Duolis et M. F... B..., en leur qualité de propriétaires, pourront prendre les mesures conservatoires qui s'avéreraient nécessaires mais ne pourront ni disposer des biens ainsi acquis ni en user dans des conditions qui seraient de nature à faire obstacle à la réalisation du projet en vue duquel les préemptions ont été décidées ou à la rendre plus onéreuse » 

Partant, le Conseil d'État a estimé que le bien, qui avait été préempté mais acquis ultérieurement par l’acquéreur pressenti après suspension des effets de la décision de préemption, devait demeurer dans une situation de paralysie et ce, dans l'attente du jugement rendu par le Tribunal administratif au fond.

En conclusion, le propriétaire comme l’acheteur pressenti ont tout intérêt à formuler des conclusions tendant à la suspension de la décision de préemption afin de pouvoir passer la vente initiale, sous réserve que le Juge des référés ne restreigne explicitement les effets de son ordonnance en excluant la faculté pour les parties de confirmer la vente.

Les parties doivent alors se faire représenter par un Conseil expérimenté en la matière.

Source : 

CE, 23 juillet 2003, req n°254837 

CE, 17 novembre 2004, req n°269140 

CE, 4 avril 2018, req n°412423 

L. 521-1 du code de justice administrative