Les nouvelles technologies font certainement partie des innovations les plus importantes de l’histoire moderne. Elles ont permis entre autre d’accélérer les progrès de la société en matière économique, environnementale ou même sociétale. En effet les utilisateurs de ces nouvelles technologies ont vu accroître d’années en années leur liberté d’expression grâce notamment à ces inventions.

Néanmoins cela s’est aussi accompagné d’un certain nombre de dérives qui sont spécifiques à ces technologies. En effet le développement d’internet et des technologies connexes ont entrainé l’émergence de nouvelles infractions qui n’existaient pas avant cela. Il a fallu que le droit évolue pour pouvoir mieux appréhender ces situations. La capacité d’adaptation du droit face à ces violations de la loi d’un genre nouveau est un enjeu majeur pour notre société.

Ainsi différents comportements sur internet ont déjà été sanctionnés par la loi. L’incitation à la haine par exemple est punie très sévèrement par les tribunaux. La loi Avia avait même envisagé de bannir définitivement tout comportement haineux. Sont aussi prohibés l’injure, la diffamation et le cyber harcèlement qui désignent des notions bien différentes.

Il existe certaines situations où la diffamation n’est pas évidente et ce parce que c’est une notion bien plus subjective que les autres. Il est alors nécessaire de clarifier les situations dans lesquelles elle peut être invoquée ou non.

La diffamation a été définie par la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse comme « toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ». Pour que cette infraction soit caractérisée il faut donc porter atteinte à l’honneur d’une personne.

Cependant certaines situations peuvent être délicates à apprécier pour les juges. Il en est ainsi par exemple du cas où un internaute va recopier un lien internet qui renvoie à une page web dans laquelle des propos diffamatoires ont été proférés. On sait déjà que l’auteur d’un lien hypertexte peut encourir plusieurs types de sanctions mais peut-il être condamné pour diffamation par la simple copie d’un lien renvoyant à un contenu qui lui est diffamatoire. Il convient dès lors d’aborder les relations entre lien hypertexte et diffamation et déterminer si un lien peut être diffamatoire.

 

I/ La reconnaissance de la responsabilité de l’auteur d’un lien hypertexte pour diffamation 

A)  Un lien hypertexte considéré comme une reproduction du site diffamatoire 

La mise en cause de l’auteur d’un lien hypertexte pour diffamation n’a pas été envisagée par la loi directement. Il est donc nécessaire d’analyser la jurisprudence de la cour de cassation pour obtenir plus de précision à ce sujet.

Le délai de prescription pour agir en justice contre un écrit sur internet a d’abord été fixé par la cour de cassation. Il est normalement de trois mois mais pour l’auteur d’un lien hypertexte le délai de prescription court à nouveau au moment où ce lien est mis en ligne. Cela a été rappelé par un arrêt du 2 novembre 2016.

Dans un arrêt du 1er septembre 2020 cette règle a été rappelée par la cour de cassation où elle a considéré qu’un lien hypertexte était équivalent à la reproduction du premier écrit. Etant donné qu’il s’agit d’un nouveau document cela a pour conséquence la prorogation du délai de prescription de trois mois. Ce nouveau délai a notamment pour but de mettre fin aux nombreux cas de cyber harcèlement qui ont lieu sur internet.

 

B)  Les conditions pour engager la responsabilité de l’auteur du lien hypertexte 

Dès lors que faire référence à un site web par un lien hypertexte peut être considéré comme une reproduction de ce site, la responsabilité de l’auteur de ce lien peut être recherchée si le site en question comporte un contenu illicite. Néanmoins cette responsabilité ne peut être engagée qu’à certaines conditions. Ces conditions sont liées aux intentions de l’auteur du lien hypertexte.

En effet il faut savoir si l’auteur du lien a approuvé les propos diffamatoires ou en a juste fait mention. Pour trancher ce genre de litige les juges  doivent aussi prendre en considération d’autres critères comme la bonne foi ou encore le fait que l’auteur savait ou était raisonnablement censé savoir que le contenu litigieux était diffamatoire. Il faut ainsi se focaliser sur un faisceau d’indice pour déterminer si la responsabilité de l’auteur du lien doit être engagée. Le fait reproché doit ainsi être contrebalancé par les intentions de son auteur.

 

II/ Les répercussions d’une responsabilité conditionnée de l’auteur d’un lien hypertexte 

A)  La préservation de la liberté d’expression

Les conditions imposées ont pour but de faire en sorte que le champ d’application de l’interdiction d’utiliser un lien hypertexte ne soit pas trop large.

Il est assez rassurant de voir que la responsabilité de l’auteur d’un lien hypertexte ne peut être recherchée qu’à certaines conditions. Cela permet de préserver la liberté d’expression qui est une liberté fondamentale comme le rappelle l’article 19 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1948 : « tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre sans considérations de frontières les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ».

Si l’interdiction d’utiliser un lien hypertexte était trop large alors il n’aurait pas été possible par exemple de faire mention d’un site, un article ou un message juste à titre informatif. Avoir accès à l’information est en effet un droit tout comme le fait de l’à divulguer. Le fait de mentionner un propos même diffamatoire par un lien hypertexte ne peut donc pas être répréhensible.

Il faut que la personne qui se dit victime de diffamation porte plainte pour réclamer la cessation de l’infraction. Ce sera ensuite le travail de la justice que de réunir les preuves pour démontrer si les propos tenus sont diffamatoires ou non.

 

B)  Une responsabilité de l’auteur du lien dépendante de celle de l’auteur des propos diffamatoires 

L’auteur du lien renvoyant à un site diffamatoire peut encourir certaines sanctions au même titre que l’auteur des propos diffamatoires. L’article 29 de la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que « Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ». La diffamation publique est sanctionnée d’une amende pouvant atteindre 12 000 euros. Les relations entre lien hypertexte et diffamation ne sont donc pas anodines et la reproduction de ce lien peut être constitutive d’une infraction d’une certaine gravité.

Dans un arrêt du 7 mai 2018, la cour de cassation a jugé que si l’auteur des propos litigieux pouvait bénéficier de la bonne foi pour exclure sa responsabilité alors l’auteur du lien reprenant ces propos devait lui aussi bénéficier de la bonne foi. La responsabilité de l’auteur du lien est donc liée à celle de l’auteur des propos incriminés dans un certain sens (crim., 7 mai 2018 N° de pourvoi 17-82 ;663).

 

SOURCES :