Le salarié qui perçoit tardivement ses salaires, subit nécessairement un préjudice né de ce qu'il n'a pas disposé d'une somme d'argent sur laquelle il pensait pouvoir compter pour ses besoins personnels (1).

Lorsque le Conseil de Prud'hommes ou la Cour d'Appel condamne à des rappels de salaires, les sommes allouées seront augmentées, au moment de l'exécution de la décision, des intérêts moratoires calculés dans le meilleur des cas,  à compter de la mise en demeure, si le salarié avait eu la présence d'esprit de les réclamer par écrit à son employeur et le plus souvent, à dater de la saisine du Conseil de Prud'hommes.

Mais ces intérêts de retard, calculés sur la base du taux légal, se ne résumeront qu'à quelques centaines d'euros.

Pas de quoi compenser le fait que le salarié ait été privé, parfois pendant plusieurs années, d'une partie de sa rémunération

Faute de justificatifs probatoires, nous ne sollicitons pas toujours l'allocation de dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance dont la jurisprudence reconnait pourtant le principe (2).

A tort probablement dès lors que, dans une situation similaire, la Cour d'appel de Paris a retenu que " la privation pour un salarié d'une partie des salaires qui lui sont dus, engendre nécessairement un préjudice qui résulte de l'absence de mise à disposition d'une somme d'argent sur laquelle le salarié pensait pouvoir compter pour ses besoins personnels."

Une décision qui, depuis lors, a fait florès devant  différentes  juridictions prud'homales

Le lecteur attentif n'y verra pas qu'un cas d'espèce, venant en contradiction avec la jurisprudence de la Cour de Cassation du 13 avril 2016 imposant, à l'inverse, que le préjudice soit démontré et étayé.

La Cour de Paris rejette toute notion de "réparation automatique" qui pouvait être reprochée auparavant aux juridictions : c'est bien le fait que le salarié ait été régulièrement privé de sommes d'argent dont il aurait dû disposer pour ses besoins personnels qui est justement indemnisé.

C'est un fait tangible et incontestable qu'il nous faut ne pas oublier au bénéfice de nos clients. 

Par Maître Isabelle GUENEZAN

Avocat au Barreau de Paris

Références :

(1) Cour d'appel de Paris Pôle 6 Chambre 11 du 10 juin 2016 n° 15/08229

(2) Cass. soc. 25 novembre 1998 n° 97-41.773 (n° 4878 D), SA Transport en commun de la région d'Avignon (TCRA) c/ Angulo : RJS 1/99 n° 43 - Cass. soc. 29 octobre 2002 n° 00-44.822 (n° 3143 FS-P), Guibert ès qual. c/ Adam :  RJS 1/03 n° 38, Bull. civ. V n° 322 -Cass. soc. 13 novembre 2003 n° 01-46.177 (n° 2411 F-P), Sté Fonderie Lorraine c/ Getrey :  RJS 1/04 n° 39, Bull. civ. V n° 283