Concept moderne d'un côté, institution ancienne de l'autre, la compatibilité des locations meublée de courte durée dites locations "Airbnb" avec les règlements de copropriété dont certains ont déjà de nombreuses décennies d'application a fait l'objet de vifs débats en jurisprudence. Retour sur cette problématique en détail. 

Concept né en 2007, les locations meublées de courte durée de type « Airbnb » se sont largement développées en France aussi bien dans les grandes métropoles que désormais dans les communes de plus petites envergures. Le développement de ce concept de location moderne et potentiellement lucratif ne se fait toutefois pas sans heurter des structures plus anciennes et notamment l’organisation qui régit les copropriétés dont les règlements de certaines sont plus que centenaires.

Aussi, la jurisprudence a été amenée à clarifier la question de la compatibilité de telles modalités de location avec d’une part, les stipulations d’un règlement de copropriété, d’autre part, la vie en collectivité.

 

  • EN CE QUI CONCERNE LA COMPATIBILITÉ AVEC LE RÈGLEMENT DE COPROPRIÉTÉ

Le règlement de copropriété énumère les droits et les obligations des copropriétaires vis-à-vis de la copropriété.

Il rappelle généralement les dispositions de l’article 9 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 selon lesquelles: « Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble ».

Or, en matière de location de type « Airbnb », c’est précisément la notion de « destination de l’immeuble » qui est prépondérante et qui permet à chaque copropriétaire d’apprécier s’il est en mesure de proposer son appartement à la location de courte durée.

La destination de l’immeuble est propre à chaque copropriété et est définie dans son règlement.

Nombre de règlements de copropriété et notamment ceux édictés depuis plusieurs années contiennent en particulier une clause dite « d’habitation bourgeoise ». Par principe, la clause « d’habitation bourgeoise » permet d’user des parties privatives pour un usage d’habitation mais aussi, par tolérance, pour l’exercice d’activités professionnelles libérales (Avocat, Médecin etc.). La clause « d’habitation bourgeoise » peut toutefois, selon sa rédaction, être exclusive et interdire alors purement et simplement tout usage autre qu’un usage d’habitation. Par ailleurs, les restrictions à la destination peuvent parfois concerner seulement certains étages ou s’appliquer à l’ensemble de l’immeuble.

L’analyse de la clause « Destination » du règlement de copropriété est donc essentielle avant toute mise en location meublée pour de courtes durées.

Reste encore à savoir la qualification juridique réservée aux locations meublées de courte durée : Activité civile ? Activité commerciale ? Activité professionnelle pouvant intégrer les tolérances admises à l’image des activités libérales ?  

A l’occasion de deux arrêts rendus en 2018 (Cass., 8 mars 2018, n° 14-15864) puis en 2020 (Cass., 27 février 2020, n°18-14305), la Cour de cassation a finalement considéré que les locations de type Airbnb constituaient une activité commerciale incompatible avec un règlement de copropriété prévoyant une destination d’habitation pour les appartements louée, à l’exclusion de toute activité commerciale. 

Dans ces deux arrêts, le caractère commercial des locations a toutefois, semble-t-il, été retenu, compte tenu de l’existence de prestations annexes à la location du bien (blanchisserie, parking etc.) ou en raison de l’exploitation de l’activité Airbnb par l’intermédiaire d’une société commerciale, par ailleurs copropriétaire de 39 lots dédiés à la location.

Cependant, par la suite, la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE a pu juger  à l’occasion d’un litige opposant une copropriétaire à un syndicat des copropriétaires que « le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile est incompatible avec la clause d’habitation bourgeoise d’un règlement de copropriété, que cette habitation bourgeoise soit stricte ou non » (CA AIX EN PROVENCE., 23-06-2022, n°21/10914) et ce, sans en référer aux modalités précises de location, de sorte que l’interdiction serait générale.

Pour autant, les conditions de location pourraient rester prépondérantes pour qualifier l’activité de commerciale ou de civile (nombre maximum d’occupants, régularité de la mise en location, prestations annexes etc.) et ainsi apprécier la compatibilité de l’activité avec la destination de l’immeuble.

La localisation des locaux pourrait également influer sur l’appréciation de la clause « destination » du règlement de copropriété, la Cour d’appel de PAU ayant notamment pu juger, le 13 décembre 2017, que la location meublée de courte durée « pourrait difficilement être prohibée dans une zone touristique comme Anglet ou de nombreux logements bourgeois sont loués à la semaine pendant l’été ».

Il existe donc une position de principe majoritairement opposée à considérer que la destination bourgeoise d’un immeuble autoriserait la location de type Airbnb mais, comme tout problématique juridique, la réponse dépendra de l’étude des stipulations précises de la clause du règlement de copropriété ainsi que d’une appréciation circonstanciée du cas d’espèce.

En tout état de cause, proposer un appartement à la location meublée de courte durée au mépris des stipulations du règlement de copropriété expose le copropriétaire à une action du syndicat des copropriétaires qui sera fondée à obtenir la cessation, sous astreinte financière, de l’activité.

 

  • EN CE QUI CONCERNE LA COMPATIBILITE AVEC LES REGLES DE VIE EN COPROPRIETE

En cas de silence du règlement de copropriété sur la question mais également en présence d’une clause du règlement de copropriété qui autoriserait expressément la location meublée de courte durée de type « Airbnb», il reste, depuis des arrêts rendus par la Cour de cassation en 1844, 1971 et 1986, que « Nul ne doit causer à autrui, un trouble anormal de voisinage ».

Il reste également que si en application de l’article 9 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, chaque copropriétaire use librement des parties privatives comprises dans son lot, cette liberté ne prospère que « sous la condition de ne [pas] porter atteinte (…) aux droits des autres copropriétaires ».

Aussi, en présence de nuisances diurnes comme nocturnes, de dépôts sauvages de déchets dans la cour de l’immeuble, ou encore en cas de dégradations des parties communes en lien avec l’activité de loueur en Airbnb, le copropriétaire engage sa responsabilité vis-à-vis des copropriétaires, quand bien même celui-ci ne serait pas l’auteur direct des nuisances (En ce sens CA PARIS., 11 février 2022, n°21/10676).

Ainsi, tout copropriétaire mais également le syndicat des copropriétaires pris en la personne de son syndic sera en droit d’agir à l’encontre du copropriétaire dont l’appartement et ses occupants sont à l’origine des nuisances.

La théorie des troubles anormaux du voisinage est ainsi invocable y compris en présence d’une activité de location autorisée par le règlement de copropriété.

La réunion des preuves utiles à la demande en justice est toutefois un préalable nécessaire et doit donc faire l’objet d’une stratégie réfléchie avant toute action.

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Enfin, il sera rappelé que conformément aux dispositions des articles L631-7 et suivants du Code de la construction et de l’habitation, la location meublée de courte durée est potentiellement soumise à une autorisation préalable de changement d’usage à solliciter généralement en Mairie. Sont notamment soumises à autorisation préalable, les biens :

  • Situés dans les communes de plus de 200 000 habitants ;
  • Situés dans les communes des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ;
  • Situés dans les communes exigeant une autorisation préalable par délibération du conseil municipal (SAINT-MALO et LORIENT notamment)

 

Mathieu RICHARD – Avocat au Barreau de RENNES