Si la transaction est rédigée en des termes généraux, l’employeur peut être exempté du paiement de l’indemnité de non-concurrence, et le salarié est libéré de l’interdiction de concurrence (Cass. Soc.17 février 2021, n° 19-20635).

 

Qu’est ce que la clause de non-concurrence ?

La clause de non-concurrence est une clause, inscrite dans le contrat de travail, qui interdit au salarié, à l’expiration de son contrat de travail, d’exercer certaines activités professionnelles susceptibles de nuire à son ancien employeur.

La clause de non-concurrence doit répondre à quatre conditions de validité cumulatives. Si une seule d'entre elles manque, la clause est nulle et donc inefficace.

Les 4 conditions de validité sont les suivantes :

  • La clause doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise
  • La clause doit être limitée à la fois dans le temps et dans l’espace
  • La clause doit tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié
  • La clause doit prévoir une contrepartie financière.

 

L’employeur peut renoncer à l’application de la clause de non-concurrence. 

Par sa renonciation, il libère le salarié de l’interdiction de concurrence et lui-même n’est plus tenu de verser l’indemnité de non-concurrence prévue.

L’employeur doit libérer expressément, clairement et sans équivoque le salarié de son interdiction de concurrence

 

Qu’est-ce qu’une transaction ?

Une transaction est un contrat conclu entre l’employeur et le salarié qui décident de mettre fin à un litige né ou à naître. 

Les parties se mettent d’accord et évitent ainsi d’aller devant les juges pour régler leur différend. 

Selon les dispositions du code civil, « les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort » (c. civ. art. 2052).

En droit du travailune transaction doit être conclue :

  • après la rupture définitive du contrat ;
  • pour mettre fin, moyennant les concessions réciproques, à une contestation née ou à naître entre l’employeur et le salarié à l’occasion de la rupture du contrat de travail.

L’employeur et le salarié doivent se faire des concessions réelles et appréciables pour que la transaction soit valable.

Les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, à savoir ici : un différend sur la rupture du contrat de travail (c. civ. art. 2048).

Toutefois, la portée de la transaction va dépendre de sa rédaction.

 

Qu’est ce qu’une transaction rédigée en des termes généraux ? 

Une transaction peut porter sur des éléments qui n’y sont pas expressément inclus, dans la mesure où les termes employés par l’employeur et le salarié sont suffisamment généraux pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté à ce sujet (Cass. ass. plén. 4 juillet 1997 : n° 93-43375).

Exemple de transaction rédigée en des termes généraux :

Une transaction a été signée après un licenciement pour faute grave.

Elle prévoit que le salarié n’a plus rien à réclamer à l’employeur à « quelque titre que ce soit, et pour quelques cause que ce soit, tant en raison de l’exécution que de la rupture du contrat de travail ».

En raison de cette rédaction, le salarié ne peut plus venir réclamer devant le Conseil de Prud’hommes le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis.

(Cass. soc. 5 novembre 2014, n° 13-18984)

 

Quels sont les effets sur une clause de non-concurrence d’une transaction rédigée en des termes généraux ?

Attention, revirement de jurisprudence !

Auparavant, une transaction n’affectait pas les clauses contractuelles destinées à s’appliquer après la rupture du contrat de travail, comme une clause de non-concurrence, sauf disposition expresse contraire (Cass. soc. 6 mai 1998, n° 96-40234 ; Cass. soc. 5 avril 2006, n° 03-47802).

L’arrêt du 17 février 2021 a mis un terme à cette jurisprudence (Cass. Soc.17 février 2021, n° 19-20635).

Désormais, lorsque l’employeur et le salarié ont rédigé une transaction en termes généraux, l’employeur est délié du paiement de l’indemnité de non-concurrence, et le salarié est libéré de l’interdiction de concurrence (Cass. soc. 17 février 2021, n° 19-20635).

Pour que la transaction inclue la clause de non-concurrence, elle doit comporter les obligations suivantes de l’employeur et du salarié :

  • ils doivent reconnaître que leurs concessions réciproques sont réalisées à titre transactionnel, forfaitaire et définitif, ceci afin de les remplir de tous leurs droits et pour mettre fin à tout différend né ou à naître des rapports de droit ou de fait ayant pu exister entre eux, 
  • ils doivent déclarer être totalement remplies de leurs droits respectifs et renoncer réciproquement à toute action en vue de réclamer quelque somme que ce soit.

 

Dans cette affaire, une salariée dont le contrat de travail contenait une clause de non-concurrence, a été licenciée pour motif personnel. 

Elle signait une transaction quinze jours après.

Dans cette transaction, l’employeur s’était engagé à payer une indemnité transactionnelle constituant « le solde définitif et irrévocable de tout compte ».

Cette indemnité avait « vocation à réparer l’ensemble des préjudices tant professionnels que moraux que Mme X... [prétendait] subir du fait des modalités d’exécution de son contrat de travail, de sa rupture, des conditions dans lesquelles elle [était] intervenue et au regard de ses conséquences de toute nature, et notamment ceux expressément invoqués dans le protocole ».

Les concessions de l’employeur « étaient réalisées à titre transactionnel, forfaitaire et définitif, conformément aux articles 2044 et suivants du code civil et en particulier l’article 2052 du code civil, afin de la remplir de tous ses droits et pour mettre fin à tout différend né ou à naître des rapports de droit ou de fait ayant pu exister ».

Quant à elle, la salariée renonçait dans la transaction « à toute prétention, réclamation, action ou instance de quelque nature qu’elle soit, pouvant avoir pour cause, conséquence ou objet, directement ou indirectement, l’exécution ou la cessation des fonctions qu’elle [avait] exercées au sein de la société ou du groupe auquel elle » appartenait.

Elle avait « renoncé à toute action ou instance liée à la rupture de son contrat de travail, indiqué n’avoir plus aucune demande à formuler à quelque titre que ce soit et [avait] renoncé à toute instance ou action judiciaire relative au présent litige ».

 

Quelques mois après la signature de cette transaction, la salariée saisissait le Conseil de prud’hommes d’une demande en paiement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence.

Elle a obtenu gain de cause en appel.

L’employeur a saisi la Cour de cassation qui a cassé l’arrêt d’appel.

Pour la Cour de cassation, « les obligations réciproques des parties au titre d’une clause de non-concurrence sont comprises dans l’objet de la transaction par laquelle ces parties déclarent être remplies de tous leurs droits ».

En clair : lorsque l’employeur et le salarié ont rédigé une transaction en termes généraux, l’employeur est délié du paiement de l’indemnité de non-concurrence, et le salarié est libéré de l’interdiction de concurrence.

 

Sources :

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 17 février 2021 : RG n°19-20635

Cour de cassation, Assemblée plénière 4 juillet 1997 : RG n° 93-43375

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 5 novembre 2014 : RG n° 13-18984

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 6 mai 1998 : RG n° 96-40234

Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 5 avril 2006 : RG n° 03-47802

 

 

Par Maitre Virginie LANGLET

Avocat au Barreau de Paris