Le 19 janvier 2023, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur deux questions prioritaires de constitutionnalité qui concernaient le secret professionnel de l’avocat et a considéré que les nouvelles dispositions de l’article 56-1 et le nouvel article 56-1-2 du code procédure pénale, textes issus de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, étaient conformes à la Constitution.

Deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) intéressant particulièrement les avocats ont été transmises au conseil Constitutionnel et ont donné lieu à deux décisions récentes dont la teneur est importante [1] 

Ces questions prioritaires de constitutionnalité contestaient la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des nouvelles dispositions des articles 56-1 et 56-1-2 du code de procédure pénale, issues de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire. 

La première des QPC avait été transmise par le Conseil d’État par un arrêt du 18 octobre 2022 sur la requête de l’ordre des avocats au barreau de Paris et sur celle de l’ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine.

La seconde QPC avait été transmise par la Cour de cassation.

Ce ne sont pas les premières QPC en la matière, d’autres avaient antérieurement été déposées contre les anciennes rédactions de l’article 56-1 sans jamais prospérer.

 

1 / Que disent les articles 56-1 et 56-1-2 du code de procédure pénale ?

Ces textes, entrés en vigueur le 1er mars 2022, sont issus de l’article 3-1°de loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

Cet article complète l’article préliminaire du code de procédure pénale en disposant que le respect du secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, est garanti au cours de la procédure pénale dans les conditions prévues par le présent code. 

Ce même article modifie ensuite l’article 56-1 et créé l’article 56-1-2 du même code.

L’article 56-1 du code de procédure pénale prévoit les conditions dans lesquelles une perquisition peut être réalisée dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile ainsi que les modalités selon lesquelles les documents ou objets se trouvant sur les lieux peuvent être saisis.

Le texte confie au magistrat perquisitionneur la mission de veiller à ce que les investigations ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession d’avocat et à ce qu’aucun document relevant de l’exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil prévu par l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ne soit saisi et placé sous scellé.

La présence du bâtonnier est obligatoire et cruciale. Il a en effet le pouvoir de contester devant le juge des libertés et de la détention la « régularité » de la perquisition et des saisies.

L’article 56-1-2 pose une exception au principe précité et dispose que le secret professionnel du conseil n'est pas opposable aux mesures d'enquête ou d'instruction lorsque celles-ci sont relatives aux infractions mentionnées aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts et aux articles 421-2-2,433-1,433-2 et 435-1 à 435-10 du code pénal ainsi qu'au blanchiment de ces délits, sous réserve que les consultations, correspondances ou pièces détenues ou transmises par l'avocat ou son client établissent la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission desdites infractions.

 

2/ Que contestent les deux questions prioritaires de constitutionnalité ?

A/ La première QPC, transmise par le Conseil d’État

Les requérants soutenaient que les dispositions de l’article 56-1-2 méconnaîtraient le secret professionnel de la défense et du conseil de l’avocat dont ils invitaient le Conseil constitutionnel à reconnaître qu’il avait valeur constitutionnelle, ainsi que les droits de la défense, le droit au respect de la vie privée, le secret des correspondances, le droit à un procès équitable et le droit de ne pas s’auto-incriminer.

Ils reprochent au texte de permettre, à l’occasion de la perquisition réalisée dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile, la saisie d’un document couvert par le secret professionnel du conseil lorsqu’il ne relève pas de l’exercice des droits de la défense.

Ils reprochent également au texte de prévoir que le secret professionnel du conseil ne peut être invoqué pour s’opposer à la saisie de certains documents même lorsqu’ils relèvent de l’exercice des droits de la défense.

Les requérants avaient en outre contester la condition tenant à l’existence de « raisons plausibles » de soupçonner l’avocat de la commission d’une infraction, exigée lorsque la perquisition est justifiée par la mise en cause de ce dernier, comme étant trop imprécise.

 

B/ La seconde QPC, transmise par la Cour de cassation

Dans la seconde QPC était contestée la disposition de l’article 56-1 du code de procédure pénale donnant compétence au juge des libertés et de la détention pour statuer sur la contestation d’une saisie de documents ou d’objets opérée à l’occasion d’une perquisition dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile en ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe d’impartialité des juridictions dès lors que la perquisition doit elle-même être autorisée et, dans le cas où elle intervient à la demande de l’administration fiscale, effectuée par un juge des libertés et de la détention.

  

3/ Les décisions du 27 janvier 2023 du Conseil constitutionnel 

A/ Pas de valeur constitutionnelle du secret professionnel des avocats 

En premier lieu, se fondant sur l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, les sages reconnaissent la valeur constitutionnelle des droits de la défense mais indiquent qu’aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats.

 

B/ Une juste conciliation des différents principes constitutionnels

En second lieu, le Conseil constitutionnel rappelle qu’il incombe au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la recherche des auteurs d’infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d’autre part, l’exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis. Au nombre de ces derniers figurent le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances, protégés par l’article 2 de la Déclaration de 1789. 

Il en déduit que les dispositions contestées de l’article 56-1 du code de procédure pénale procèdent à une conciliation équilibrée entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances.

 

C/ L’exception de l’inopposabilité du secret professionnel du conseil pour certaines infractions 

Parmi les documents couverts par le secret professionnel du conseil, seuls sont susceptibles d’être saisis ceux qui ont été utilisés aux fins de commettre ou de faciliter la commission des infractions de fraude fiscale, corruption, trafic d’influence, financement d’une entreprise terroriste ou encore de blanchiment de ces délits.

En outre, le bâtonnier, son délégué ou la personne chez laquelle il est procédé à la perquisition doit jouer pleinement son rôle et s’opposer à la saisie de ces documents dans les conditions prévues aux articles 56-1 et 56-1-1 du code de procédure pénale.

Les sages déclarent donc conformes à la constitution l’article 56-1-2.

 

D/ La réserve d’impartialité

La deuxième décision prise le même jour reprend les termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 pour rappeler que le principe d’impartialité est indissociable de l’exercice des fonctions juridictionnelles.

L’article L. 16 B du livre des procédures fiscales prévoit que le juge des libertés et de la détention peut autoriser les agents habilités de l’administration fiscale à effectuer des visites en tous lieux, même privés, où sont susceptibles d’être détenus des pièces et documents se rapportant à des agissements frauduleux en matière d’impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de taxes sur le chiffre d’affaires et à procéder à leur saisie. La visite et la saisie s’effectuent alors sous l’autorité et le contrôle de ce même magistrat.

Il résulte de l’article 56-1 du code de procédure pénale que, lorsque ces opérations de visite et de saisie ont lieu dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile, elles sont effectuées par un juge des libertés et de la détention en présence du bâtonnier ou de son délégué, qui peut s’opposer à la saisie d’un document ou d’un objet s’il estime que cette saisie serait irrégulière. 

Il appartient donc à un juge des libertés et de la détention de statuer sur cette contestation par ordonnance motivée.

Les sages n’y voient pas de violation du principe d’impartialité mais émet une réserve cependant : le juge des libertés et de la détention qui a autorisé une perquisition et celui qui statue sur la contestation d’une saisie effectuée à cette occasion doivent être différents.

Deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) intéressant particulièrement les avocats ont été transmises au conseil Constitutionnel et ont donné lieu à deux décisions récentes dont la teneur est importante [1]

 

Ces questions prioritaires de constitutionnalité contestaient la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des nouvelles dispositions des articles 56-1 et 56-1-2 du code de procédure pénale, issues de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

 

La première des QPC avait été transmise par le Conseil d’État par un arrêt du 18 octobre 2022 sur la requête de l’ordre des avocats au barreau de Paris et sur celle de l’ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine.

 

La seconde QPC avait été transmise par la Cour de cassation.

 

Ce ne sont pas les premières QPC en la matière, d’autres avaient antérieurement été déposées contre les anciennes rédactions de l’article 56-1 sans jamais prospérer.

 

 

1 / Que disent les articles 56-1 et 56-1-2 du code de procédure pénale ?

 

Ces textes, entrés en vigueur le 1er mars 2022, sont issus de l’article 3-1°de loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

 

Cet article complète l’article préliminaire du code de procédure pénale en disposant que le respect du secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, est garanti au cours de la procédure pénale dans les conditions prévues par le présent code.

 

Ce même article modifie ensuite l’article 56-1 et créé l’article 56-1-2 du même code.

 

L’article 56-1 du code de procédure pénale prévoit les conditions dans lesquelles une perquisition peut être réalisée dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile ainsi que les modalités selon lesquelles les documents ou objets se trouvant sur les lieux peuvent être saisis.

 

Le texte confie au magistrat perquisitionneur la mission de veiller à ce que les investigations ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession d’avocat et à ce qu’aucun document relevant de l’exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil prévu par l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ne soit saisi et placé sous scellé.

 

La présence du bâtonnier est obligatoire et cruciale. Il a en effet le pouvoir de contester devant le juge des libertés et de la détention la « régularité » de la perquisition et des saisies.

 

L’article 56-1-2 pose une exception au principe précité et dispose que le secret professionnel du conseil n'est pas opposable aux mesures d'enquête ou d'instruction lorsque celles-ci sont relatives aux infractions mentionnées aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts et aux articles 421-2-2,433-1,433-2 et 435-1 à 435-10 du code pénal ainsi qu'au blanchiment de ces délits, sous réserve que les consultations, correspondances ou pièces détenues ou transmises par l'avocat ou son client établissent la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission desdites infractions.

 

2/ Que contestent les deux questions prioritaires de constitutionnalité ?

 

A/ La première QPC, transmise par le Conseil d’État

 

Les requérants soutenaient que les dispositions de l’article 56-1-2 méconnaîtraient le secret professionnel de la défense et du conseil de l’avocat dont ils invitaient le Conseil constitutionnel à reconnaître qu’il avait valeur constitutionnelle, ainsi que les droits de la défense, le droit au respect de la vie privée, le secret des correspondances, le droit à un procès équitable et le droit de ne pas s’auto-incriminer.

 

Ils reprochent au texte de permettre, à l’occasion de la perquisition réalisée dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile, la saisie d’un document couvert par le secret professionnel du conseil lorsqu’il ne relève pas de l’exercice des droits de la défense.

 

Ils reprochent également au texte de prévoir que le secret professionnel du conseil ne peut être invoqué pour s’opposer à la saisie de certains documents même lorsqu’ils relèvent de l’exercice des droits de la défense.

 

Les requérants avaient en outre contester la condition tenant à l’existence de « raisons plausibles » de soupçonner l’avocat de la commission d’une infraction, exigée lorsque la perquisition est justifiée par la mise en cause de ce dernier, comme étant trop imprécise.

 

B/ La seconde QPC, transmise par la Cour de cassation

 

Dans la seconde QPC était contestée la disposition de l’article 56-1 du code de procédure pénale donnant compétence au juge des libertés et de la détention pour statuer sur la contestation d’une saisie de documents ou d’objets opérée à l’occasion d’une perquisition dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile en ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe d’impartialité des juridictions dès lors que la perquisition doit elle-même être autorisée et, dans le cas où elle intervient à la demande de l’administration fiscale, effectuée par un juge des libertés et de la détention.

 

 

 

3/ Les décisions du 27 janvier 2023 du Conseil constitutionnel

 

A/ Pas de valeur constitutionnelle du secret professionnel des avocats

 

En premier lieu, se fondant sur l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, les sages reconnaissent la valeur constitutionnelle des droits de la défense mais indiquent qu’aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats.

 

B/ Une juste conciliation des différents principes constitutionnels

 

En second lieu, le Conseil constitutionnel rappelle qu’il incombe au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la recherche des auteurs d’infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d’autre part, l’exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis. Au nombre de ces derniers figurent le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances, protégés par l’article 2 de la Déclaration de 1789.

 

Il en déduit que les dispositions contestées de l’article 56-1 du code de procédure pénale procèdent à une conciliation équilibrée entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances.

 

C/ L’exception de l’inopposabilité du secret professionnel du conseil pour certaines infractions

 

Parmi les documents couverts par le secret professionnel du conseil, seuls sont susceptibles d’être saisis ceux qui ont été utilisés aux fins de commettre ou de faciliter la commission des infractions de fraude fiscale, corruption, trafic d’influence, financement d’une entreprise terroriste ou encore de blanchiment de ces délits.

 

En outre, le bâtonnier, son délégué ou la personne chez laquelle il est procédé à la perquisition doit jouer pleinement son rôle et s’opposer à la saisie de ces documents dans les conditions prévues aux articles 56-1 et 56-1-1 du code de procédure pénale.

 

Les sages déclarent donc conformes à la constitution l’article 56-1-2.

 

D/ La réserve d’impartialité

 

La deuxième décision prise le même jour reprend les termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 pour rappeler que le principe d’impartialité est indissociable de l’exercice des fonctions juridictionnelles.

 

L’article L. 16 B du livre des procédures fiscales prévoit que le juge des libertés et de la détention peut autoriser les agents habilités de l’administration fiscale à effectuer des visites en tous lieux, même privés, où sont susceptibles d’être détenus des pièces et documents se rapportant à des agissements frauduleux en matière d’impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de taxes sur le chiffre d’affaires et à procéder à leur saisie. La visite et la saisie s’effectuent alors sous l’autorité et le contrôle de ce même magistrat.

 

Il résulte de l’article 56-1 du code de procédure pénale que, lorsque ces opérations de visite et de saisie ont lieu dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile, elles sont effectuées par un juge des libertés et de la détention en présence du bâtonnier ou de son délégué, qui peut s’opposer à la saisie d’un document ou d’un objet s’il estime que cette saisie serait irrégulière.

 

Il appartient donc à un juge des libertés et de la détention de statuer sur cette contestation par ordonnance motivée.

 

Les sages n’y voient pas de violation du principe d’impartialité mais émet une réserve cependant : le juge des libertés et de la détention qui a autorisé une perquisition et celui qui statue sur la contestation d’une saisie effectuée à cette occasion doivent être différents.